Correspondance 1812-1876, 6/1876/CMLVIII

La bibliothèque libre.


Texte établi par Calmann-Lévy,  (Correspondance Tome 6 : 1870-1876p. 389-390).


CMLVIII

À GUSTAVE FLAUBERT, À PARIS


Nohant, 9 mars 1876.


Tu méprises Sedaine, gros profane ! voilà où la doctrine de la forme te crève les yeux. Sedaine n’est pas un écrivain, c’est vrai, quoiqu’il s’en faille de bien peu ; mais c’est un homme, c’est un cœur et des entrailles, c’est le sens du vrai moral, la vue droite des sentiments humains. Je me moque bien de quelques raisonnements démodés et de la sécheresse de la phrase ! le mot y est toujours et vous pénètre profondément.

Mon cher vieux Sedaine ! il est un de mes papas bien-aimés et je trouve le philosophe sans le savoir bien supérieur à Victorine ; c’est un drame si navrant et si bien conduit ! Mais tu ne cherches plus que la phrase bien faite, c’est quelque chose, quelque chose seulement, ce n’est pas tout l’art, ce n’en est pas même la moitié, c’est le quart tout au plus, et, quand les trois autres quarts sont beaux, on se passe de celui qui ne l’est pas.

J’espère que tu n’iras pas chercher le paysage avant le beau temps ; ici, nous avons été assez épargnés ; mais, depuis trois jours, c’est le déluge, et cela me rend malade, je n’aurais pas pu aller à Paris. Ta nièce va mieux, Dieu en soit loué ! je t’aime et je t’embrasse de toute mon âme.