Correspondance 1812-1876, 6/1875/CMXXXVII

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Texte établi par Calmann-Lévy,  (Correspondance Tome 6 : 1870-1876p. 351-352).


CMXXXVII

À M. LE BARON MARTINEAU-DESCHENEZ,
À VILLERS-SUR-MER


Nohant, 3 août 1875.


Merci de ta bonne chère lettre, mon Benjamin. J’y veux répondre moi-même d’autant plus qu’aujourd’hui je suis seule à la maison avec mes deux petites filles. Maurice, Lina et les amis ont été faire de la géologie aux environs. C’est te dire que tout mon monde se porte bien, quoique ma petite Lina et ses deux filles aient eu la rougeole coup sur coup. À présent, toutes les santés sont bonnes ; seulement ce jeune monde a un peu maigri. On nous décommande les bains de mer pour cette année mais peut-être une autre fois irons-nous vous rejoindre à Villers, qui est un lieu charmant et où il nous serait si doux d’être près de vous. Je n’irais certainement pas vous fourrer toute ma smala ; mais vous nous trouveriez bien une maisonnette à louer pour un mois, pas trop loin de la vôtre. J’ai par là un endroit favori, les Vaches-Noires, avec les grandes falaises où je me plaisais tant. Pour cette année, nous ne bougeons plus. Moi seule irai à Paris vers la fin de septembre, pour les dernières répétitions du Marquis de Villemer, qu’on va jouer au Théâtre Français ; serez-vous revenus de Normandie ? je veux l’espérer. Je compte sur ta promesse de nous envoyer tous vos portraits quand vous les aurez sous la main, et, en attendant, je vous envoie tous les nôtres, avec la maison, le jardin et le village, le nid avec la nichée. Embrasse pour nous ta charmante femme et ta charmante fille, si gracieuses et si bonnes toutes deux. Je suis heureuse de te savoir heureux ; tu le méritais bien, toi qui as toujours été le meilleur des êtres et le plus fidèle des amis.

À toi de cœur.
G. SAND.