Correspondance apocryphe de saint Paul et des Corinthiens/Traduction du texte arménien

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Traduction par Auguste Carrière et Samuel Berger.
Librairie Fischbacher (p. 19-23).
Lettre des Corinthiens à l’apôtre saint Paul.


I


[1] Stéphanus et les anciens qui sont avec lui, Dabnus[1], Eubulus, Théophile et Xinon[2], à Paul notre frère[3], évangéliste et fidèle docteur en Jésus-Christ, salut.

[2] Deux hommes sont venus à Corinthe, Simon et Cléobius[4], qui ébranlent[5] fortement la foi de quelques-uns, les séduisant par d’abominables doctrines [3] dont il faut que tu sois informé ; [4] car nous n’en avons jamais entendu de semblables, ni de toi, ni des autres apôtres, [5] et nous savons que ce que nous avons entendu de toi et de ceux-ci, nous le gardons fidèlement. [6] Mais en ceci le Seigneur nous a témoigné sa grande miséricorde, que nous pouvons de nouveau recevoir tes enseignements pendant que tu es encore en chair au milieu de nous.

[7] Écris-nous donc maintenant, ou hâte-toi de venir toi-même chez nous, [8] car nous avons cette confiance dans le Seigneur qu’il t’a délivré des mains de l’impie, comme cela a été révélé à Théonas[6].

[9] Voici les doctrines d’erreur que ces impurs annoncent et enseignent :

[10] Il ne faut pas, disent-ils, recevoir les prophètes ;

[11] Dieu n’est pas tout-puissant ;

[12] Il n’y a pas de résurrection de la chair[7] ;

[13] L’homme n’a été nullement créé par Dieu ;

[14] Jésus-Christ n’est pas né en chair de la vierge Marie[8] ;

[15] Ils ne regardent point ce monde comme ayant été créé par Dieu, mais par un certain ange.

[16] Maintenant, frère, prends la peine de venir jusqu’à nous, pour qu’il n’y ait pas de scandale dans la ville de Corinthe, et que la folie de ces hommes, confondue devant tous par une répréhension publique, soit répudiée.

Au nom du Seigneur[9], salut.


II


[1] Les diacres Théreptus et Tychus prirent cette lettre et la portèrent dans la ville de Philippes. [2] Lorsque Paul la reçut, bien qu’il fût lui-même dans les chaînes à cause de Statonice, femme d’Apollophane[10], comme s’il eût oublié ses liens, il fut désolé des choses qu’il apprenait, [3] et dit en pleurant : « Comme il vaudrait mieux pour moi être mort et être avec le Seigneur, qu’ici dans ce corps, entendant de telles choses et apprenant les calamités d’une fausse doctrine ! Une tristesse en effet vient s’ajouter à une autre tristesse. [4] Et comme surcroît à de telles douleurs, être dans les chaînes, voir ces calamités, ces angoisses, Satan s’efforçant de faire du mal à ceux vers lesquels il est accouru avec ses machinations ! » [5] C’est ainsi, au milieu de nombreuses souffrances, que Paul répondit à la lettre des Corinthiens :


III


[1] Paul, prisonnier pour Jésus-Christ, aux frères de Corinthe, du milieu de mes nombreuses tribulations, salut.

[2] Je ne suis nullement étonné de ce que les séductions du malin se répandent si vite ; [3] mais le Seigneur Jésus va hâter sa venue, parce que l’on change et méprise ses commandements. [4] Pour moi, dès le commencement, je vous ai enseigné ce que j’ai reçu moi-même des premiers apôtres, qui ont vécu tout le temps avec notre Seigneur Jésus-Christ.

[5] Maintenant encore je vous dis[11] que le Seigneur Jésus-Christ est né de la vierge Marie, qui était de la race de David, selon les promesses de l’Esprit saint envoyé du ciel en elle par le Père, [6] afin que Jésus entrât dans ce monde pour délivrer toute chair par sa chair et nous ressusciter des morts, comme il nous en a donné l’exemple en sa personne.

[7] Pour qu’il devînt évident que l’homme a été créé par le Père, [8] il n’a point été abandonné dans la perdition, mais il a été recherché pour être vivifié par l’adoption. [9] Car Dieu, le maître de toutes choses, le père de notre Seigneur Jésus-Christ, celui qui a créé le ciel et la terre, a d’abord envoyé les prophètes aux Juifs pour les arracher à leurs péchés et les amener à sa justice. [10] Voulant sauver la maison d’Israël, il a envoyé une part de l’Esprit sur les prophètes, pour qu’ils annonçassent pendant bien longtemps la vraie religion et la naissance du Christ. [11] Mais le prince d’iniquité, voulant s’égaler à Dieu, mettait la main sur eux et enchaînait tous les hommes par le péché.

Comme le jugement du monde approchait, [12] le Dieu tout-puissant, voulant justifier et non pas rejeter ses créatures, et les voyant tourmentées, eut pitié d’elles [13] et, à la fin des temps, il envoya le Saint-Esprit dans la vierge[12] prévue par les prophètes, [14] laquelle, ayant cru de tout son cœur, devint digne de concevoir et d’enfanter notre Seigneur Jésus-Christ ; [15] afin que, par cette même chair dont se glorifiait orgueilleusement le Malin, il fût repris lui-même et convaincu de n’être pas Dieu. [16] Car c’est en sa chair que Jésus-Christ a appelé et sauvé la chair périssable et l’a amenée à la vie éternelle par la foi, [17] afin de préparer pour les temps futurs un saint temple de justice en son corps, [18] par la foi auquel nous aussi avons été délivrés.

[19] Sachez encore que ces hommes ne sont pas des enfants de justice, mais des enfants de colère, car ils éloignent d’eux-mêmes la miséricorde de Dieu en disant que le ciel, la terre et toutes les créatures ne sont point l’œuvre du Père de toutes choses. [20] Ces maudits professent la doctrine du serpent. [21] Mais vous, avec l’aide de Dieu, repoussez-les loin de vous, et rejetez loin de vous leur doctrine perverse ; [22] car vous n’êtes pas des fils de la désobéissance, mais des enfants de l’Église bien-aimée : [23] c’est pourquoi le temps de la résurrection est annoncé à tous.

[24] Ceux qui disent : « Il n’y a point de résurrection de la chair, » ceux-là ne ressusciteront point pour la vie éternelle, mais pour la condamnation ; car les incrédules ressusciteront en chair[13] pour le jugement.

[25] Car pour ceux qui disent de la chair : « Il n’y a point de résurrection, » pour ceux-là il n’y aura pas de résurrection, parce qu’ils ont ainsi renié la résurrection[14].

[26] Vous savez bien, hommes de Corinthe, au sujet de la semence du blé et des autres semences, qu’un grain nu tombe seul en terre et que ce grain, une fois dans le sol, commence par mourir ; puis il ressuscite, par la volonté du Seigneur, revêtant le même corps qu’il avait auparavant ; [27] et ce n’est point un seul corps qui ressuscite, mais beaucoup d’autres de même espèce lèvent avec lui et prospèrent.

[28] Ce n’est point seulement des semences que nous devons tirer des exemples, mais aussi des corps plus nobles, de l’homme.

[29] Vous savez que Jonas, fils d’Amathi, parce qu’il refusait de prêcher aux Ninivites, fut jeté dans le ventre du poisson et y resta trois jours et trois nuits. [30] Au bout de trois jours, Dieu exauça ses prières et le tira du fond de l’abîme, sans que son corps eût en rien souffert, sans qu’un de ses cils eût été courbé, ni qu’un de ses cheveux eût été arraché. [31] À combien plus forte raison, vous, gens de petite foi, si vous croyez au Seigneur Jésus-Christ, vous ressuscitera-t-il comme il est lui-même ressuscité.

[32] Et si les ossements du prophète Élisée, tombant sur un mort, ont ressuscité ce mort[15], à combien plus forte raison vous, qui trouvez un appui dans la chair, le sang et l’esprit du Christ, ressusciterez-vous en ce jour-là avec votre corps intact.

[33] Le prophète Élie, en embrassant le fils de la veuve, l’a ressuscité des morts. À combien plus forte raison Jésus-Christ vous ressuscitera-t-il, vous aussi, en ce jour-là, comme il est lui-même ressuscité des morts avec son corps intact.

[34] Si vous recevez inconsidérément quelque autre doctrine, que personne désormais ne vienne plus me fatiguer. Car je porte sur moi ces chaînes [35] afin de gagner Christ, et j’endure en mon corps les tourments pour mériter la résurrection des morts. [36] Et vous qui avez tous reçu la loi par les bienheureux prophètes et le saint Évangile, tenez ferme ; vous recevrez la récompense à la résurrection des morts, vous hériterez la vie éternelle. [37] Mais s’il se trouve quelque homme de petite foi qui transgresse ces enseignements, il prépare sa propre condamnation et sera châtié avec ceux qui soutiennent les desseins de ces hommes d’erreur[16] ; [38] car ceux-ci sont une race de vipères, une engeance de serpents et de basilics. [39] Repoussez-les, séparez-vous d’eux avec l’aide de notre Seigneur Jésus-Christ ; [40] et que soient avec vous la paix et la grâce du bien aimé premier-né. Amen.


  1. Dabnus = Δάϕνος ; cf. dabni, laurier = δάϕνη.
  2. Xinon = Zénon ; le traducteur arménien a sans doute pris un Z pour un Ξ. La faute serait inexplicable en supposant un original syriaque.
  3. Z. : père.
  4. Z. : Cléobus.
  5. Z. : ont ruiné.
  6. La traduction suivante des versets 7 et 8, conforme à la version latine, nous paraît résulter du texte qui a servi de base au commentaire d’Éphrem, en assez mauvais état à cet endroit : « Hâte-toi donc de venir toi-même chez nous, — car nous avons cette confiance dans le Seigneur qu’il t’a délivré des mains de l’impie, comme cela a été révélé à Théonas, — ou bien écris-nous une lettre. »
  7. Z. ajoute : pour les morts, ou bien : des corps morts.
  8. Texte d’Éphrem et latin : « Ils disent que notre Seigneur n’est pas venu en chair, et ne le regardent point comme né de la vierge Marie. »
  9. Manque dans Z.
  10. Z. : Apopholanus.
  11. Les premiers mots : « Maintenant encore je vous dis » manquent dans le texte d’Éphrem et le latin, qui réunissent en une seule phrase les versets 4 et 5 : « Je vous ai enseigné ce que j’ai reçu… savoir, que le Seigneur Jésus-Christ est né, etc. »
  12. Au lieu de « dans la vierge », le texte d’Éphrem porte : « en Marie la Galiléenne », et n’a pas : « prévue par les prophètes ». De même le latin.
  13. Z. : ils ressusciteront avec leur chair incrédule
  14. Ce verset n’est qu’une rédaction plus ancienne du v. 24 ; voir le commentaire d’Éphrem et la version latine. Le texte en est mal conservé.
  15. Éphrem paraphrase un texte plus conforme à la tradition biblique et au latin : « Et si les ossements d’Élisée ont rendu à la vie le mort qui tomba sur eux, etc. »
  16. Le commentaire d’Éphrem et la version latine donnent un texte différent : « Celui qui transgresse ces enseignements, le feu lui est réservé, à lui et à ceux qui lui ont ainsi montré le chemin, hommes sans Dieu. »