Correspondance de Voltaire/1723/Lettre 88

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Correspondance de Voltaire/1723
Correspondance : année 1723GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 91-92).
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88. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.

Juillet.

Votre gazette ne sera pas longue, cette fois-ci, car le gazetier est très-malade et a la fièvre actuellement. Il n’y a de santé pour moi que dans la solitude de la Rivière. Je crois être en enfer, lorsque je suis dans la maudite ville de Paris. Mes affaires, dont vous avez la bonté de me parler, vont toujours de mal en pis, et le chagrin pourrait bien m’avoir rendu malade. Vous devez savoir que M. le duc de Richelieu est actuellement à Forges ; mais je ne crois pas qu’il vienne faire beaucoup d’agaceries aux dames de Rouen. Je lui ai conseillé d’aller vous demander à coucher, en allant chez M. le duc de Brancas. La chose sera assez difficile, parce qu’il a fait le voyage en berline, avec le comte de Heim, qu’il se charge de ramener à Paris.

Je vous dirai, pour toutes nouvelles, que le poëte Roi[1], s’étant vanté mal à propos d’avoir obtenu une charge de gentilhomme extraordinaire, messieurs les ordinaires ont été en corps supplier M. le duc d’Orléans et M. le cardinal Dubois de ne point leur donner pour confrère un homme dont il faut brûler les ouvrages et pendre la personne.

M. de Morville[2] fut reçu mardi dernier à l’Académie, où il fit un discours très-court. La harangue de M. Malet[3], qui le reçut, parut très-longue ; et de peur que vous n’en disiez autant de ma lettre, je finis en vous assurant que je suis malade comme un chien, et d’ailleurs la plus malheureuse créature du monde, vous aimant de tout mon cœur.

    un des camarades de Voltaire au collège Louis-le-Grand. Il est auteur de quelques pièces de théâtre (voyez les lettres des 13 août et 2 novembre 1731) et de poésies. Voltaire lui adressa un grand nombre de lettres. Cideville, conseiller au parlement, de Rouen et membre de l’académie de cette ville, n’est mort que le 5 mars 1776. Il était devenu dévot. (B.)

  1. Pierre-Charles Roi, né à Paris en 1683, mort le 23 octobre 1764, des suites de coups de bâton. (B.)
  2. Charles-Jean-Baptiste Fleurian de Morville, auquel est adressée une lettre, à la date de 1727, fut reçu à l’Académie française le mardi 22 juin 1723. (Cl.)
  3. Jean-Roland Mallet, ou Malet, gentilhomme ordinaire du roi, et premier commis des finances, à qui une mauvaise ode ouvrit, en 1714, les portes de l’Académie française. Mort en 1736. Cl.)