Correspondance de Voltaire/1725/Lettre 151

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Correspondance de Voltaire/1725
Correspondance : année 1725GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 146-147).
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151. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.

À Versailles, septembre.

Hier, à dix heures et demie, le roi déclara qu’il épousait la princesse de Pologne, et en parut très-content. Il donna son pied à baiser à M. d’Épernon[1], et son cul à M. de Maurepas, et reçut les compliments de toute sa cour, qu’il mouille tous les jours à la chasse, par la pluie la plus horrible. Il va partir, dans le moment, pour Rambouillet, et épousera Mme Leczinska à Chantilly. Tout le monde fait ici sa cour à Mme de Besenval[2], qui est un peu parente de la reine. Cette dame, qui a de l’esprit, reçoit avec beaucoup de modestie les marques de bassesse qu’on lui donne. Je la vis hier chez M. le maréchal de Villars. On lui demanda à quel degré elle était parente de la reine ; elle répondit que les reines n’avaient point de parents. Les noces de Louis XV font tort au pauvre Voltaire. On ne parle de payer aucune pension, ni même de les conserver ; mais, en récompense, on va créer un nouvel impôt pour avoir de quoi acheter des dentelles et des étoffes pour la demoiselle Leczinska. Ceci ressemble au mariage du soleil, qui faisait murmurer les grenouilles[3]. Il n’y a que trois jours que je suis à Versailles, et je voudrais déjà en être dehors. La Rivière-Bourdet me plaira plus que Trianon et Marly, et je ne veux dorénavant d’autre cour que la vôtre. Mandez-moi des nouvelles de votre santé. Digérez-vous bien ? Allez-vous souvent aux spectacles ? Avez-vous fait dire à Dufresne et à la Lecouvreur de jouer Mariamne ? L’abbé Desfontaines est-il en liberté ? Thieriot est-il toujours bien sémillant ? Conservez-moi votre amitié, dont je fais plus de cas que d’une pension et de ceux qui la donnent.

  1. Louis de Pardaillan de Gondrin, d’abord duc d’Epernon et ensuite duc d’Antin, né en 1707, mort en 1743 ; fils de M. de Gondrin à qui Voltaire adressa une épître en 1746.
  2. Catherine de Bielenska, fille du comte de Bielenski, grand-maréchal de Pologne ; mariée, en 1718, à Jean-Victor de Besenval, dont elle eut, en 1721, le baron de Besenval, mort en 1794. On prononce ordinairement Bèseval. (Cl.)
  3. La Fontaine, livre VI, fable xii.