Correspondance de Voltaire/1742/Lettre 1540

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1742
Correspondance : année 1742GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 171-172).

1540. — À M. CÉSAR DE MISSY[1].
À Bruxelles, 20 octobre.

J’ai fait, monsieur, un petit voyage qui m’a empêché de répondre plus tôt à l’honneur de votre lettre. Je viens d’apprendre dans le moment qu’on a imprimé Mahomet à Paris sous le nom de Bruxelles ; on me mande que cette édition est non seulement incorrecte, mais qu’elle est faite sur une copie informe qui m’a été dérobée.

Me voilà dans la nécessité d’en faire imprimer la véritable copie. Je serai charmé, monsieur, de vous l’envoyer, si vous le trouvez bon. Mais n’ayant plus ici l’édition de Genève de mes œuvres, je ne pourrai vous la faire tenir que quand je serai de retour à Paris. Je vous demande bien pardon de ce contre-temps. Je n’ai jamais reçu ni le Wotton ni le Pancirole[2]dont vous me parlez. Mais j’ai enfin trouvé un Pancirole à Amsterdam ; c’est un livre qui ne méritait pas la peine que je me suis donnée de le chercher. Au reste, monsieur, le seul mémoire détaillé que j’aie à donner au libraire dont vous voulez bien me parler, c’est qu’il imprime correctement et Mahomet et mes autres ouvrages.

Je voudrais bien être, monsieur, à portée de vous remercier à Londres de vive voix, et de jouir d’un entretien où je trouverais l’agréable et l’utile. Je vous prie de vouloir bien recommander aux libraires qui vendent l’Histoire universelle d’envoyer les feuilles depuis la captivité de Babylone jusqu’à la dernière à M. Van Cleve, banquier à Bruxelles, qui en payera le prix. Je suis dans un pays où on ne parle que de cavalerie et de fourrages. Tout cela est bien peu philosophe ; un homme sage et instruit est fort au-dessus de cinquante mille fous enrégimentés : aussi vous préféré-je à eux. Comptez, monsieur, sur mon véritable attachement.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Wotton, philologue et critique, né en 1666, mort en 1726, auteur de travaux sur les Scribes et les Pharisiens, d’une Histoire de Rome, etc. — Panciroli, né en 1523, mort en 1599, auteur de nombreux ouvrages de droit recueillis sous le titre de Tractatus universi juris, 1584.