Correspondance de Voltaire/1743/Lettre 1618

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Correspondance de Voltaire/1743
Correspondance : année 1743GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 255).
1618. — À M. THIERIOT.
À Berlin, le 8 octobre.

J’ai reçu vos deux lettres, en revenant de la Franconie, à la suite d’un roi qui est la terreur des postillons, comme de l’Autriche, et qui fait tout en poste. Il traîne ma momie après lui. Je n’ai que le temps de venir vous dire un mot. Jodelet prince[1] est entouré de rois, de reines, de musiques, de bals. Le roi de Prusse daigne, en quatre jours de temps, faire ajuster sa magnifique salle des machines, et faire mettre au théâtre le plus bel opéra de Metastasio[2] et de Hasse ; le tout parce que je suis curieux. Jodelet prince s’en retourne, après ce rêve, être à Paris Jodelet tout court, être berné et écrasé comme de coutume ; mais il ne s’en retournera pas sans s’être jeté aux pieds du roi en faveur de son ami Thieriot, et sans avoir obtenu quelque chose. Ce ne sera pas assurément le fruit le moins flatteur du plus agréable voyage qu’on ait jamais fait. L’amitié, qui me ramène à Paris, est toujours à Berlin la première divinité à qui je sacrifie.

  1. Jodelet prince, comédie donnée au Théâtre-Français en 1655, par Thomas Corneille, est en cinq actes, et en vers.
  2. Voltaire, dans ses Mémoires, dit que la Clemenza di Tito fut mise en musique par le roi lui-même, aidé de son compositeur, Ch.-H. Graun, né en 1701, mort en 1759. — Cet opéra fut représenté, à Berlin, le 8 et le 10 octobre.