Correspondance de Voltaire/1748/Lettre 1886

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Correspondance de Voltaire/1748
Correspondance : année 1748GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 510).
1886. — À MADAME DE CHAMPBONIN.
De Lunéville.

Le désir d’aller vous surprendre au Champbonin, madame, du moins l’espérance que j’en avais m’empêche depuis longtemps d’avoir l’honneur de vous écrire. J’ai toujours compté partir de jour en jour, et quitter la cour de Lorraine pour aller goûter auprès de vous les charmes de l’amitié et de cette vie que vous m’avez fait aimer. Je n’attends plus qu’une lettre de votre amie Mme du Châtelet, et de Mme de Roncières, pour partir. Permettez-donc, madame, que je vous adresse celle-ci, que j’écris à Mme de Roncières, et que je vous supplie de lui faire tenir par un exprès, afin qu’une réponse prompte me mette en état d’aller bientôt vous faire ma cour. Une des plus agréables nouvelles que je puisse jamais recevoir serait que votre fortune fût un peu augmentée : il me semble que c’est la seule chose qu’on puisse vous désirer. Pardonnez ce petit mouvement, qui est peut-être d’indiscrétion, au tendre attachement que je vous ai voué pour jamais. Quand on aime véritablement, on se passe hardiment des choses dont on ne dit mot au reste du monde. Nous attendons tous les jours ici une bataille[1] gagnée ou perdue. Il y a ordre aux portes de ne point laisser passer des courriers extraordinaires. Cet ordre fait penser qu’on veut donner le temps au courrier de l’armée de porter la nouvelle. D’ailleurs on sait ici très-peu de chose de la façon dont les armées sont postées. Le lansquenet et l’amour occupent cette petite cour. Pour moi, quand la tendre amitié m’occupera au Champbonin, je serai bien content de mon sort. Comptez, madame, pour toute ma vie, sur mon tendre et respectueux attachement.

  1. Les hostilités ayant cessé immédiatement après l’entrée des Français à Maestricht, Voltaire dit avec raison, dans sa lettre du 10 juin 1748 à d’Argental : Tout est tranquille dans l’Europe. C’est une preuve que la lettre ci-dessus est du troisième ou quatrième mois de 1748, et non du dernier. (Cl.)