Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 4831

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Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 35-36).

4831. — À M.  ABEILLE.
Aux Délices, par Genève, 7 février.

Vous ne devez douter, monsieur, ni du plaisir que vous m’avez fait, ni de ma reconnaissance. Je suis le moindre des agriculteurs, et dans un pays qui peut se vanter d’être le plus mauvais de France, quoiqu’il soit des plus jolis ; mais quiconque fait croître deux brins d’herbe où il n’en venait qu’un rend au moins un petit service à sa patrie. J’ai trouvé de la misère et des ronces sur de la terre à pot. J’ai dit aux possesseurs des ronces : Voulez-vous me permettre de vous défricher ? Ils me l’ont permis, en se moquant de moi. J’ai défriché, j’ai brûlé, j’ai fait porter de la terre légère ; on a cessé de me siffler, et on me remercie. On peut toujours faire un peu de bien partout où l’on est. Le livre[1] que vous m’avez fait l’honneur de m’envoyer, monsieur, en doit faire beaucoup. Je le lis avec attention. Corneille ne me fait point oublier Triptolème. Agréez mes sincères remerciements, et tous les sentiments avec lesquels j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

  1. Voyez la note sur la lettre 4699.