Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 4841

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4841. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
Aux Délices, 14 février.

J’apprends, madame, par les nouvelles publiques, une nouvelle que je ne veux pas croire : les gazettes sont souvent très-mal informées ; mais s’il y a quelque fondement à ce funeste bruit, souffrez, madame, que je mêle ma douleur à la vôtre[1]. Je suis encore très-incertain. Je ne peux que me borner à vous dire combien je m’intéresse à vos peines, si vous en avez, et à la douceur de votre vie, si elle n’est point troublée. Votre expérience et votre bon esprit vous ont appris que la vie est bien peu de chose, et qu’il faut au moins en jouir, puisque ce peu est tout ce que nous avons. Quelque malheur qui nous arrive, et quelque perte qu’on fasse, la philosophie doit venir à notre secours, et la sensibilité de nos amis est de quelque consolation. Si la nouvelle est malheureusement vraie, je voudrais être près de vous dans le nombre de ceux dont l’amitié vous console. Vivez, madame, et continuez de devoir votre santé à votre régime. Nous avons dans mon voisinage de Genève une femme qui a cent quatre ans passés[2] et qui gouverne très-bien toute sa famille. Ses règles lui sont revenues à cent deux ans. Mais elle n’a pas voulu se remarier. Voilà l’exemple que je vous propose. Adieu, madame. Daignez agréer le tendre intérêt que je prends à vous, mon attachement, et mon respect.

  1. François Walther, comte de Lutzelbourg, lieutenant général, était mort le 17 janvier 1762 à Fulde, où il commandait.
  2. Mme Lullin.