Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 5064

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Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 261-262).

5064. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
11 octobre.

Je reçois la lettre, du 4 d’octobre, de mes divins anges. Tant mieux que M. le comte de Choiseul n’ait besoin de personne ; tant mieux que la prise de la Havane (que nous savions il y a huit jours) ne nuise point aux négociations de la paix ; tant mieux que les malheurs de la France et de l’Espagne, qui, réunies à la maison d’Autriche, auraient dû donner la loi à l’Europe, contribuent à cette paix devenue si nécessaire.

Pour revenir au tripot, M. le maréchal de Richelieu m’a montré un projet de déclaration du roi, enregistrable au parlement, en faveur des comédiens[1]. J’ai pris la liberté d’y mettre quelques mots qu’il a approuvés.

Il faut que mes anges n’aient pas reçu en leur temps les vers qui terminent la tragédie de Zulime tels qu’ils ont été en dernier lieu récités dans notre tripot, et tels qu’ils doivent faire effet à Paris, à moins qu’on n’ait le diable au corps.

J’ai mandé que nous avions joué Olympie ; j’étais souffleur : j’ai jugé, j’ai condamné, j’ai refait, et tout va bien. Le rôle d’Olympie est devenu le rôle principal ; cela était absolument nécessaire.

J’ai fait part à mes anges de l’infâme tracasserie qu’on me fait : je leur ai envoyé la lettre qu’on m’impute[2]. Je serais bien fâché, pour M. le duc de Choiseul, qu’il m’eût soupçonné un moment. Comment, avec le goût et l’esprit qu’il a, pourrait-il avoir eu un si abominable moment de distraction ? J’avoue que je voudrais qu’on pût trouver et punir l’auteur de cette coupable impertinence.

Mes anges ne m’ont jamais dit s’ils avaient donné mon petit compliment à M. le comte de Choiseul.

  1. Ce projet n’eut pas de suite.
  2. Voyez la note sur la lettre 4872.