Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 5102

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Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 300-301).

5102. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Ferney, 13 décembre.

Ô mes anges ! l’épouseur[1] est arrivé : c’est un demi-philosophe. Il n’a rien pour le présent, mais il y a quelque apparence qu’il aura Mlle Corneille, et que Mlle Corneille aura plus que je ne vous avais dit. La terre qui doit revenir au philosophe est dans la Bresse, dans mon voisinage ; tout cadre à merveille. Le père ne donnera probablement à son fils que son approbation, et peu d’argent ; on y suppléera comme on pourra. Il est assez plaisant que je marie une nièce de Corneille ; c’est une plaisanterie que j’aime beaucoup.

Le demi-philosophe n’est point effarouché que la future ait fait peu de progrès dans la musique, dans la danse et autres beaux-arts ; il ne danse, ni ne chante, ni ne joue : il est pour la conversation, et il veut penser.

Je pense qu’il conviendrait que M. le duc de Choiseul ne réformât pas la compagnie du futur ; il ne faut pas donner ce dégoût à Cinna, ce serait un triste présent de noces ; il est bon d’ailleurs de conserver des officiers qui ne sont pas des petits-maîtres.

Ma famille suisse, dont je vous avais parlé, va partir pour la Floride. C’est le plus beau des climats ; l’Inquisition va en être bannie[2]. Si je n’étais pas à Ferney, il me semble que j’irais à la Floride.

Conservez vos bontés à qui vous adore.

  1. Vaugrenant ; voyez lettre 4777.
  2. Par le traité de paix du 10 février 1763, l’Espagne céda la Floride à l’Angleterre.