Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5338

La bibliothèque libre.

5338. — À M.  LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, 15 juillet.

Il n’y a point de cas pareil, monseigneur, ni de billot pareil. Je crois qu’il y a un an ou deux, ou trois, qu’on me demanda un rôle pour Mlle  Hus ; je donnai mon consentement. Je crus, quand vous me donnâtes vos ordres, qu’il en était comme des testaments, dont le dernier annule tous les autres ; et l’envie de vous obéir est toujours ma dernière volonté. Je ne me souviens point du tout d’avoir donné aucun rôle cette année. Je n’ai aucun ambassadeur au tripot, et vous êtes maître absolu. Il est vrai qu’on dit que votre protégée[1] n’est que jolie ; tant mieux : vous la formerez, cela vous amusera. Quel reproche avez-vous à me faire, s’il vous plaît, monsieur Grichard[2] ? pourquoi grondez-vous ? à qui en avez-vous ? serait-il vrai que vous dussiez amener ici madame votre fille ? Venez, logez aux Délices ; vous y serez très-commodément, si mieux n’aimez Ferney. Je ne suis content ni du tripot de la Comédie, ni de celui du parlement ; mais je suis si heureux à Ferney que rien ne peut me chagriner, pas même ma santé et la mort, qui approche.

Je vous souhaite vie longue et gaie.

Respect et tendresse.

  1. Mlle  d’Épinay : voyez la lettre 5110.
  2. Grichard (et non Guichard) est le personnage principal du Grondeur, comédie de Brueys.