Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5488

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Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 54-55).

5488. — À M.  DAMILAVILLE.
19 décembre.

Mon cher frère, pourquoi M. Bertin a-t-il quitté ? est-ce M. de Laverdy qui a sa place ? le roi aura-t-il plus d’argent ? le public sera-t-il soulagé ? Voilà des questions qu’on peut faire à un homme de finances ; mais j’aime encore mieux vous parler de la Tolérance et de Ce qui plaît aux Dames. Peut-être n’est-il pas convenable qu’une bagatelle aussi gaie que le conte de messire Jean Robert paraisse dans le même temps qu’un ouvrage aussi sérieux que celui de la Tolérance. L’un ne ferait-il pas tort à l’autre, et ne dira-t-on pas que ces deux écrits sont des jeux d’esprit, et qu’un homme qui traite à la fois de la religion et des fées est également indifférent pour ces deux objets ? Cette réflexion ne peut-elle pas faire quelque tort à la tolérance qu’on attend des plus honnêtes gens du royaume et des mieux disposés ?

D’ailleurs, en imprimant le conte, n’est-ce pas lui ôter sa fleur, et vous priver du plaisir d’en être dépositaire ? Vous êtes le maître absolu, faites comme vous voudrez ; tâchez que mon nom ne soit pas à la tête du conte. Je vois bien que vous me forcerez d’en faire de nouveaux, car un conte tout seul est trop peu de chose, et l’hiver est bien long. Ce qui plait aux Dames est tiré en partie d’un vieux roman, et a même été traité en anglais par Dryden. Tous les autres seront de ma façon, et n’en vaudront pas mieux.

Je fais des vœux au ciel pour que le livre de Dumarsais devienne public. Je m’en remets à votre sagesse, qui égale votre zèle. Ce livre, d’une morale saine, sera appuyé par quelques ouvrages de nos frères qui travaillent dans les pays étrangers. On sert de tous côtés la bonne cause ; et si son ennemie l’infâme subsiste encore chez les sots et chez les fripons, ce ne sera pas chez les honnêtes gens.

Que fait le tiède Thieriot ? Embrassez, je vous prie, pour moi, le grand frère Platon, que j’aime et que j’honore comme je le dois. Si on imprime le Quaker, il ne faut pas oublier de mettre Shaftesbury, petit-fils et non fils du comte Shaftesbury, chancelier d’Angleterre.

C’est à la page 13 : « Celui que tu appelles le héros du parti philosophiste était le fils du comte Shaftesbury. »

Mettez[1] à la place de ces mots : « Celui que tu appelles le héros du parti philosophiste était petit-fils du comte Shaftesbury, grand chancelier d’Angleterre. Le grand-père n’était qu’un politique, le petit-fils était un philosophe », etc.

Pour mieux faire et pour vous épargner de la peine, mon cher frère, voici un exemplaire corrigé.

  1. C’est ce qui a été fait depuis longtemps ; voyez tome XXV, page 12.