Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5649

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Correspondance : année 1764GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 216-217).

5649. — À M.  DAMILAVILLE.
Aux Délices, 19 mai.

Je vous remercie bien, mon cher frère, de votre lettre du 11 de mai. Je me souviens que Catherine Vadé pensait comme vous, et disait à Antoine Vadé, frère de Guillaume : « Mon cousin, pourquoi faites-vous tant de reproches à ces pauvres Welches ? — Eh ! ne voyez-vous pas, ma cousine, répondit-il, que ces reproches ne s’adressent qu’aux pédants qui ont voulu mettre sur la tête des Welches un joug ridicule ? Les uns ont envoyé l’argent des Welches à Rome ; les autres ont donné des arrêts contre l’émétique et le quinquina ; d’autres ont fait brûler des sorciers ; d’autres ont fait brûler des hérétiques, et quelquefois des philosophes. J’aime fort les Welches, ma cousine ; mais vous savez que quelquefois ils ont été assez mal conduits. J’aime d’ailleurs à les piquer d’honneur, et à gronder ma maîtresse. »

Voilà ce que disait ce pauvre Antoine, dont Dieu veuille avoir l’âme ! Et il ajoutait que tant que les Welches appelleraient un angiportus cul-de-sac, il ne leur pardonnerait jamais.

À l’égard du dessein où sont les libraires de Paris d’imprimer les Remarques à part, ce dessein ne pourrait être exécuté que longtemps après que M. Pierre Corneille, le petit-neveu, se serait défait de sa pacotille ; et si je ne puis empêcher cette édition, il vaut mieux qu’elle soit bien faite et correcte qu’autrement. Ainsi, quand vous verrez mes anges, je vous prie d’examiner avec eux s’il n’est pas convenable de faire dire aux libraires, de ma part, que je les aiderai de tout mon cœur dans leur projet : cette espérance qu’ils auront les empêchera de se hâter, et ils pourront faire un petit présent à M. Pierre ; voilà quelle est mon idée.

Dans ma dernière, il y en avait une pour Briasson[1], qui ne regarde en aucune manière l’édition de Corneille. Je lui demande seulement la Démonstration évangélique de Huet, dont j’ai besoin. Je sais que cette démonstration n’est pas géométrique ; mais on se sert quelquefois en français du mot de démonstrations pour signifier fausses apparences.

Il est fort plaisant qu’on dise que Jérôme Carré a proposé la paix à maître Aliboron. En vérité c’est comme si on prétendait que Morand, en disséquant Cartouche, lui fit proposer un accommodement.

J’ai reçu le factum pour Potin et pour l’humanité[2] ; j’en remercierai frère Beaumont. Intérim, écr. rinf…

  1. Elle manque.
  2. Mémoire en faveur de l’état des protestants, par Élie de Beaumont.