Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6127

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Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 78-79).

6127. — À M.  LE CLERC DE MONTMERCY[1].
4 octobre.

Mon philosophe voyageur[2], monsieur, vous dira combien je suis touché de la sensibilité que vous ne cessez de me témoigner. Il part bientôt, il mettra ma lettre à la poste en chemin, ou il vous la fera tenir à son arrivée à Paris. Il m’excusera auprès de vous d’avoir resté aussi longtemps sans vous répondre. Vous excuserez ma vieillesse et ma langueur dont il a été témoin. Il pourra vous dire aussi que je ne suis pas de ces vieillards qui, ne pouvant avoir de plaisir, ne veulent pas qu’on en ait chez eux. Je ne digère point, mais je veux que les autres fassent bonne chère. Je ne joue plus la comédie, mais je veux qu’on la joue ; enfin je veux qu’on fasse tout ce que je ne fais pas.

J’aurais voulu que vous eussiez pu venir avec M. Damilaville ; et quand votre loisir vous le permettra, vous me ferez un grand plaisir de venir philosopher avec moi. Nous prendrions tous les arrangements nécessaires pour votre voyage.

J’espère que je serai bientôt quitte des maçons qui bouleversent toute ma petite retraite.

Ne doutez pas, monsieur, de l’estime et de l’amitié (ce mot sacramentel ne doit pas être oublié) que vous avez inspirées à votre tres-humble et très-obéissant serviteur[3].

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Damilaville.
  3. Ces derniers mots sont de la main de Voltaire.