Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6151

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Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 105).

6151. — DE M. L’ABBÉ DE VOISENON[1].

Vos jolis vers à mon adresse
Immortaliseront Favart ;
C’est Apollon qui le caresse
Quand vous lui jetez un regard.
Ce dieu l’a placé dans la classe
De ceux qui parent ses jardins :
Sa délicatesse ramasse
Les fleurs qui tombent de vos mains.
Il vous a choisi pour son maître ;
Vos richesses lui font honneur.
Il vous fait respirer l’odeur
Des bouquets que vous faites naître.


Il n’aurait pas manqué de vous offrir sa comédie de Gertrude, mais il a la timidité d’un homme qui a vraiment du talent ; il a craint que l’hommage ne fût pas digne de vous. Vous ne croiriez pas que, malgré les preuves multipliées qu’il a données des grâces de son esprit, on a l’injustice de lui ôter ses ouvrages, et de me les attribuer. Je suis bien sûr que vous ne tomberez pas dans cette erreur. Quand il se sert de vos étoffes pour faire ses habits de fête, vous n’avez garde de l’en dépouiller.

Il vous enverra incessamment la Fée Urgèle : il m’a paru qu’elle avait réussi à Fontainebleau, d’où j’arrive. Ce n’est pas une raison pour qu’elle ait du succès ici : la cour est le Châtelet du Parnasse, et le public casse souvent ses arrêts. Mais vous avez fourni le fond de l’ouvrage ; voilà sa caution la plus sûre.

Adieu, mon plus ancien ami ; je ne cesserai de l’être que lorsque le parlement rappellera les jésuites, et je ne vous oublierai que lorsque j’aurai oublié à lire.

  1. Réponse à la lettre 6142.