Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6188

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Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 141).

6188. — À M. FAVART.
À Ferney, par Genève, 14 décembre.

Je croyais, monsieur, être guéri de la vanité à mon âge ; mais je sens que j’en ai beaucoup avec vous. Non-seulement vous avez flatté mon amour-propre en parlant de la bonne Gertrude[1], mais j’en ai encore davantage en lisant votre Fée Urgèle[2], car je crois avoir deviné tous les endroits qui sont de vous. Tout ce que vous faites me semble aisé à reconnaître ; et lorsque je vois à la fois finesse, gaieté, naturel, grâces et légèreté, je dis que c’est vous, et je ne me trompe point. Vous êtes inventeur d’un genre infiniment agréable ; l’opéra aura en vous son Molière, comme il a eu son Racine dans Quinault. Si quelque chose pouvait me faire regretter Paris, ce serait de ne pas voir vos jolis spectacles, qui ragaillardiraient ma vieillesse ; mais j’ai renoncé au monde et à ses pompes. Vous n’avez pas besoin du suffrage d’un Allobroge enterré dans les neiges du mont Jura. Quand il y aura quelque chose de votre façon, ayez pitié de moi.

J’ai l’honneur d’être, avec tous les sentiments que je vous dois, etc.

  1. Voyez une note sur la lettre 6142.
  2. Voyez une note sur la lettre 6144.