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Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8540

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8540. — À M. LE MARQUIS DE CONDORCET.
11 mai.

J’ai été tenté de me mettre dans une grosse colère à l’occasion de ce qui s’est passé à l’Académie française[1] ; mais, quand je considère que M. d’Alembert a bien voulu être notre secrétaire perpétuel, je suis de bonne humeur, parce que je suis sûr qu’il mettra les choses sur un très-bon pied. Les ouragans passent, et la philosophie demeure.

Si le jeune auteur d’une tragédie nouvelle a l’honneur d’être connu de vous, monsieur, et s’il y a, comme vous le dites, un grain de philosophie dans sa pièce, conseillez-lui de la garder quelque temps dans son portefeuille ; la saison n’est pas favorable.

Je vais faire venir, sur votre parole, l’Histoire de l’Établissement du commerce dans les Deux-Indes[2]. J’ai bien peur que ce ne soit un réchauffé avec de la déclamation. La plupart des livres nouveaux ne sont que cela.

Un barbare vient de m’envoyer, en six volumes, l’Histoire du monde entier, qu’il a copiée, dit-il, fidèlement d’après les meilleurs dictionnaires.

Embrassez pour moi, je vous prie, mon cher secrétaire. L’Académie n’en a point encore eu de pareil. Je mourrais bien gaiement si vous pouviez faire encore un petit voyage avec lui.


  1. Voyez lettre 8580.
  2. Par l’abbé Raynal, dont la première édition, en six volumes in-8o, imprimée à Nantes, venait de paraître.