Aller au contenu

Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8584

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1772GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 137-138).
8584. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
19 juillet.

Puisque vous m’avez fait tenir, mon cher ange, le discours de M. de Bréquigny[1] et sa lettre, vous permettrez que je vous adresse les remerciements que je lui dois. Ou je me trompe, ou ce serait une bonne acquisition pour le théâtre de Paris, que cet acteur, nommé Patrat, qui a joué si parfaitement Lusignan, et qui jouerait de même Azémon. Cela ne ferait aucun tort à Brizard : l’un garderait sa couronne, et l’autre sa calotte de vieillard.

Je n’ai point entendu Mlle Camille ; elle a de la réputation en province ; mais cela ne suffit pas pour Paris : vous en jugerez.

Je ne sais si Lekain a bien fait de lire les Lois de Minos, dans plusieurs maisons, avant qu’il eût la dernière leçon ; je ne sais pas non plus s’il serait tenté de donner aux Genevois une représentation de Gengis-kan et une de Mahomet. Il me semble que le directeur ne pourrait lui donner que cent écus par représentation. Vous pouvez le sonder, s’il a l’honneur de vous voir. Pour moi, je vous enverrai les Lois de Minos avant son départ. Je donne actuellement la préférence à mes moissons. Cérès doit l’emporter sur Melpomène ; mais personne ne l’emporte sur vous dans mon cœur.

Quoique les Lettres prétendues de madame de Pompadour[2] ne soient pas bonnes, soyez très-sûr qu’elle était incapable d’écrire de ce style autant qu’elle l’était de dire tant d’impertinences.

  1. Louis-Georges Oudard Feudrix de Bréquigny, né à Granville en 1716, mort à Paris le 3 juillet 1795, membre de l’Académie des inscriptions depuis 1759, fut reçu à l’Académie française le 6 juillet 1772. (B.)
  2. Voyez lettre 8573.