Aller au contenu

Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8591

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1772GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 144).
8591. — DE MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[1].
Samedi, 1er août.

J’attendais ce que vous m’aviez promis, monsieur, pour répondre à votre dernière lettre, ne voulant pas vous donner l’ennui de multiplier les miennes ; mais ne voilà-t-il pas que vous me forcez à vous écrire pour vous accabler de plaintes et de reproches ! Plusieurs personnes ont reçu la dernière édition de vos quatre derniers ouvrages ; nommément M. de Beauvau. C’est M. Marin qui les distribue, et il n’y a rien pour moi. D’où vient faut-il que je sois la moins bien traitée de vos amis ? c’est de toute injustice.

J’ai fait connaissance depuis peu avec un nommé M. Huber, de Genève ; je lui ai déjà beaucoup parlé de vous : vous serez le sujet éternel de toutes nos conversations. Sur les rapports qu’il m’a faits, je juge que vous n’êtes changé en rien de ce que vous étiez il y a quarante ou cinquante ans. Pour l’esprit, j’en étais sûre, mais, suivant ce qu’il dit, pour la figure aussi. Pourquoi n’en est-il pas de même de votre cœur ? Je n’en peux rien apprendre que par vous : prouvez-moi donc qu’il n’est pas changé, en me traitant mieux que vous ne faites ; mon amitié sincère et constante me met en droit d’exiger de vous toutes sortes d’attentions et de préférences.

  1. Correspondance complète, édition de Lescure, 1865.