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Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8660

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1772GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 199).
8660. — DE MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[1].
28 octobre.

N’allez pas croire que je vous suis fort obligée, ne vous attendez pas à des remerciements : loin de vous en devoir, si nous étions dans le temps des Actes des apôtres, vous mourriez subitement ; les pauvres gens qui subirent ce châtiment étaient moins coupables que vous.

Je vous nommerai dix personnes qui ont votre Épître à Horace ; vous m’en parlez, vous me l’offrez, vous n’attendez que mon consentement pour me l’envoyer ; je me hâte de vous marquer mon empressement ; votre réponse se fait attendre mille ans, et finit par être un refus : c’est là comme vous traitez vos amis ! C’est à ceux qui vous déchirent les oreilles, c’est à ceux à qui vous devriez les tirer, que vous communiquez ce que vous avez de plus précieux, que vous confiez vos secrets, dont ils donnent des copies à tous leurs bons amis, dont je n’ai pas l’honneur d’être. Pour dédommagement, vous voulez bien me procurer d’entendre les Lois de Minos. J’accepte cette faveur, mais elle ne répare point vos torts ; et si vous vous souciez d’être bien avec moi, si vous voulez que je ne vous croie pas un donneur de galbanum, vous m’enverrez, sans tarder un moment, votre Épître à Horace.

Je compte admettre à la lecture de vos Lois de Minos M.et Mme de Beauvau, MM. Craufurd et Pont-de-Veyle, ce dernier sera le porteur de votre billet : je n’en ferai usage que vers le 10 ou le 12 du mois prochain ; les Beauvau ne reviendront de Fontainebleau que dans ce temps-là. Vous voyez bien qu’il y a tout l’intervalle qu’il faut pour réparer vos torts, ce qui est fort important pour me rendre auditeur bénévole.

Nous traiterons l’article de la grand’maman une autre fois ; mais, pour le présent, point de paix ni de trêve que je n’aie votre Épître : voilà quelles sont mes lois ; quand vous les aurez exécutées, je recevrai celles de Minos avec le respect et la soumission qu’elles méritent.

  1. Correspondance complète, édition de Lescure, 1865.