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Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8675

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Correspondance : année 1772GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 212-213).
8675. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
11 novembre.

Mon cher ange, il me revient que les Fréron, les La Beaumelle, et compagnie, ont fait un pacte pour faire siffler notre avocat ; mais, puisque vous l’avez pris sous votre protection, je me flatte que vous lui donnerez une audience favorable.

Je vous suis très-obligé d’avoir fait copier les écritures de ce procès, conformément à la dernière copie. J’ose croire que, si les acteurs jouent avec un peu d’enthousiasme, mais sans précipitation, notre cause sera gagnée ; je dis notre cause, car vous en avez fait la vôtre.

Le frère de Mme de Sauvigny, qui me sert de copiste, chose assez singulière ! jure son dieu et son diable qu’il n’a donné à personne de copie de la lettre d’Horace, S’il ne me trompe point, il se pourrait faire que votre secrétaire en eût laissé traîner une ; cependant, vous autres messieurs les ministres, vous avez des secrétaires fidèles et attentifs qui ne laissent rien traîner. Après tout, il n’y a plus de remède. Il faut se consoler, et croire que ni le roi de Prusse, ni Ganganelli, ni l’abbé Grizel, ni l’avocat Marchand, ne me persécuteront pour cette honnête plaisanterie. On marche toujours sur des épines dans le maudit pays du Parnasse ; il faut passer sa vie à combattre. Allons donc, combattons, puisque c’est mon métier.

On m’a apporté une répétition ; boite unie, avec ciselure au bord, diamants aux boutons et aux aiguilles, le tout pour dix-sept louis j’en suis émerveillé. Si vous connaissiez quelqu’un qui fût curieux d’un si bon marché, je vous enverrais la montre avec un joli faux étui. Un tel ouvrage vaudrait cinquante louis à Londres. Ma colonie prospère, et moi non. J’ai de terribles reproches à faire à monsieur le contrôleur général.

Le gros doyen clerc[1] doit être présent à Paris, et certainement prendra votre affaire à cœur ; il ne serait pas de la famille s’il ne vous était pas fortement attaché.

Voudriez-vous avoir la bonté de m’écrire ce que vous pensez des répétitions ? J’y étais autrefois assez indifférent, mais je crois que je deviens sensible ; vous me rajeunissez.

À l’ombre de vos ailes.

  1. Mignot.