Coups d’ailes/Le secret

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Bibliothèque de l’Action française (p. 77-80).

Le secret


J’ai dit à mon coeur de se taire
Et tout à l’heure il m’a semblé
Entendre un son plein de mystère,
Et mon petit doigt m’a parlé.

Il m’a conté de douces choses
En son langage de devin.
Il m’a dit tout bas que les roses
Exhalent un parfum divin ;


Que les papillons, sur leurs ailes
Ont d’invisibles diamants,
Et que les noires hirondelles,
Le soir, appellent leurs amants.

Il m’a dit, et j’en suis morose,
Que des anges blancs, dans la nuit,
Veillent sur l’enfant qui repose,
Et qu’ils s’en retournent sans bruit.

Il m’a conté que la souffrance
Toujours ennoblit notre coeur,
Et que sur terre l’espérance
Reste pour nous le seul bonheur.

Il m’a dit que l’unique gloire
Est de conserver son cœur pur ;
Que, pour obtenir la victoire,
Il faut s’élever dans l’azur ;


Que le chemin vers la Patrie
N’est pas tout parsemé de fleurs,
Et que les plaisirs de la vie
Y voisinent avec les pleurs.

Puis il se tut, ce fut silence ;
Et moi je demandai bien bas :
« Quel est ton nom et ta puissance,
« Toi qui t’attaches à mes pas ?

« Ô toi qui parles à mon âme,
« Toi qui me suis la nuit, le jour,
« Qui me protèges de l’infâme,
« Ah ! dis-moi, serais-tu l’amour ? »

Alors sa voix se fit plus tendre ;
Il s’y mêlait de la pitié ;
Et doucement, je crus entendre :
« Enfant, je m’appelle amitié ».