Coups d’ailes/Vingt ans !

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Bibliothèque de l’Action française (p. 67-70).

Vingt ans



J’ai vingt ans ! et partout je ne vois que des roses.
À mes yeux éblouis se montre l’avenir ;
J’appelle les combats que, pour les nobles causes,
Demain, contre la haine, il faudra soutenir.

J’ai vingt ans ! Je suis gai ! j’ai pour moi l’espérance
Qui donne le courage et la force à mon coeur.
Je ne redoute rien ; je brave la souffrance,
Et sous le grand ciel bleu je jette un chant vainqueur.


Car je suis à cet âge où notre âme est ravie ;
Où, scrutant l’horizon d’un oeil resplendissant,
Le jeune homme salue, avec amour, la vie,
Sans voir que sur sa route il est parfois du sang …

Oh ! je sais — et ce m’est une triste pensée —
Que demain mes vingt ans s’enfuiront à jamais !
Que ma chère jeunesse, hélas ! sera blessée,
Pour avoir cru trop vite au charme du succès.

Je n’éprouverai plus, dans le fond de mon âme,
Ce sentiment secret qui forme les soldats ;
Et je crains qu’en mon coeur ne s’éteigne la flamme
Qui lui fait souhaiter l’approche des combats.

Mais non, il ne faut pas que ma jeunesse meure,
Ni qu’une main brutale arrête mon essor !
Et je veux qu’en dépit du temps qui les effleure,
Mon esprit et mon bras soient vigoureux encor !


Je veux monter sans cesse aux sommets de la gloire.
En servant jusqu’au bout ma patrie et mon Dieu !
Et si je tombe un jour sans goûter la victoire,
Qu’importe ! le devoir est le plus doux enjeu !

Jette donc ici-bas un regard de tendresse
Et laisse-moi toujours, ô Dieu plein de bonté,
Mes vingt ans d’idéal, mes vingt ans de jeunesse !
Donne-leur un rayon de divine beauté !