Cours d’agriculture (Rozier)/ÉTAMINE

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Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 369-372).
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ÉTAMINE, Botanique. L’étamine est cette partie de la fleur, à laquelle la nature a confié le soin de la fécondation. Essentielle absolument à la fructification, elle mérite une étude particulière ; les phénomènes qui en dépendent, offrent à l’observateur une source inépuisable de réflexions, & presque le secret de la nature dans le grand œuvre de la reproduction. (Voyez Fécondation) Pour ne laisser rien à désirer sur cet objet, nous considérerons l’étamine, 1°. en elle-même & par rapport à sa nature ; 2°. par rapport à la position & à son nombre ; 3°. par rapport à fa destination ; 4°. par rapport au parti que les botanistes en ont tiré dans leurs différens systèmes.

§. I. De la nature de l’Étamine, & des parties qui la composent.

L’étamine qui tire sa naissance de l’intérieur même de la fleur, est composée de deux parties, d’un sommet ou anthère & de son pédicule ou filet. Nous sommes entrés dans quelques détails sur l’anthère, où nous avons décrit sa forme, sa position & son usage ; nous renvoyons à ce mot pour ne pas nous répéter. Le filet est le petit pédicule sur lequel est porté l’anthère ; il n’est pas absolument nécessaire à la fécondation. L’anthère, comme renfermant la poussière fécondante suffit seul. Le filet est donc à l’étamine ce que le pédicule est aux fleurs, & l’on a des étamines sessiles comme des fleurs. Il existe cependant une très-grande différence entre leur nature ; le pédicule des fleurs est une production de la tige, & en contient toutes les parties, au lieu qu’il paroît que le pédicule de l’anthère est une production des pétales, aussi en a-t-il toutes les parties. La ténuité & la mollesse ordinaire de la plupart des filets, m’a empêché de les soumettre à l’observation microscopique ; mais, si l’on peut raisonner ici d’après l’analogie, l’examen de quelques étamines des plantes légumineuses où les filets forment des paquets, m’a porté à croire que les filets sont composés, 1°. d’un épiderme ; 2°. d’un réseau cortical ; 3°. d’une substance parenchymateuse, qui n’est que les utricules que Malpighi a observés. Pour les fibres ligneuses qu’il dit y avoir trouvées, elles sont analogues à la nervure que l’on remarque quelquefois dans certains pétales : communément le filet est creux, comme dans le lis, la tulipe, le câprier ; quelquefois aussi il est plein, comme dans le poirier, la pervenche, &c. &c. Sa forme n’est pas la même dans toutes les fleurs capillaires : dans le plantain il est égal dans toute sa longueur ; il est applati à sa base dans le poireau, en forme de coin dans le thalictrum, & en forme d’alêne dans la tulipe ; en spirale dans l’hirtella, fourchu dans la sauge & l’ail, écarté ou renversé dans le gloriosa. Il est nu dans presque toutes les plantes, & velu dans quelques-unes comme la molène, le mouron, &c.

Si tous les anthères ne sont pas supportés par des filets, tous les filets aussi ne font pas surmontés par des anthères ; car on observe dans le samolus cinq appendices d’étamines, sous la forme de cinq filets placés sur les fentes ou découpures de la corolle. Ils ne font pus aussi toujours égaux, & leur inégalité respective a fourni aux botanistes un caractère particulier. Dans certaines fleurs, ils ne diffèrent que par leur grandeur, comme dans la saxifrage, & dans d’autres par leur grandeur, leur figure, & leur direction, comme dans es labiées & les perforées.

Le nombre des filets varie comme celui des étamines ; il est, en général, ou une fois moindre, ou égal, ou double de celui des divisions de la corolle monopétale ; il surpasse celui des pétales dans les fleurs de plusieurs pièces, dont les étamines font le plus souvent disposées sur plusieurs rangs ; les plus extérieures font communément les plus longues.

§. II. Nombre & position des Étamines.

Le nombre des étamines dans presque toutes les fleurs, est en général très-bien connu, parce que plusieurs botanistes ont établi dessus, les différentes divisions de leur système. Le développement du système de von-Linné le fera aisément remarquer & ses premières classes renferment toutes les fleurs qui ont depuis une étamine, comme lebalizier, jusqu’à cent, & plus, comme le pavot.

La position des étamines, la plus commune & la plus ordinaire, est d’être opposée aux feuilles du calice, comme dans l’apocin ; rarement font-elles alternes avec ses divisions, & c’est dans le cas qu’elles ne sont point insérées au calice, comme dans la salicaire.

Leur insertion varie considérablement. M. de Jussieu, d’après M. Gleditsch, en établissant ses familles de plantes, a réduit ces variétés aux cas suivans ; 1°. les étamines attachées au support ou insérées sous le pistil, les palmiers, les graminées &c. ; 2°. les étamines attachées au calice, le lis, le narcisse, &c. ; 3°. les étamines portées sur le pistil, Torchis, l’aristoloche ; 4°. les étamines attachées à la corolle, le céphalantus, le chèvre-feuille.

§. III. Destination de l’Étamine.

La nature, en faisant de l’anthère le réservoir de la poussière fécondante, lui a confié le soin de féconder le pistil, & d’animer le germe ou embryon qu’il porte dans son sein. Lorsque la plante est arrivée au point où les organes de la reproduction sont en état de remplir leur destination, l’anthère s’entrouvre ; la poussière fécondante s’échappe & s’attache au stigmate du pistil, descend à travers sa capacité, & va exciter & stimuler le germe. Comme cette opération merveilleuse demande de grands détails pour être bien entendue, au mot Fécondation, nous établirons les résultats de toutes les observations des différens physiciens qui s’en font occupés ; & nous examinerons par quel mécanisme elle s’exécute.

En voyant très-souvent les étamines devenues pétales, ou plutôt offrir des rudimens de pétales informes, comme dans quelques roses, œillets, &c. on seroit peut-être porté à croire que cette transmutation entre dans le but de la nature, & qu’elle a attribué à l’étamine la fonction de remplacer la pétale, mais on se tromperoit. Ici les yeux induisent en erreur, & l’on a cru faussement, d’après une observation peu réfléchie, que cette métamorphose étoit dans l’ordre des choses. Cette formation de pétales ne vient que d’une surabondance de sucs nourriciers qui, se portant de la tige à la fleur, au lieu d’enfiler les vaisseaux des pétales, enfilent ceux de l’étamine, distendent ses fibres à un point prodigieux, se déposent dans les mailles du réseau cortical, animent la partie parenchymateuse qui se colore comme celle du pétale ; & enfin offrent une apparence de pétale informe ; c’est une vraie monstruosité par excès ; tout l’annonce, couleur, figure, nodosités ; ces prétendus pétales sont traversés par des nervures qui ne sont que les fibres ligneuses du filet de l’étamine ; rarement leur limbe est-il totalement développé ; il est presque toujours resserré, au contraire, par la réunion de ces nervures, dont l’extrémité supporte encore quelquefois l’anthère. Cette espèce d’anevrisme végétal, n’est donc point un changement d’étamine en pétale, & doit bien être distingué des fleurs doubles, comme on peut le voir à ce mot.

§. IV. Étamine considérée comme caractère botanique.

Il étoit difficile d’étudier la botanique, sans être frappé du caractère d’uniformité que les étamines de

certaines plantes sembloient offrir entr’elles, soit pour leur forme, soit pour leur nombre, soit pour leur position ; aussi, plusieurs botanistes en ont-ils tiré les caractères fondamentaux de leur système : les plus fameux cependant, sont Linné, Gleditsch, de Jussieu, & Adanson. On ne sera pas fâché de trouver ici l’idée des systèmes de MM. Gleditsch & Adanson, & nous renvoyons au mot Système, ceux de Linné & de Jussieu, qui y seront développés plus en grand.

M. Gleditsch a pris pour base de son système botanique, la présence, ou l’occultation des fleurs dont les divisions sont la position des étamines ; ce qui lui a fourni sept classes, la première comprend les fleurs apparentes, dont les étamines sont attachées au réceptacle ; la deuxième, celles dont les étamines sont attachées à la corolle ; la troisième, celles dont les étamines sont attachées au calice ; la quatrième, celles dont les étamines sont attachées au pistil ; la cinquième, les fleurs cachées, mais que l’on peut cependant retrouver par le développement ; la sixième, les fleurs invisibles ; & il réunit enfin dans la septième toutes les plantes difficiles à classer.

M. Adanson a trouvé de quoi former cinq systèmes différens d’après la considération des étamines. Le premier est fondé sur leurs situations proche ou loin de l’ovaire sans réceptacle ; sur le réceptacle touchant l’ovaire, le calice ou la corolle ; sur le réceptacle loin de l’ovaire touchant le calice ou la corolle ; sur un disque touchant l’ovaire & la corolle, ou touchant l’ovaire loin de la corolle & du calice, ou touchant l’ovaire & le calice sans corolle, ou loin de l’ovaire touchant le calice ou la corolle, ou loin de l’ovaire & de la corolle ; sur le calice loin de l’ovaire & de la corolle ou sans corolle, ou loin de l’ovaire & touchant la corolle, ou touchant l’ovaire par la base seulement ; ou sur le calice & sur l’ovaire ensemble, ou sur l’ovaire seul, on sur le style de l’ovaire, ou enfin sur la corolle.

Le deuxième est fondé sur la figure respective des étamines, & il est divisé en étamines distinctes, étamines réunies toutes ensemble par les filets en un faisceau ; étamines réunies par les filets en deux corps ; étamines réunies par les filets en plus de deux corps ; étamines réunies par les anthères seulement ; enfin, étamines réunies par les filets & les anthères ensemble.

Le troisième est fondé sur le nombre qu’il divise en quatorze classes, les douze premières contiennent les plantes où l’on compte 1, 2, 3, 4 étamines, &c. La treizième renferme celles qui ont depuis treize jusqu’à sept cens étamines, & la quatorzième, celles qui n’en ont point.

Les deux derniers font fondés, l’un sur le nombre d’étamines respectif à la corolle & au calice, & l’autre sur leurs proportions respectives entrailles. M. M.