Cours d’agriculture (Rozier)/ATTACHE (supplément)

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ATTACHE, (Hygiène vétérinaire,) moyen d’assujettir les animaux dans les écuries, les étables, les bergeries, ou même dehors, le plus ordinairement avec des liens.

Nous allons parler successivement des manières d’attacher les diverses espèces d’animaux.

Manière d’attacher les chevaux. Le cheval qu’on attache au râtelier doit cependant avoir assez de liberté pour manger dans l’auge et pour porter la tête d’un demi-mètre (un pied et demi environ) de chaque côté. S’il est attaché de plus long, il peut manger, la ration de ses voisins, ou les mordre. Pour l’en empêcher, il faut l’attacher par deux longes écartée l’une de l’autre, dont chacune fait un tour complet à un des fuseaux du râtelier, et va au fuseau suivant, où elle finit de se fixer par une espèce de boucle que les marins appellent demi-clef, et qu’on nomme nœud de râtelier ou nœud de la saignée.

L’animal ne s’attache ainsi que dans la journée ; car, de sorte, il ne pourroit se coucher afin de lui en donner la liberté, on l’attache donc le soir à l’auge. S’il y est attaché par deux longes, il y a le même avantage que ceux dont il vient d’être parlé quand on l’attaché au râtelier, ; mais, si la longe seule, ou les deux longes, sont arrêtées à l’auge à des anneaux ou à un trou percé dans l’auge, il arrive que toutes les fois que le cheval tient la tête près de l’auge, que la longe fait une anse presque jusqu’à terre ; et, s’il porte un des pieds de derrière à l’encolure ou la nuque pour se gratter, cette longe se prend dans le paturon ; le cheval cherchant à se débarrasser, agite son paturon en sciant sur la longe, se coupe la peau, Et y cause ce qu’on appelle une enchevêtrure qui, quelquefois, offense les tendons, et devient une maladie considérable, selon la force qu’a mise l’animal à se défendre, et le temps qu’il est resté enchevêtré. Cet accident est beaucoup plus rare si on passe simplement chaque longe de dessus en dessous dans l’anneau de l’auge, et si on l’attache à un billot par un nœud coulant. Ce billot montant et descendant quand le cheval hausse et baisse la tête, la longe n’a jamais qu’autant de longueur qu’il en est besoin, et ne formant plus d’anse, il est beaucoup moins à craindre de voir arriver l’Enchevêtrure. (Voyez ce mot.)

La longueur de la longe doit être proportionnée à la hauteur de l’animal ; sa tête reposant par terre, le billot doit toucher l’anneau.

Dans quelques écuries, les longes, qui le plus ordinairement sont de cuir, sont remplacées par des chaînes légères : le billot et la chaîne doivent être d’un poids assez modéré, et en cas d’inquiétude, la têtière du licol doit être garnie d’un feutre doux, pour ne pas occasionner la maladie connue sous le nom de mal de taupe. (Voy. Taupe.) C’est dans des écuries mal tenues que, pour économiser des anneaux, on pratique des trous aux auges, les longes y glissent mal ; c’est une négligence ou une fausse économie qui expose à des accidens.

On attache quelquefois les chevaux à un arbre ou à un poteau, en passant la longe à l’entour, et en l’arrêtant par un nœud. Le cheval faisant des mouvemens, sur-tout baissant la tête et s’approchant du poteau, la longe glisse à terre par son propre poids, et quand le cheval relève sa tête, la longe ne remontant pas, il se donne un choc qui l’effraie ; il fait des efforts, se donne la taupe, se rompt ou se luxe les vertèbres, se force les jarrets en s’acculant ; ou bien il rompt la longe, s’enfuit, et cause quelque autre malheur. Dans le travail, les chevaux souffrent la bride ; mais c’est une imprévoyance dangereuse d’attacher les chevaux à des pierres par terre, à des arbres abattus, à l’anneau d’une porte, aux barreaux d’une grille ; de même qu’il n’y a pas moins d’imprudence à abandonner un cheval tout sellé ou tout attelé, attaché ou non, dans un endroit public. On en sent les suites possibles, sans qu’il soit besoin de les détailler ; il faut, en ce cas, faire tenir son cheval par quelqu’un, autrement on l’expose et on s’expose soi-même.

En route, les conducteurs de chevaux les attachent à la file, afin de pouvoir en conduire un plus grand nombre. L’homme monte le premier cheval, et attache les suivans à la queue l’un de l’autre. Un coup de tête peut arracher les crins, la longe étant prise dedans ; mais elle tient aussi par un nœud sur la queue, et cette ligature, avec un tiraillement continué pendant un jour, peut produire la mortification de la portion de la queue qui est en arrière du nœud, et en déterminer la chute. On rend la ligature moins dangereuse en mettant des étoupes entre la queue et le lien. Cependant on a vu des queues rupturées et arrachées par l’effet des mouvemens désordonnés des chevaux ainsi attachés. On doit donc proscrire cette manière, même pour mener les chevaux boire.

Le moyen, employé avec succès, et ce qu’on nomme vulgairement le couple, est une sangle qui embrasse le cou près du poitrail, et de laquelle part une corde qui règne le long du corps et se rend à une tresse sans fin, dont les deux anses, passées deux fois l’une dans l’autre, embrassent la queue et fournissent à la corde du couple un anneau dans lequel elle glisse. Dans l’œil de la corde est attachée une barre de plus d’un mètre de long qui est fixée au licol du cheval suivant. Cette barre l’empêche d’atteindre les pieds du précédent, et s’il vient à tirer, tout l’effort direct se passe sur le poitrail, et la queue n’est point offensée. On trouve de ces couples chez les cordiers, dans les endroits où l’on fait le commerce des chevaux.

Il est essentiel, quand on mène des chevaux ainsi par file, de les faire partir tous en même temps. Pour cela, il faut les rendre tous attentifs au mouvement que fait le cheval qui est en tête ; autrement, pendant que celui-ci marche, quelques uns sont surpris, restent en repos, font des efforts pour résister, et s’ils ne peuvent casser les liens, ils s’acculent, s’altèrent les jarrets et les reins ; et, si ce sont des chevaux entiers, ils se donnent quelquefois des Hernies inguinales (Voy. ce mot) dont on ne s’aperçoit le plus souvent que quand l’intestin est gangrené et qu’il n’y a plus de ressource. Après la saignée de la jugulaire, il survient à l’endroit de la piqûre une démangeaison, qui est plus considérable dans les chevaux entiers, d’ailleurs plus exposés à la gale ; le cheval se frotte le cou contre l’ange ou contre la longe même, et il arrive un Trombus ou Mal de Saignée. (Voyez ces mots.) Le moyen d’éviter cet accident, c’est d’attacher le cheval au râtelier, et à deux longes, et de l’attacher court.

La même démangeaison arrive dans toutes les plaies, au moment où elles se cicatrisent ; il faut pareillement empêcher que l’animal ne se frotte en cet endroit, ce qui feroit saigner et ce qui retarderoit la cure. Pour cela, on fixe au dessus de la tête du licol un anneau auquel on attache la longe qui passe dans une poulie fixée au plafond, et qui correspond à une autre poulie mise dans un coin de l’écurie, où il y a un poids attaché à une corde qui a la longueur nécessaire pour donner au cheval la facilité seulement de manger par terre ; ou bien simplement on attache la longe du licol à l’anneau d’un piquet enfoncé à fleur de terre, au milieu d’une écurie, de manière que le cheval ne puisse atteindre aucun corps pour se frotter ; mais il est exposé à l’enchevêtrure.

On peut d’ailleurs diminuer l’intensité des démangeaisons, en lavant souvent les plaies avec de l’eau tiède dans laquelle on aura fait bouillir du son ou de la graine de lin. (V. Démangeaison.)

Les manières d’attacher, dont on vient de parler, peuvent encore être recommandées pour les cas de vertige ; les chevaux affectés de cette maladie se cassent la tête en se déballant. On peut encore leur garnir la tête de paillassons ou de coussins rembourres qui garantissent des contusions souvent très-graves qu’ils se donnent alors.

On peut aussi matelasser toute une écurie pour ces cas, si l’on a beaucoup de chevaux, et qu’ils se trouvent fréquemment attaqués du vertige. (Voy. Vertige.)

Dans les pâturages, quelques personnes modèrent les chevaux qui ont de la disposition à courir, à sauter, en leur attachant un des bouts d’une corde à un pied de devant, et l’autre bout à l’autre pied de devant ou au pied de derrière de l’autre côté, et en ne donnant à la corde entre ces deux pieds, que la longueur suffisante pour permettre les mouvemens nécessaires. On attache aussi la corde à un pied de devant et à la têtière du licol, pour leur faire tenir la tête basse et les empêcher de sauter.

On emploie pour le même but, et avec plus d’avantage, une anse de fer passée autour du paturon et fixée par une charnière, et une fermeture à une serrure ou cadenas rond et allongé, qui repasse au dessus de talons. Cette espèce de serrure se nomme abot dans quelques endroits. Elle empêche le cheval de marcher vite, et s’oppose en outre à ce qu’un voleur ne l’emmène facilement ; mais il font garnir d’un feutre l’anse, afin d’éviter les contusions trop fortes, que l’abot pourroit causer par la compression et le frottement réitéré ; néanmoins ce moyen cause, malgré ces précautions, des tumeurs osseuses et des durillons au paturon.

Dans quelques endroits du département du Morbihan, et dans quelques cantons environnans, on attache le pied, de devant, d’un côté, et le pied de derrière du même côté, avec une corde fixée aux paturons, pour accoutumer ces deux membres à exécuter leurs mouvemens simultanément, c’est-à-dire pour faire contracter au cheval l’habitude de marcher l’amble. (Voyez Amble, dans l’article Cheval du Dictionnaire.) On les exerce à cette allure étant ainsi attachés.

Manière d’attacher les bœufs et les vaches. En France, les vaches s’attachent le plus communément par les cornes ; dans quelques autres pays, on fait une économie en n’employant point de corde, et en les assujettissant par le cou. Il y a deux méthodes : 1°. on fait un collier avec un pleyon ou bande de bois courbée pour embrasser le cou, et dont les bouts sont arrêtés au dessus et par une cheville. Cette cheville est ronde et a une tête plus grosse à l’un de ses bouts ; l’autre bout, dont la largeur est égale à celle de tout le corps de la cheville, est aplati et a deux hoches opposées, entaillées sur chaque bord. La bande de bois a, par un bout, un trou rond, dans lequel entre le corps de la cheville, et auquel la tête s’arrête ; l’autre bout de la bande a un trou carré, long et étroit, dans lequel on introduit l’autre bout plat de la cheville ; et, quand il est entré jusqu’aux deux hoches, on fait faire un demi-tour à cette cheville qui se trouve arrêtée et qui fixe ainsi les bouts de la bande de bois. Tel est le collier le plus simple. De ce collier on fait partir trois anneaux ovales, formés chacun d’un pleyon de bois, dont les deux bouts sont entaillés en crochets, et s’arrêtent l’un l’autre. Le troisième décès anneaux, plus approchant de la forme circulaire, embrasse un poteau sur lequel il glisse, et par conséquent monte et descend quand la vache hausse ou baisse la tête. Pour délier la vache, on fait faire un demi-tour à la cheville, on la tire, et le collier s’ôte.

2°. L’autre manière consiste à établir deux poteaux verticaux entre lesquels le cou de la vache est passé, et glisse ; ces poteaux, assez rapprochés, empêchent la tête de se retirer. L’un des deux est mobile, soit à la charnière, soit autrement : on l’écarte simplement quand on veut mettre sa vache en liberté. Par cette seconde manière, les vaches n’ont que les mouvemens d’élévation et d’abaissement de la tête ; elles peuvent se coucher, mais elles sont privées de la liberté de porter la tête en arrière, et de voir quels sont les veaux qu’on leur donne à faire téter : or, c’est en cela précisément qu’on y trouve de l’avantage.

Cette méthode est employée pour empêcher les vaches de voir et de sentir les veaux étrangers, qu’elles repousseroient. Le cultivateur achète des veaux de la plus belle espèce, leur fait téter plusieurs vaches et les livre aux bouchers, quanti ils sont parvenus sa degré de force et d’engraissement qui leur donne le plus de prix.

Cette méthode d’engraissement, par le lait, est la plus prompte pour donner à la graisse et à la chair cette blancheur et cette délicatesse que l’on recherche dans les veaux de Pontoise.

Les vaches et les taureaux sans cornes s’attachent nécessairement par le cou.

Dans les campagnes plantées d’arbres fruitiers où l’on met pâturer les vaches, on a été forcé d’imaginer un moyen de les empêcher de brouter les arbres ; c’est une espèce de licol, dont la longe s’attache sous le poitrail entre les deux jambes, aux deux bouts d’une corde qui règne le long du corps, et fait le tour des cuisses en dehors. Une sangle la soutient en arrière du garrot, et une seconde pièce en arrière des reins. Une petite corde doit aussi tenir la longe rapprochée du cou, pour éviter que la bête ne s’y empêtre une des jambes de devant.

Cette bricole empêche les vaches d’élever beaucoup la tête, et de faire des dommages aux arbres.

Manière d’attacher les veaux. On attache les veaux de lait par un collier de bois ou de cuir, ou par une corde passée autour du cou, et bien arrêtée.

Les veaux que l’on porte sur un cheval au marché, se placent très-bien sur une bâtière, étant appuyés sur le ventre, les pieds de devant et la tête pendans d’un côté, et les pieds de derrière pendans de l’autre.

Ceux que l’on porte au nombre de huit, dix, douze, et même jusqu’à vingt-cinq, dans des charrettes, ont les quatre pieds attachés ensemble ; ils sont couchés l’un sur l’autre, la tête pendante hors de la voiture. Cet état de souffrance altère leur chair et leur graisse, quand la route est longue. On devroit les transporter d’une manière moins cruelle.

Manière d’attacher les moutons. Les moutons espagnols que l’on amène quelquefois un à un, deux à deux, et généralement en un petit nombre, sont difficile à conduire, parce qu’ils ne forment pas une troupe. On a moins de peine à les emmener dans une voiture à ridelles, dans laquelle on attache les béliers par les cornes, et les brebis par le cou, en ayant soin de faire le nœud de manière qu’il ne se serre, ou ne se desserre pas de lui-même.

On peut encore les fixer couchés, en attachant ensemble deux pieds de devant et un derrière, Au bout de quelque temps de marche, on peut ne laisser attachés qu’un pied de devant et un de derrière, opposés. Si la route est longue, on attache les deux autres pieds, et on met les premiers en liberté. On couche les moutons sur l’autre côté, afin de varier les positions, et que les animaux, se fatiguent moins.

Mais il vaut mieux les conduire en liberté dans les charrettes, autant qu’ils y sont tranquilles ; ce qui est le plus ordinaire.

Manière d’attacher les chiens. On tient les chiens en laisse, par une corde de crin attachée au collier. Le chien ne la coupe point avec les dents, parce que le bout des crins lui pique la langue et les gencives.

Le berger attache ses chiens à des courroies qui partent de son baudrier, et qui s’attachent aux anneaux des colliers.

Quelques chiens attachés dans des cabanes ou loges tirent précipitamment sur le collier, se donnent des commotions au larynx, qui leur causent la toux et des extinctions de voix ; ils surprennent, blessent ou font blesser les passans et les animaux ; quelquefois, même ils se déchaînent : une loge fermée par une grille avec plusieurs visières, su en étoit Besoin, seroit un moyen d’éviter ces accidens. (Ch. et Fr.)