Cours d’agriculture (Rozier)/BAIN

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Hôtel Serpente (Tome secondp. 136-139).
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BAIN. On distingue trois espèces de bains ; le bain entier, le demi-bain, & le bain par partie : le bain entier est celui dans lequel on plonge tout le corps, pendant un espace de tems limité ; le demi-bain est celui dans lequel on ne plonge que la moitié du corps, & le bain par partie est celui dans lequel on ne plonge que quelques parties du corps, les pieds ou les mains, &c.

Le bain est simple ou composé ; il est froid ou chaud. Le bain simple est celui dans lequel on se sert de l’eau simple ; il est composé quand on fait bouillir dans l’eau quelques plantes émollientes, mucilagineuses ou aromatiques.

Le bain chaud est nuisible dans tous les cas, parce que la chaleur faisant augmenter le volume des différentes liqueurs qui circulent dans le corps humain, il s’ensuit nécessairement des hémorragies dangereuses par la poitrine, par le nez, par les oreilles, par la vessie ou par le fondement ; il ne faut jamais employer que le bain tiède : on a coutume de se servir de thermomètre pour graduer le degré de chaleur qu’on veut obtenir ; mais cette méthode est très-défectueuse : les hommes n’ont pas le même degré de sensibilité dans l’organe du tact répandu sur toute la superficie du corps ; dans l’un la sensibilité est exquise, & dans l’autre elle est plus émoussée ; or, d’après ce fait il est très-aisé d’appercevoir combien l’usage des thermomètres est défectueux, tout scientifique qu’en soit l’appareil ; il s’ensuit que tel trouvera l’eau chaude, tandis que tel autre la ressentira froide : c’est la main du malade qui doit servir de thermomètre, & alors il sera certain de prendre un bain qui, loin de lui nuire, remplira l’intention qu’on se propose dans son usage.

Les bains tièdes entiers conviennent dans tous les cas où il faut détendre, relâcher, amollir, & rendre aux fluides desséchés, l’humidité qui entretient leur fluidité ; dans les rhumatismes aigus, après avoir fait précéder les saignées, suivant l’exigence des cas, dans toutes les suppressions de transpiration & dans les inflammations de bas ventre, les bains tièdes doivent marcher à la tête des principaux remèdes propres à rétablir le calme. On ne tire pas des bains tièdes tout l’avantage dont ils sont susceptibles, parce qu’on ignore les moyens capables d’ajouter à leur effet salutaire ; il n’est pas rare même de voir les bains tièdes produire des effets opposés à ceux qu’on en attendoit. Pour obvier à ces inconvéniens nous allons exposer nos idées sur cet objet important.

On doit savoir que le corps humain est ouvert dans toute sa superficie, par des milliers de petits trous nommés pores, dont l’usage est de laisser passer l’insensible transpiration & la sueur, & de repomper dans les fluides qui l’environnent, des portions, soit d’air, soit d’eau : or, ces émanations se font sous la forme de vapeurs imperceptibles ; ces vapeurs sont bientôt condensées par le contact de l’air, & elles s’épaississent sur la peau. Ces différentes couches épaissies bouchent les pores qui sont faits pour repomper des parcelles d’air ou d’eau, & nuisent à la sortie de l’insensible transpiration & de la sueur ; ces deux émanations rentrent dans la masse du sang, & portent le ravage dans la machine. Si on plonge le corps dans l’eau, ces couches épaisses & huileuses empêchent l’eau de pénétrer ; l’eau par sa pesanteur, spécifiquement plus lourde que l’air, exerce sur le corps une pression très-forte ; les fluides se portent vers les lieux où la résistance est moindre ; & comme la tête est exposée à l’air, c’est ordinairement dans cette partie que se font les ravages, ou dans la poitrine, si primitivement ou accidentellement cette partie est foible.

Il est facile, non seulement d’obvier à ces accidens que causent les bains tièdes, mais il est encore aisé de rendre ces derniers très-salutaires : il ne s’agit que d’employer les procédés suivans.

Après avoir laissé quelques minutes le corps plongé dans l’eau tiède, retirez-le de ce fluide, & avec des linges secs & un peu chauds, faites quelques frictions légères sur toutes les parties du corps ; replongez-le dans l’eau ; réitérez deux ou trois fois ces moyens, & vous enleverez ces croûtes huileuses & épaisses qui bouchent l’orifice des pores ; vous faciliterez l’insensible transpiration, & l’entrée des parties adoucissantes les plus fines de l’eau tiède, & ces bains tièdes procureront les plus grands avantages.

Les bains froids. On sait que l’usage des bains froids remonte à la plus haute antiquité ; leur effet est de fortifier les parties foibles : c’est pour cette raison qu’ils sont si avantageux aux enfans ; ils exigent, il est vrai, de la prudence dans leur administration ; il ne faut pas exposer brusquement les enfans dans l’eau, on doit commencer par laver successivement chacune de leurs parties avec de l’eau froide, & on parvient ensuite à leur baigner le corps entier sans courir le plus léger risque.

Les bains froids conviennent encore souverainement dans les maladies nerveuses ; mais il faut que le malade n’ait point d’obstructions, parce qu’alors ils ajouteroient au désordre plutôt que d’y remédier.

Le bain froid avec le savon & le sel réussit bien dans les rhumatismes chroniques, & point du tout inflammatoires.

Les demi-bains s’emploient lorsque le malade ne peut pas supporter les bains entiers.

Les bains par partie s’emploient de même que les bains entiers, froids ou tièdes.

Les bains froids par partie, réussissent dans les pertes considérables ; on plonge dans un seau d’eau froide les pieds de la malade ; mais comme ce moyen exige des connoissances profondes dans l’art de guérir, nous renvoyons ce que nous avons à en dire à l’article des hémorragies & pertes des femmes.

Les bains de pieds tièdes sont utiles dans les retards des règles & dans leur suspension, dans les douleurs de tête & de poitrine ; dans les rhumes, dans les coups à la tête, dans les évanouissemens, dans les spasmes & dans les convulsions ; enfin dans tous les cas où il s’agit de faire une dérivation du sang qui se porte plus abondamment dans une partie que dans une autre.

Il existe encore des cas dans lesquels les bains en général conviennent, & nous aurons soin de les indiquer dans le courant de cet Ouvrage.

Nous ne pouvons terminer cet article sans faire des vœux bien ardens pour l’établissement de bains publics gratuits, ou peu coûteux, dans tous les lieux qui le permettroient ; combien de malheureux, après les fatigues accablantes d’une journée passée à l’ardeur dévorante de la canicule, ou dans l’exercice des métiers qui exigent l’usage continuel du feu, y trouveroient le délassement de leurs travaux, & préviendroient les maladies cruelles qui sont les suites d’épuisement & de sueurs arrêtées. Puissent nos vœux toucher le cœur des ames sensibles, qui armées du pouvoir, ne se bornent pas, quand ils le veulent, à de tristes desirs, & ont le bonheur de pouvoir commander le bien, & de le faire exécuter. M. B.