Cours d’agriculture (Rozier)/BARDANE

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Hôtel Serpente (Tome secondp. 155-157).


BARDANE, ou Glouteron. (Pl. 2, pag. 113.) M. Tournefort la place dans la seconde section de la douzième classe, qui comprend les herbes à fleur à fleurons, qui laisse après elle des semences aigretées, & il l’appelle, d’après Bauhin, lappa major, arctium dioscoridis, M. le ch. von Linné la classe dans la polygamie syngénésie égale, & la nomme arctium lappa.

Fleur, composée de fleurons hermaphrodites B, dans le disque & à la circonférence ; ils sont d’une seule pièce, en forme de tube, découpés en cinq parties linéaires & égales, comme on le voit en C, & le pistil en D ; le calice est rond, composé d’écailles placées en recouvrement les unes sur les autres, terminées en pointes aiguës, & recouvertes en manière d’hameçon.

Fruit. Semences solitaires, E, à deux angles opposés, couronnées d’une aigrette simple & très-courte, contenues par le calice, posées sur un réceptacle plane, garni de petites lames sétacées.

Feuilles, simples, entières, en forme de cœur, très-grandes, velues, blanchâtres en dessous, portées par de longs pétioles.

Racine A, épaisse, longue, fusiforme, noirâtre en dehors, & blanche en dedans.

Port. La tige s’élève de trois à six pieds de hauteur, suivant le terrain ; elle est herbacée, cannelée, rameuse. Les fleurs sont solitaires, & naissent des aisselles des feuilles sur les branches ; les feuilles sont placées alternativement sur la tige.

Lieu. Les prés, les grands chemins, les cours des granges, & fleurit en Août ; la plante est annuelle.

Propriétés. La racine a une saveur douceâtre & un peu austère ; les feuilles sont amères ; les semences sont âcres & amères. Les fleurs, les feuilles, les racines, sont regardées comme apéritives, vulnéraires, fébrifuges, & les semences comme un excellent diurétique.

Usages. On prescrit pour l’homme la racine séche & en poudre, depuis demi-once jusqu’à une once, en décoction dans douze onces d’eau ; le suc dépuré des feuilles à la dose de quatre onces ; la semence réduite en poudre, & infusée dans du vin blanc, jusqu’à demi-once. Extérieurement les feuilles appliquées sont anti-ulcéreuses. On donne aux animaux la dose d’une once, & en décoction à la dose de quatre onces sur deux livres d’eau.

Les différens auteurs ne sont point d’accord sur les propriétés de la bardane. M. Vitet, dans sa Pharmacopée de Lyon, s’exprime ainsi : « sans être fondé sur une seule observation, elle a été proposée pour dissiper la fièvre quarte automnale, la fièvre quarte par répercussion de la gale ; pour aider la résolution de la pleurésie & de la péripneumonie ; pour favoriser l’action du mercure dans la vérole, empêcher la salivation par le mercure, tendre à la guérison de la gale & des écrouelles ; soulager dans l’asthme pituiteux, la goutte & le scorbut ». Cependant, si nous nous en rapportons au témoignage du chevalier von Linné, si bon juge en cette partie, il la recommande contre le phlogose, la colique néphrétique, la goutte, la vérole, l’œdeme, &c. Le doute est utile, il oblige de recourir à de nouvelles expériences, & il seroit bien à desirer qu’une société de médecins reprît en sous-œuvre l’examen des effets de toutes les plantes employées en médecine pour les différentes maladies. Une telle entreprise seroit digne du zèle de la société royale de médecine de Paris, & conforme à son établissement ; elle ne se contenteroit certainement pas de l’analyse chimique par le feu, puisque ce ne seroit pas la véritable analyse de la plante, & l’exemple a prouvé que les produits étoient toujours les mêmes, à peu de chose près. Le travail immense de M. Geoffroy n’est presque d’aucune utilité ; il prépare la voie à un plus grand ouvrage. L’analyse, par exemple, suivant la méthode de M. de la Garaye, seroit bien plus naturelle & plus utile. L’analyse une fois bien faite, il faudroit faire l’essai de chaque plante, & en constater exactement les effets. Qui peut mieux que cette société savante, & composée des plus grands praticiens de Paris, entreprendre cet ouvrage ? En partant de la supposition que tout ce qu’on sait sur les propriétés des plantes est nul ou douteux, la société diviseroit le travail entre chacun des individus qui la composent. Plusieurs s’associeroient pour examiner, par exemple, la classe des purgatifs, des astringens, &c. & dans l’espace de quatre à cinq années, on auroit un corps complet de doctrine sur le règne végétal, & la charlatanerie de ces gens à secret seroit bientôt anéantie.

Le lecteur nous pardonnera ces réflexions nécessitées par le sujet, en faveur du motif, & s’unira avec nous pour inviter la société royale à entreprendre ce travail.