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Cours d’agriculture (Rozier)/BAUCHE

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Hôtel Serpente (Tome secondp. 177-178).


BAUCHE, ou Bauge, ou Torchis. C’est une espèce de mortier fait avec de la terre franche, corroyée avec de la paille ou du foin haché. On s’en sert, soit pour lier les pierres d’un mur, soit pour boucher les vides entre les chevrons qui forment toute la carcasse d’une maison. Il n’est pas possible d’imaginer une maçonnerie plus défectueuse pour tous les genres.

Examinons l’effet qui résulte de l’union de la paille & de la terre. La paille ou le foin occupent un plus grand espace au moment qu’on les gâche avec la terre. La terre, en séchant, prend de la retraite, se gerce, & par conséquent n’occupe plus le même espace qu’auparavant ; dès-lors les pierres sont mal jointes, moins liées. Si on applique ce mortier contre le bois, contre les chevrons, l’humidité fait renfler le bois, & le bois presse contre la terre. Cette terre se dessèche, le bois se dessèche à son tour, & si reste nécessairement un vide entre deux.

Ce mortier, qui ne sauroit se cristalliser & prendre une forme solide, semblable à celle du plâtre ou du mortier fait avec la chaux, suit les impressions de l’atmosphère. S’il est humide, la bauche ou torchis l’est également ; & s’il est sec pendant un certain tems, la bauche se dessèche aussi. Par ces alternatives de sécheresse & d’humidité, la paille pourrit, se décompose, ne sert plus de lien à la terre. Aussi on voit que peu à peu la surface de cette terre s’émiette, qu’elle tombe en poussière, & le bois reste décharné.

Deux causes concourent encore à cette dégradation ; la gelée & la formation du sel de nitre. La gelée survient ordinairement après les pluies des mois de Novembre & de Décembre, & toujours très-abondantes dans nos provinces du nord, où ce genre de bâtisse est en usage. La bauche imbibée a les pores remplis d’humidité ; le froid concentre l’humidité, pénètre dans l’intérieur, & gêle chaque particule d’eau. Il est démontré que toute eau gelée occupe un plus grand espace que dans un état d’eau simple ; dès-lors chaque particule d’eau fait l’effet du levier sur la partie de terre qui la touche, & ainsi de proche en proche, sur toute la partie du torchis. Le dégel survient & une partie du recrépissage tombe : si le froid a plusieurs reprises, elles occasionnent autant de dégradations aux bâtimens. La chaleur survient, la terre prend une nouvelle retraite ; les liens sont anéantis, & les gerçures commencent. Le simple coup d’œil sur ces bâtimens, sur ces murs, prouve ce que j’avance.

La formation du nitre est la seconde cause de leur dégradation. Chacun sait que toute paille réunie à la terre, attire le sel de l’air. Ce n’est pas le cas de prouver ici son existence, & de quelle nature il est ; mais il est constant que, de l’union de ce sel avec la terre ainsi préparée, il se forme peu à peu sur la surface du mur un véritable sel de nitre. Chacun sait encore que ce sel se cristallise si l’air est parfaitement sec, mais qu’il tombe en déliquescence, c’est-à-dire qu’il se fond à l’air si l’atmosphère est humide. Alors l’humidité saline gagne de proche en proche, se répand ; & plus elle se répand, plus il se forme de nouveau sel de nitre. Les pluies, il est vrai, délavent la surface, mais l’intérieur n’est pas moins pénétré. Voilà la cause la plus agissante & la plus immédiate, enfin celle qui achève de désunir ; & il est aisé de juger alors combien les effets de la gelée sont dangereux & actifs. Au mot Pisai, nous indiquerons une autre manière de bâtir aussi économique, aussi simple, aussi facile à exécuter, & infiniment plus solide.