Cours d’agriculture (Rozier)/CABARET

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Hôtel Serpente (Tome secondp. 504-506).


CABARET. Taverne ou maison où l’on donne à boire & à manger aux particuliers pour de l’argent. Les cabarets sont la ruine des campagnes. Le paysan ne revient jamais chez lui les jours de fêtes sans être pris de vin, & il dépense plus dans un jour qu’il ne gagne pendant toute la semaine. Ce n’est pas encore le plus grand mal. Les misérables domestiques trop désœuvrés ont commencé par y jouer aux cartes ; le paysan a été associé à leurs jeux, & la fureur a gagné de proche en proche. Il ne manquoit plus que ce fléau pour abymer nos campagnes. Si les gens préposés par le seigneur du lieu n’emploient pas la sévérité la plus grande, & contre les joueurs & contre les cabaretiers, tout sera perdu. Mais qui croiroit que ces gens de justice ferment volontairement les yeux ! Un homme fait des pertes au jeu ; les assignations, les procès, les biens en décret, achèvent de le ruiner, & l’homme de justice s’engraisse du sang du joueur. Combien d’exemples pareils je pourrois citer !


Cabaret. Plante. (Voyez Pl. 18, page 490). M. Tournefort le place dans la première section de la quinzième classe, qui comprend les herbes à fleur à étamines, dont la partie inférieure devient le fruit, & il l’appelle asarum. M. von Linné le nomme asarum Europæum, & le classe dans la dodécandrie monogynie.

Fleur, portée par un péduncule court qui se courbe après la fleuraison ; elle n’a point de corolle, mais un calice épais qui en tient lieu. Le pistil sort du fond du calice, entouré de douze étamines A attachées à l’ovaire. Ces étamines se recourbent à leur sommet, & forment une réunion circulaire dont le pistil est le point central.

Fruit. Capsule coriacée, coupée transversalement en B, renfermée dans la substance du calice, divisée en six loges dans lesquelles sont renfermées des semences C ovales, brunes, remplies de moelle.

Feuilles, simples, entières, en forme de rein, obtuses, luisantes, soutenues par de longs pétioles.

Racine D, menue, rampante, fibreuse.

Port. Tige herbacée, simple, basse, les fleurs au sommet, seules ; les feuilles sortent deux à deux, & leur pétiole s’alonge à mesure que la plante fleurit ; la fleur a une couleur vineuse, terne.

Lieu. Les montagnes élevées ; la plante est vivace, fleurit en Juin.

Propriétés. La racine est un peu amère, âcre, aromatique, nauséeuse ; les feuilles aromatiques & âcres. Toute la plante est résolutive, purgative par le haut & par le bas, emménagogue, errhine.

Usages. Les feuilles font vomir avec moins de violence que la racine, & la racine étoit le meilleur émétique connu des anciens. La dose pour l’homme des feuilles desséchées & pulvérisées, est depuis trois grains jusqu’à dix, délayées dans cinq onces de véhicule mucilagineux. Les feuilles sèches, depuis quatre jusqu’à quinze grains, en infusion dans cinq onces de vin, ou de petit lait, ou d’hidromel. La racine, depuis trois grains jusqu’à douze, en infusion dans les mêmes véhicules. Les feuilles sèches & pulvérisées comme sternutatoires, depuis demi-grain jusqu’à un grain. M. Desmarest, médecin à Boulogne-sur-mer, a prescrit heureusement la poudre des feuilles, comme sternutatoire, à un soldat qui après une chûte violente ressentoit au-dessus des orbites une douleur fixe suivie d’un larmoiement. Le soldat en fut parfaitement guéri après la seconde prise.

Il faut beaucoup de prudence pour ordonner ce remède en qualité d’émétique, à cause de son activité singulière ; il occasionne souvent de la chaleur & de la douleur dans la région épigastrique.

Les maréchaux se servent contre le farcin de la racine réduite en poudre à la dose d’une once, mêlée avec du son mouillé. Cette dose est trop forte ; il vaudroit mieux faire infuser une petite poignée de feuilles dans une pinte de vin blanc.