Cours d’agriculture (Rozier)/FLEURS

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Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 649-667).
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FLEURS, Botanique. La fleur est la partie de la plante qui renferme les organes de la reproduction, mâles ou femelles.

Plan du travail sur les Fleurs.
Section première. Coup d’œil général sur les Fleurs.
Sect. II. Anatomie de la Fleur.
§. I. Parties essentielles.
§. II. Parties accessoires.
Sect. III. Division & distribution des Fleurs.
§. I. Division des Fleurs considérées par rapport à la corolle.
§. II. Fleurs considérées suivant leur disposition sur les tiges.
§. III. De la Fleur composée.
Sect. IV. Floraison & défloraison.
§. I. Floraison annuelle.
§. II. Floraison journalière.
Sect. V. Végétation de la Fleur, & ses produits.
§. I. Parfum ou odeur des Fleurs.
§. II. Airs exhalés par les Fleurs.
Sect. VI. Parti que l’on peut tirer de la Fleur, après sa mort.

Section première.

Coup d’œil général sur les Fleurs.

Chargée de la fonction la plus noble & la plus intéressante de la nature, la fleur a été enrichie de tous ses dons : elle s’est plu, pour ainsi dire, à la relever du-dessus de toutes ses autres productions par la beauté, la vivacité des couleurs, l’élégance des formes, la douceur des parfums. Quelle variété ! quelle magnificence ! quelle richesse ! Rien ne flatte plus les sens ; rien n’attire plus nos regards ; rien ne semble captiver davantage nos goûts légers que les fleurs. Qui peut voir une rose entr’ouverte aux rayons du soleil naissant, chargée encore des gouttes cristallines de la rosée, & mollement agitée sur sa tige légère par le vent frais du matin ; qui peut l’apercevoir sans éprouver une douce sensation qui le pousse vers elle, sans y porter ses pas pour la cueillir, sans s’enivrer du parfum divin qu’elle exhale ? Un tapis immense de verdure s’offre à mes yeux ; un ruisseau limpide roule ses flots à travers cette prairie, & répand de tous côtés la vie & la fraîcheur. Au milieu de ces touffes vertes, je vois s’élever la tête radiée de la pâquerette : le blanc & le rose des franges de son diadème relèvent le jaune de sa tête ; le trèfle pourpré, le caille-lait à fleurs blanches & pendantes, cent variétés de renoncules & d’anémones, qui toutes attirent mes regards, & méritent que je les fixe un instant. Cueillerai-je ce bouquet bleuâtre, où cinq ou six fleurs de même espèce sont réunies, & le disputent à l’envi la douceur & la fraîcheur des nuances ? Non : à leurs pieds j’aperçois la douce violette : humble dans son port, elle n’annonce sa présence que par le divin parfum qu’elle exhale. À côté d’elle, la pensée solitaire étale la pourpre & l’or dont elle est embellie. Mais quelle est cette plante qui s’élève par-dessus toutes les autres ? Un épi de fleurs rougeâtres se balance dans les airs, & semble régner sur tout ce qui l’environne : c’est la grande consoude.

Mais me voilà arrivé au bout de la prairie : des bosquets enchanteurs m’offrent une retraite contre les ardeurs du soleil. Quel air parfumé l’on y respire ! déjà les grappes de lilas ont couronné les branches, & leurs petits tubes odoriférans s’éparpillent, & jonchent la verdure qui tapisse leurs pieds, tandis que l’arbre de judée épanouit ses fleurs, & se distingue à travers le vert de ses larges feuilles par la vivacité de ses nuances. Le long de ses tiges s’attache le chèvre-feuille, dont les bouquets multipliés, dispersés & mêlés avec ceux de l’arbre de judée, laissent deviner à qui ils doivent leur naissance. Les jasmins, moins élevés, garnissent d’un tapis épais de verdure les murs & les treillages, & semblent éparpiller de tous côtés leurs fleurs isolées : elles détachent leur corolle blanche ou jaune sur ce fond vert, comme on voit briller les étoiles dans l’azur des cieux. Quel est ce buisson de feu qui, placé contre les pilastres de ce portique de verdure, semble l’environner d’étincelles brillantes ? Mais mes regards sont fixés, tous mes sens sont ravis ; des touffes de roses naissent de tous côtés. Quelle douceur dans les nuances qui colorent le limbe de leurs pétales ! quelle vivacité dans les teintes qui ornent le centre de la fleur ! Tout ici inspire la volupté ; mes yeux s’élèvent & voient la rose percer & pendre de ces lambris de verdure ; elle verse une rosée de parfums délicieux ; ils s’abaissent vers la terre, & je la vois jonchée de ses feuilles légères, ou de petits buissons de rosiers nains m offrent de tous côtés d’élégantes miniatures, de magnifiques tableaux qui flottent sur ma tête.

Sous ce bosquet enchanteur, une douce langueur s’empare de tous mes sens ; mon esprit s’abandonne à une rêverie profonde ; des nuages légers viennent obscurcir mes yeux. Quel est ce prodige nouveau ? est-ce l’excès de la jouissance ? est-ce un commencement de douleur ? Pourquoi faut-il que la douleur suive de si près le plaisir ? Fuyons un danger prochain, & d’autant plus insensible, qu’il est recouvert par l’appât le plus séduisant, & semble menacer mon existence : redoutons l’air que je respire, & volons dans ce parterre aéré, où mille arbrisseaux fleuris coupent de temps en temps l’uniformité de cette immense broderie de Flore. Quelqu’élégant que soit ce dessein, quelque justes que soient ses contours, quelque savante que soit sa symétrie, je cherche la nature, & je n’aperçois que l’art : le canevas n’est rien ; je n’admire que les couleurs qu’elle a employées.

Asseyons-nous à côté de cette corbeille de fleurs, admirons cette variété étonnante d’êtres vivans qui sont couverts d’une étoffe brillante ; toutes les fleurs précieuses semblent avoir été réunies sur ces tiges mobiles. Quel mouvement soudain vient d’être imprimé aux anthères de la tulipe qui est sous mes yeux ? Un nuage, une vapeur céleste s’est échappée de ces petits réservoirs, & quelques atomes se sont fixés sur le stigmate de ce pistil ; je les vois descendre à travers sa cavité, & pénétrer jusqu’aux embryons qui sont plongés dans la léthargie ; tout d’un coup ils s’éveillent, s’agitent, & un million d’êtres nouveaux vient de recevoir l’existence. Ô nature ! quelle simplicité ! quelle grandeur !

Mais déjà les coursiers du soleil ont précipité son char dans le sein d’Amphytrite ; la nature se couvre insensiblement d’un voile épais ; les hommes & les animaux vont chercher dans les bras du sommeil de nouvelles forces & une nouvelle vie : ces fleurs semblent aussi les imiter, leurs tiges se retournent, leurs pétales se referment & cachent à mes yeux leurs brillantes richesses, pour les prodiguer au retour du Dieu de la lumière & du père de la nature. Profitons de ces instans de repos ; & pour bien connaître ces individus qui viennent de me procurer de si douces jouissances ; faisons-en l’anatomie, étudions leur diversité, suivons-les dans leur floraison & défloraison, voyons les effets de leur végétation, & pour, prolonger nos plaisirs, tâchons de les conserver même après leur mort.

Section II.

Anatomie de la Fleur.

Avant que d’entrer dans quelques détails anatomiques sur la fleur, établissons bien d’abord ce que nous entendons par ce mot. Qui croirait qu’il y ait eu différentes interprétations de ce mot, & que les botanistes, tant anciens que modernes, n’ont pas été & ne sont pas même d’accord sur ce qu’on doit entendre par une fleur. Tantôt les anciens n’ont pris pour fleur que les étamines, comme lorsqu’Aurelien nomme la rose une fleur d’un beau jaune, contenue par un calice, pourpre ; on voit bien qu’il entend ici par fleur, les étamines jaunes qui sont au centre de la rose, & par le calice, les pétales ; tantôt c’est tout le contraire, comme Pline qui, en décrivant le narcisse, appelle calice cette partie jaune qui occupe le centre, & fleur, les pétales qui l’environnent.

Les modernes sont presqu’autant partagés. Suivant Ray, la fleur est la partie la plus tendre de la plante, remarquable par sa couleur, sa forme, ou par l’une & l’autre, & qui adhère communément aux racines du fruit. Suivant M. de Jussieu, la fleur est proprement cette partie de la plante, qui est composée de fibres & d’un pistil, & qui est d’usage dans la génération. M. Tournefort définit la fleur cette partie de la plante qui se distingue ordinairement des autres parties par des couleurs particulières, qui est le plus souvent attachée aux embryons des fruits, & qui, dans la plupart des plantes, semble être faite pour préparer les sucs qui doivent servir de première nourriture à ces embryons, & commencer le développement de leurs parties. M. Vaillant, enfin, regarde comme fausses fleurs les organes qui constituent les différens sexes, lorsqu’ils sont dénués de pétales qu’il regarde comme des tuniques ou enveloppes destinées à couvrir ou à défendre les organes de la génération, & comme vraies fleurs, ceux qui en sont pourvus ; ainsi, il exclut du nombre des vraies fleurs, les fleurs à étamines. On sent assez que toutes ces définitions sont ou fausses ou insuffisantes, parce qu’elles ne donnent pas une idée exacte de la fleur en général. Ne seroit-elle pas plus juste, si par le mot de fleur on entendoit cette partie de la plante qui renferme les organes de la reproduction mâles ou femelles.

§. I. Parties essentielles de la fleur. La fleur est composée de plusieurs parties qui concourent toutes à sa perfection, & servent soit à l’embellir, soit, ce qui est plus essentiel, à remplir les vues de la nature. Nous les trouvons très-sensibles dans la fleur de la gentiane commune. (Fig. 1, Pl. 10) On en compte ordinairement cinq, le péduncule A, le calice B, la corolle ou les pétales C, le Pistil D & les étamines E. À chacun de ces mots nous entrerons dans les détails qui les concernent ; il suffit de les considérer sous un rapport général.

1°. Le péduncule est le prolongement de la tige qui porte ordinairement la fleur ; car quelquefois elles n’en ont point, & reposent immédiatement sur la tige ou sur les rameaux, & en ce cas on les nomme sessiles, comme la turquette. L’extrémité du pédoncule sur lequel repose la fleur, se nomme le réceptacle.

2°. Le calice est la partie la plus extérieure de la fleur, qui enveloppe les autres parties, ou les soutient. Il est ordinairement vert, & rarement sans division.

3°. La corolle est l’enveloppe immédiate des étamines & des pistils, ordinairement très-colorée ; & divisée en plusieurs parties auxquelles on donne le nom de pétales. La corolle, d’une seule pièce, peut porter aussi le nom de pétale.

4°. L’étamine qui comprend deux parties, le filet & l’anthère ; le filet, espèce de support très-délicat, soutient le sommet de l’étamine, qui n’est autre chose qu’une petite bourse ou capsule, dans laquelle sont renfermés les grains de la poussière fécondante. Cette bourse se nomme anthère. C’est la partie mâle de la plante,

5°. Le pistil est composé de trois parties, de l’ovaire, du style & du stigmate. L’ovaire est la base du pistil, & renferme les embryons ou germes. Il est ordinairement porté immédiatement par le réceptacle. Le style est un tuyau presque toujours fistuleux, qui s’élève au-dessus de l’ovaire, ou s’insère quelquefois à son côté ou à sa base, & porte le stigmate ou la partie supérieure du pistil. Ce stigmate, dont la figure n’est pas toujours la même dans toutes les fleurs, est la partie femelle de la plante ; c’est par lui que la poussiere fécondante parvient jusqu’à l’ovaire & aux germes.

Telles sont les parties essentielles à la fleur complète, ou du moins celles que l’on retrouve presque toujours. Nous disons essentielles à la fleur complète, car il arrive que, dans quelques espèces, certaines parties manquent ; tantôt le calice, tantôt la corrolle, ici c’est le filet des étamines, là le style du pistil, mais jamais l’anthère ni le stigmate & l’ovaire. Ce sont des organes absolument nécessaires à la fécondation ; on ne connoît en botanique aucune exception à cette loi universelle. Une plante peut être reproduite par bouture, drageon, &c. mais point de graine sans fécondation, & point de fécondation sans germe d’une part, & sans poussière fécondante de l’autre. Il peut se faire, à la vérité, que la manière dont se fait cette fécondation, soit encore en partie un mystère pour nous, (voyez le mot Fécondation) cependant il n’en existe pas moins.

§. II. Parties accessoires de la fleur. Outre les parties que nous regardons ici comme essentielles à la fleur, il y en a d’autres qui ne sont qu’accessoires, c’est-à-dire, que l’on ne trouve que dans certaines espèces, & qui ne sont point nécessaires à la fécondation. On les trouve ordinairement dans le voisinage des fleurs, & leur servent quelquefois de défenses ou d’appendices. Celles qui accompagnent sont la balle, le spathe, la collerette, & la bractée ; & celle que l’on peut regarder comme un simple appendice, est le nectaire. La balle tient lieu de corolle & de calice dans les graminées, & elle est composée de paillettes ou d’écailles. Le spathe est une espèce de gaine membraneuse, qui renferme une ou plusieurs fleurs, comme celles de l’ail, du narcisse. La collerette environne une ou plusieurs fleurs, mais elle est toujours placée à quelque distance de ces fleurs, n’est jamais contiguë à leur réceptacle, comme dans les plantes ombellifères. La bractée, ou feuille florale, est une petite feuille dont la forme & la couleur diffèrent des autres de la plante, & qui est toujours située dans le voisinage des autres feuilles. Le nectaire est un petit réservoir, qui, dans certaines fleurs, fait partie de la corolle, & contient une matière sucrée & mielleuse. Il faut consulter chacun de ces mots pour des détails plus circonstanciés sur leur forme, leur durée, & leur usage.

En donnant une courte description des parties, tant essentielles qu’accessoire de la fleur, nous avons supposé qu’elles se trouvoient réunies dans un même sujet, sur-tout le pistil & les étamines ; mais il y a un très grand nombre de plantes où les principales sont séparées, c’est-à-dire, que le pistil & les étamines ne sont pas renfermées dans la même fleur, & se trouvent séparées sur différentes branches, ou même sur des individus différens ; de plus, ayant remarqué, en passant, que les étamines étoient la partie mâle, & le pistil la partie femelle, on a nommé fleurs mâles celles qui contiennent des étamines sans pistils, fleurs femelles celles qui n’ont que des pistils sans étamines, & hermaphrodites ou androgynes, celles qui renferment étamines & pistil.

Après avoir considéré toutes les parties des fleurs, on est frappé, & de la couleur qu’elles offrent, & de l’odeur qu’elles exhalent ; on admire, & l’on jouit. Mais quand on réfléchit sur ces sensations, on se demande pourquoi cette variété de couleurs ? ces nuances charmantes dont les pétales sont embellis, quelle en est la cause & le principe ? c’est alors qu’une profonde méditation, un désir curieux d’interroger la nature nous fait entrer dans son sanctuaire, & c’est dans le parenchyme même de la corolle que nous trouvons la matière colorante, c’est dans les degrés de fermentation qu’elle éprouve successivement, que nous suivons les différentes teintes de ces couleurs, leur formation, leur développement, & leur dégradation. (Voyez Couleur des plantes.) Les parfums que les fleurs exhalent, ne sont qu’une partie de l’esprit recteur, qui s’échappe par la transpiration insensible ; mais comme cela tient à la vie de la fleur, nous en parlerons après que nous aurons décrit les variétés qu’elles offrent, en les considérant par rapport à leur corolle.

Section III.

Division & distribution des Fleurs.

§. I. Division des fleurs considérées par rapport à la corolle. Rien de plus frappant, au premier coup-d’œil, dans une plante, que la corolle & sa fleur. Elle attire les regards, non-seulement de celui qui ne voit dans la fleur qu’une des plus jolies productions de la nature, mais encore de celui qui, voulant nombrer les richesses végétales, cherche des caractères pour les classer & les diviser. La forme & la structure de la corolle, qui paroît d’abord si variée pour les différentes plantes, porte avec elle des traits de ressemblance qui la rapprochent dans les espèces & les genres. Aussi plusieurs botanistes ont-ils cherché dans cette partie la base des divisions de leur système ; (voyez ce mot) mais personne ne l’a fait comme M. Tournefort.

Afin de mettre un peu d’ordre dans ce que nous allons dire sur les variétés des fleurs, nous considérerons d’abord les formes de la corolle proprement dite, ensuite la manière dont les fleurs sont disposées sur les tiges & les branches qui les portent. Il faut avoir soin de relire le mot Corolle.

Variétés des formes de la corolle. La fleur peut être composée d’une corolle d’une seule pièce, ou d’une corolle de plusieurs pièces. Dans le premier cas, elle est monopétale, & polypétale dans le second. La corolle monopétale, n’a point de divisions, ou, si elle en a, elles ne sont point prolongées jusqu’à la base ; ce sont alors de simples découpures. Comme la corolle monopétale offre différentes figures, elle prend aussi différens noms. Elle est campaniforme quand elle a la forme d’une cloche, comme le liseron, Fig. 2. A est la corolle attachée au calice D ; B est cette même corolle détachée : on voit en C l’orifice à travers lequel passe le pistil. La partie évasée E prend le nom d’entrée, B le corps, & C le fond.

Elle est tubulée lorsqu’elle est terminée par un tuyau, un peu alongée, comme dans la gentiane, Fig. 3.

Si elle a la forme d’un entonnoir, c’est-à-dire, conique à sa partie supérieure, & terminée inférieurement par un tube, on la nomme alors infundibuliforme, comme l’oreille d’ours, Fig. 4. A l’ouverture de l’entonnoir B l’orifice du tube, C le calice.

Si elle s’évase en manière de soucoupe avec un tube, elle est hypocratériforme ; la primevère, Fig. 5 ; sans tube, en roue, le bouillon blanc, Fig. 6. A, la corolle vue en dessus, B, la même vue en dessous.

Lorsque les divisions de la corolle monopétale ne sont pas uniformes, qu’elles ont un contour bizarre, alors elle est irréguliere. Si son limbe forme deux lèvres, l’une supérieure & l’autre inférieure, on dit qu’elle est en masque ou labiée. La queue de lion, Fig. 7. AB est la corolle en forme de tuyau découpé par le haut en deux lèvres, dont la supérieure est pliée en gouttière, & beaucoup plus longue que l’intérieure C, divisée ordinairement en trois parties. Si elle imite un muffle à deux lèvres, on la nomme personnée, comme le muffle de veau, Fig. 8. On voit en A la partie supérieure de la corolle personne, vue de côté, & B la partie inférieure ; C est la même partie supérieure, vue de face, divisée en deux parties, & D l’inférieure, ordinairement divisée en trois. Dans cette classe de corolle, il se trouve souvent, vers la base, un prolongement conforme, que l’on nomme éperon, comme dans la linaire, Fig. 9. BD, muffle à deux lèvres ; G, éperon.

La corolle polypétale régulière est celle dont les divisions vont jusqu’à sa base, ou, pour parler plus juste, elle est composée de plusieurs pétales différens les uns des autres, & qui ont un arrangement symétrique. Elle est cruciforme lorsque ces pétales, au nombre de quatre, sont disposés en croix ; le chou, la roquette, Fig. 10. A, fleur en croix de la roquette ; B, limbe d’un pétale ; C, onglet par lequel il est attaché au calice.

Elle est rosacée lorsqu’elle est composée de plusieurs pétales égaux & disposés en rose ; la benoite, Fig. 11. Lorsque ces pétales disposés en rose sont inégaux, ils imitent quelquefois la fleur de lis des armes de France ; on la nomme alors fleurdelisée ; quelques plantes ombellifères ont des fleurs de cette espèce, comme le cerfeuil, Fig. 12.

La corolle polypétale est irrégulière, lorsque ses pétales ont des formes différentes les unes des autres ; on en distingue de plusieurs espèces. La papilionacée, quand ses pétales sont pliés & disposés de manière à imiter la forme d’un papillon ; telles sont les fleurs légumineuses, Fig. 13 ; la fleur papilionacée est composée d’un large pétale A, plié en dos d’âne, & qui enveloppe les autres ; on le nomme étendard ou pavillon ; d’un pétale inférieur B, imitant l’avant d’une nacelle, & qui renferme presque toujours les étamines & le pistil ; enfin, de deux pétales latéraux C, qui portent ordinairement à leur naissance, deux appendices ou oreillettes D. Ces pétales portent le nom d’ailes.

La seconde espèce sont les fleurs anomales, dont toutes les pièces sont irrégulières & dissemblables. Les imaginations industrieuses trouvent dans ces fleurs tout ce qu’elles veulent, à peu près comme dans les nuages. C’est ainsi que dans l’orchis M. Tournefort voyoit tantôt un homme nu, tantôt un papillon, une abeille, un pigeon, un singe, un lézard, &c. Ce seroit trop long de donner ici les desseins de toutes les variétés des fleurs anomales ; il en faudroit autant qu’il y a d’espèces, parce qu’elles ne le ressemblent point du tout ; nous n’en citerons ici que trois ; 1°. la violette Fig. 14, qui paroît avoir quelqu’apparence avec les fleurs légumineuses ; mais qui en diffère, parce qu’elle est composée de cinq feuilles, dont les deux supérieures A & E s’élèvent en manière d’étendard ; deux latérales CD, sont comme des ailes placées au-dessous, & une inférieure E qui est terminée par un éperon F ; 2°. l’aconit Fig. 15, dont le pétale supérieur A est comme un bonnet ou un casque pointu : les deux latérales BB représentent en quelque manière les oreillettes, & l’inférieure, la mentonnière ; 3°. la capucine, Fig. 16, à cause de son nectaire très-alongé F, adhérent au calice D.

§. II. Fleur considérée suivant sa disposition sur les tiges. Jusqu’à présent, nous n’avons considéré la fleur que comme simple, c’est-à-dire, que comme étant unique sur son réceptacle ; mais il arrive souvent qu’elles sont réunies plusieurs ensemble, & alors la fleur devient composée. Avant de décrire cette dernière, il faut auparavant examiner comment elle peut être placée sur les tiges ; cette variété mérite l’attention d’un curieux observateur.

La fleur simple peut se trouver dans différens endroits de la plante, & elle prend autant de noms différens ; elle est terminale, quand elle est placée à l’extrémité de la tige ou des rameaux, l’anémone ; latérale, sur les côtés de la tige, la germandrée ; dans ces deux cas, elles peuvent être toutes rangées d’un même côté, ou éparses & sans ordre ; sessiles, lorsqu’elles n’ont point de pédoncules & qu’elles adhèrent immédiatement sur la tige, la turquette ou herniaire ; solitaires ou ramassées, suivant qu’elles sont seules ou plusieurs ; droites ou penchées, ou verticales : les premières regardent le ciel, la gentiane ; les secondes s’inclinent un peu vers la terre, la tulipe ; les dernières pendent perpendiculairement, le muguet : axillaires, lorsqu’elles sont disposées dans les aisselles des feuilles ou des branches, la jusquiame ; radicales, lorsqu’elles naissent immédiatement de la racine, la colchique ; verticillées, lorsqu’elles sont disposées en forme d’anneau autour de la tige, la sauge, Fig. 1, Pl. 11 ; en ombelle, lorsque les pédoncules se réunissent tous en un point commun, d’où ils divergent, en imitant les branches d’un parasol, Fig. 2, le persil. On verra à l’article système, que M. Tournefort a tiré de cette disposition, le caractère de sa septième classe, & il a nommé ombellifères les plantes qui ont de pareilles fleurs. Voyez le mot Ombelle pour tout ce qui regarde cette espèce de fleurs. En corimbe, lorsque les pédoncules, partant graduellement de différens points d’une tige commune, arrivent tous à la même hauteur, comme la mille-feuille, Fig. 3 ; en bouquets, lorsque les pédoncules partant graduellement de différens points d’un axe commun, toujours disposé dans une situation droite, & arrivant à des hauteurs différentes, forment une espèce de pyramide, comme le maronnier, le siringa, Fig. 4 ; en grappe, les fleurs en grappes ne diffèrent de celles en bouquets, que parce qu’elles sont toujours perchées & inclinées vers la terre, comme le lilas, Fig. 5 ; en panicule, lorsqu’elles sont disposées sur des pédoncules dont les divisions sont très-nombreuses & très-diversifiées, comme le millet, Fig. 6 ; en épi, lorsque presque sessiles, elles sont rassemblées sur un pédoncule commun alongé & très-simple, les graminées, Fig. 7 ; enfin en tête, lorsqu’elles sont ramassées & disposées en espèce d’épis forts courts plus ou moins arrondis, comme dans le trèfle, Fig. 8.

§. III. De la fleur composée. La fleur composée est celle qui réunit sur un même réceptacle, plusieurs petites fleurs particulières ayant leur corolle, leur pistil & leurs étamines. Ordinairement un calice commun les environne toutes. On en distingue trois variétés, les fleurs à fleurons ou flosculeuses ; les fleurs à demi-fleurons ou semi flosculeuses, & les fleurs composées de fleurons & de demi-fleurons ou fleurs radiées. En général, le caractère principal & distinctif des fleurs composées, est d’avoir cinq étamines réunies par leurs anthères, & formant une espèce de gaine, à travers laquelle passe & s’élève le pistil.

La fleur composée flosculeuse, est celle qui réunit sur un réceptacle plusieurs fleurons. Le fleuron est une petite fleur dont la corolle est monopétale, en entonnoir, évasée & découpée à son limbe ; tandis qu’elle est tubulée à son autre extrémité, tel est le chardon, l’artichaux, &c. Fig. 9 ; A, fleur à fleuron ; B, fleuron hors du calice ; C, la petite bourse garnie de poils, où est renfermé l’embryon E ; D, le pistil ; F, la corolle ouverte pour laisser voir le pistil D, & les cinq étamines H, formant une gaine G, au haut de laquelle sont les anthères I ; le pistil DD s’élève de dessus l’embryon, passe à travers la gaine & la surmonte ; ce fleuron est grossi au microscope, pour voir exactement l’intérieur.

La fleur à demi-fleuron est une petite corolle monopétale, composée d’un tuyau étroit qui s’évase par le haut en forme de languette, quelquefois découpée à son extrémité ; la scorsonère, Fig. 10 ; A, fleur à demi-fleuron ou demi-flosculeuse ; B, demi-fleuron séparé du calice ; C, embryon ; B, la corolle, en forme de tuyau, est terminée par une languette D, & renfermant le pistil E, & les étamines dont la réunion forme une gaine comme la fleur à fleuron.

La fleur radiée est celle dont le milieu ou le disque porte des fleurons, & dont la circonférence ou la couronne est composée de demi-fleurons, comme la pâquerette ou marguerite, Fig. 11 ; A, le disque où sont les fleurons ; B, la circonférence où sont les demi-fleurons.

Il arrive dans quelques espèces de fleurs composées, que les étamines des fleurettes, disposées sur un même réceptacle, ne sont pas pour cela réunies par leurs anthères, comme dans la scabieuse ; alors on les nomme faussement composées ou simplement agrégées.

Par rapport à la distribution des fleurs composées sur la tige & sur les rameaux, elles peuvent être dans le même cas que les fleurs simples ; ainsi nous n’en parlerons pas, & nous allons examiner la vie de la fleur.

Section IV.

De la Floraison & Défloraison.

La fleur tendrement renfermée dans le bouton, (Voyez ce mot) n’attend que le retour de la chaleur pour briser les enveloppes qui la retiennent captive, se développer & offrir à nos sens ce qui peut les flatter plus agréablement, en même temps qu’elle acquiert cette force & cette vigueur nécessaire pour remplir les vues de la nature dans le grand acte de la fécondation. L’épanouissement des fleurs est le premier signal du retour du printemps, & la nature annonce par ces jolies productions, la suite des richesses dont elle va nous combler successivement dans le cours de l’année. Si elle nous les donnoit toutes en même temps, l’instant de la jouissance s’évanouiroit bien vite, & seroit bientôt suivi de nos injustes regrets ; en conséquence elle a ordonné aux fleurs de ne s’épanouir que successivement, afin que nos plaisirs renaissent sans cesse. Chaque saison, chaque mois a sa fleur favorite, & n’attend que son degré de chaleur & d’impulsion de sève pour s’offrir à nos regards. Non-seulement cette variété est frappante dans les plantes de genre & d’espèce différens, mais encore dans la même plante, si elle est garnie de plusieurs fleurs. La plante porte-t-elle des fleurs en bouquet ou en grappe ? les premières qui s’entr’ouvriront seront toujours celles qui seront les plus voisines de la tige, parce qu’elles reçoivent les premières les influences de la chaleur terrestre & des sucs que les racines y pompent. Celles qui terminent le bouquet sont encore fermées, tandis que les premières sont épanouies, & elles ne s’épanouiront à leur tour qu’après que les autres seront fanées & flétries. Quelle prévoyance de prolonger ainsi nos jouissances ! Le buisson qui porte la rose, semble perdre & quitter tous les jours sa parure ; & dans quelques espèces, il n’y a presque point de mois où il ne nous fasse quelque présent.

Cette espèce de profusion & de désordre n’est qu’apparent : il tient aux loix constantes de la végétation. Les circonstances du climat, de l’exposition, de l’abri, de la nature du terrain, de la température de l’atmosphère, influent nécessairement sur le développement des fleurs, & il étoit difficile de les observer longtemps sans être frappé d’une sorte de régularité qu’elles suivent dans leur développement. Ce phénomène n’a pas échappé à quelques botanistes qui en ont même voulu faire la base de leur systême ; Dupas en 1607, Besler en 1613, & Pauli en 1708. Le chevalier von-Linné a poussé ces observations plus loin, & M. Adanson a fait pour Paris ce que le premier avoit fait pour Upsal ; M. Durande les a imités pour le climat de Dijon.

Nous considérerons avec eux la fleuraison sous deux points de vue, 1°. relativement au temps de l’année ou à la saison où elle a lieu pour chaque fleur ; 2°. relativement à l’heure du jour où les fleurs s’épanouissent : la première se nomme floraison annuelle, & la seconde, floraison journalière.

§. I. De la floraison annuelle. Il est constant qu’une plante naturelle à un pays, fleurit dans la saison où elle trouve le degré de chaleur & la perfection de la sève qui lui conviennent le mieux. Mais si on vient à la transplanter dans un autre climat où la température & le sol soient différens, il est naturel de penser que le moment de son épanouissement sera dérangé. Il n’est donc question ici que des plantes naturelles à un climat, ou du moins qu’une longue culture y a, pour ainsi dire, naturalisées. Ajoutons encore qu’il ne faut pas oublier qu’une infinité de circonstances peut avancer ou retarder l’épanouissement, & ne permet que de donner les temps moyens. Cette connoissance ne peut être que très-agréable & très-utile ; & bien savoir le temps auquel chaque plante fleurit dans un pays, sert à connoître le temps le plus convenable pour les semer, & la manière la plus avantageuse pour les cultiver. Elles indiquent en quelque sorte les saisons & les travaux qu’il faut faire ; c’est ainsi que la scabieuse succise, la pornassia, &c. fleurissent au temps de la fauchaison où le trèfle perd ses fleurs. D’ailleurs, comme l’agréable doit toujours accompagner l’utile, cette connoissance met en état de faire succéder dans un jardin d’agrément les fleurs aux fleurs, depuis la naissance du printemps jusqu’à la fin de l’automne. Il est encore une classe de personnes à laquelle cette connoissance est absolument nécessaire ; c’est celle qui s’occupe à ramasser les plantes utiles en médecine. Il faut les cueillir au moment Où elles commencent à fleurir, parce que c’est le moment où elles ont plus de délicatesse. Si l’on attend plus long-temps, elles acquièrent à la vérité plus d’activité & de force ; mais aussi elles prennent quelquefois une saveur désagréable, comme cela arrive à la mélisse.

M. Adanson, dans son premier volume des Familles des plantes, a donné un tableau du temps où les plantes les plus communes fleurissent dans le climat de Paris ; il est peu considérable ; nous préférons celui que M. Durande a donné dans ses Notions élémentaires de botanique, d’autant plus volontiers, qu’ayant été fait pour le climat de Dijon, & ce climat régnant vers le milieu de la France, ce tableau peut convenir à tout le royaume, & la différence ne peut être considérable.

D’après ce savant botaniste de Dijon, on voit fleurir au mois de février, le bois-gentil, le peuplier blanc, le perce-neige, le saule-marceau, l’ellébore, le buis, le coudrier, l’if.

En mars, la primevère, la renoncule ficaire, le tussilage, la violette, l’amandier.

En mars & avril, le cabaret, la cardamine, le cerisier, la consoude, le cormier, la giroflée jaune, l’herbe-à-paris, l’hépatique, le lierre terrestre, le pétasite, la petite pervenche, le pissenlit, le poirier, le pommier, le prunier, la pulsatille, la surelle.

En mai, temps de la floraison du plus grand nombre de plantes, on observe sur-out en fleur, l’alliaire, l’aconit, l’aspérule odorante, l’argentine, l’aristoloche, la bourrache, la bryoine, la bugle, le cabaret, (mars) la camomille, le carvi, le cerfeuil, le chêne, la consoude, (mars) l’églantier, l’épine-vinette, l’ésule, le fraisier, le gremil, le groseillier, l’herbe-à-paris, (avril) l’herbe-à-robert, l’iris d’Allemagne, l’iris faux acorus, le lierre terrestre, (avril) le marronnier, le périanthe, le muguet, le mirtyle, l’orchis double-feuille, l’oreille d’ours, l’ortie ou laurier blanc & pourpre, l’oseille, la pédiculaire des marais, la pervenche, (avril) le pied de chat, le pissenlit, (avril) la pivoine, le polygala commun, le prunelier, le prunier, (avril) la pulmonaire, (avril) les renoncules, le romarin, la ronce, le sainfoin, le sureau, la sanicle.

En juin, l’ail, l’alkékenge ou coqueret, l’aconit, (mai) l’aspérule odorante, (mai) l’argentine, (mai) l’asperge, la benoite, la bistorte, le blé, le sarrasin, la bourrache, (mai) la bryoine (mai) la bugle, (mai) le carvi, (mai) la carotte, la ciguë, la consoude, (mai) la filipendule, le fraisier, (mai) la fraxinelle, le froment, la giroflée, la grande marguerite des champs, le gremil, (mai) l’herbe à-robert, (mai) l’impératrice, les iris, (mai) le lierre terrestre, (avril) le marronner d’Inde, (avril) la matricaire, le millepertuis, la morelle grimpante, la moutarde ou sénevé sauvage, le nimphéa blanc, l’oignon, l’oranger, l’orge, l’ortie ou lamier blanc & rouge (mai) l’orchis, (mai) le pied-de-lion ou alkimille, le pissenlit, (avril) le polygala, (mai) la quinte-feuille, le raifort sauvage, les roses, (mai) la sauge des boutiques, la sauge sauvage, le seigle, le tilleul, la trique-madame, la valériane des boutiques, la vermiculaire brûlante, la vigne.

En Juillet, l’absinthe grande & petite, l’aconit ou napel, l’ail, (juin) l’argentine, (mai) l’armoise, la patte d’oie fétide, l’année, la bardane, l’herbe-à-robert, (mai) la berce, la bétoine, la carline, la carotte, (juin) le chanvre, la ciguë, (juin) la clématite, le cochléaria, (juin) l’épurge, (mai) l’eufraise, le fraisier, (mai) la germandrée, le glouteron, la gratiole, le gremil, (mai) l’herbe-à-l’épervier ou l’épervière, (mai) le houblon, la joubarbe, la matricaire, (mai) la mille-feuille, le nimphéa jaune, l’origan, l’ortie ou lamier blanc & rouge, (mai) la pimprenelle, la quinte-feuille, (juin) la scabieuse, le scordium, la tanaisie, le tilleul, la valériane, (juin) la verveine.

En août, l’aconit, (juillet) l’argentine, (mai) la patte-d’oie fétide, (juillet) l’aunée, (juillet) la bardane, (juillet) les tithymales, (mai) l’eufraise, (juillet) la gratiole, (juillet) le houblon, (juillet) la matricaire, (mai) la mille-feuille, (juillet) l’orpin reprise, la pimprenelle, (juillet) la scabieuse, (juillet) la tanaisie, (juillet) la verge d’or.

En Septembre, la gratiole, (juillet) le pissenlit, (avril) la verveine. (juillet)

En Décembre, l’ellébore noir.

Si l’on ne considère la floraison que relativement aux différentes saisons, on voit en fleurs, au printemps, la bourrache, la bourse-à-pasteur, la bryoine, la marguerite, la primevère, la pulmonaire.

En été, l’agripaume, l’aigremoine, l’alcée, l’arrête-bœuf, l’avoine, la becabunga, le bouillon blanc, la brunelle, la buglose, le caille-lait, le chardon-roland, le chiendent, la digitale, le thytimale, la feve, le froment, la fumeterre, la guimauve, le haricot, l’herbe-au-chat, la jusquiame noire, la lentille, le lin purgatif, la marguerite, le marrube, les mauves rondes & sauvages, la mercuriale, la morelle, le mouton, la nommulaire, l’œillet, l’orge, la pariétaire, la persicaire, le pied d’alouette, le pois, la renouée, la salicaire, la saponaire, la sauge, les scrophulaires noueux & aquatiques, le seigle, le stramonium, le thlaspi, la tormentille, le velar, la véronique, la vesce, l’yvette.

En automne, la mercuriale, la morelle, le pain-de-pourceau, le lierre en arbre.

Par rapport aux plantes étrangères, il faut observer qu’en général, celles des climats les plus froids, & celles des montagnes, fleurissent au printemps ; celles de nos climats tempérés fleurissent pendant tout l’été ; celles du Canada, de la Virginie, du Mississipi, sur-tout les plantes vivaces, ne fleurissent qu’en automne, & celles du cap, en hiver.

S. II. Floraison journalière. On a observé que les fleurs ne s’ouvroient pas toutes à la même heure, que, toutes choses égales d’ailleurs, elles observoient une certaine régularité ; ainsi, les fleurs à demi-fleurons s’ouvroient ordinairement le matin ; les mauves, avant midi ; le bec-de-grue, le soir ; la belle-de-nuit & le cierge rampant, la nuit : on a même été plus loin, & le chevalier Linné a dressé une table des heures où s’ouvrent les principales fleurs à Upsal, & il a donné à cette table le nom d’horloge de Flore. On sent facilement que l’heure de l’ouverture d’une fleur est sujette à varier à chaque instant. C’est ici que les circonstances ont les lus grandes influences. Que le soleil reste caché & enveloppé d’un nuage, le matin ; telle plante, qui devoit s’ouvrir à six heures, ne le sera plus qu’à neuf, dix, ou midi, tandis qu’une autre plante sera avancée. C’est ici, surtout, qu’il ne faut considérer la nature qu’en grand, & n’établir des horloges de Flore que pour des climats très-restreints. Cependant, pour en donner une idée, & tracer un plan pour quelques amateurs qui seroient bien aise de faire des semblables observations dans leurs séjours, nous allons copier l’horloge de Flore du chevalier von-Linné.

Quiconque voudra l’imiter, doit noter, en même temps qu’il observe l’heure de l’épanouissement, la hauteur du baromètre & le thermomètre, parce qu’il est constant que la pesanteur de l’air & sa température influent nécessairement sur cet acte de la végétation.

Ce botaniste célèbre distingue en trois classes les fleurs solaires, ou qui s’épanouissent dans le jour ; savoir, 1°. les météoriques, ou celles dont l’heure de l’épanouissement est dérangée par l’état de l’atmosphère, en raison de l’ombre, de l’humidité, de la sécheresse, &c. ainsi on observe que la grenadille, qui s’ouvre à midi lorsque le ciel est serein, ne s’épanouit qu’à trois heures, lorsqu’il est nébuleux ; 2°. les tropiques qui s’ouvrent le matin, & se ferment le soir ; mais l’heure de leur épanouissement avance ou retarde, suivant que les jours augmentent ou diminuent ; 3°. les équinoxiales qui s’ouvrent à une heure fixe & déterminée, & le plus souvent se ferment à la même heure.

HORLOGE DE FLORE

ou TABLEAU de l’Heure de l’Épanouissement de certaines Fleurs à Upsal, par 60 degrés de latitude Boréale.
HEURES du lever ou de l’épanouissement. NOMS DES PLANTES. HEURES du coucher où les Fleurs se ferment.
MATIN.   MATIN. SOIR.
H   H H
3 à 5 Barbe de bouc 9 à 10
4 à 5 Dent de lion, ou Pissenlit des prés 12 ou
10 à 12
1
  Picride viperine 2
  Chicorée
4 à 6 Laitron à feuilles de pavots 10
5 Laitron cilié 11 à 12
  Pavot   7
5 à 6 Lis-asphodèle  
Salsifix  
Dent de lion à large feuille 8 à 9
Picride à feuilles d’Endive 11
Lampsane étoilée 10 1
Chondrille 10
6 Éperviere ombellée   5
6 à 7 Éperviere à feuilles plus larges   1 à 2
Éperviere des murs   2
Picride rouge   1 à 2
Salsifix verticillé 12 4
Laitron des champs 10 à 12
Laitron épineux   2
Alyssoides. Tourn.   4
6 à 8 Phalangium. Tourn.   3 à 4
7 Laitue pommée 10
Laitron des Alpes 12
Soucis d’Afrique   3 à 4
Nénuphar blanc   7
Crepide bisannuelle   3
7 à 8 Porcelle hérissée   2
Ficoïde à feuilles barbues au sommet   2
Ficoïde linguiforme   3
Mouron bleu  
8 Mouron rouge  
Œillet prolifère   1
Éperviere piloselle   2
9 Soucis des champs   3
Ficoïde à feuilles de plantain   3 à 4
9 à 10 Pourpier de jardin 11 à 12
Spargoute pentadrique 2 à 5
Mauve rampante
Ficoïde à feuilles de kali
10 à 11

soir,
5 Belle de nuit
6 Geranium triste
9 à 10 Silene noctiflore
  Cierge octogone grandiflore 12

Telles sont les heures où M. von-Linné a observé que ces différentes fleurs s’ouvroient & se fermoient à Upsal : il seroit intéressant de connoître, d’examiner attentivement à quelle heure elles s’ouvrent & se ferment dans nos climats. M. Adanson, qui a fait quelques observations sur cet objet, croit qu’il doit se trouver la différence d’une heure entre Paris & la Suède. Elles s’épanouissent de meilleure heure en France, & la chaleur des provinces méridionales les détermine encore plutôt.

L’épanouissement complet de la fleur, ou le temps qu’elle reste totalement ouverte, a été nommé veille, & on distingue dans le règne végétal, comme dans l’animal, le temps de la veille, & celui du sommeil. Vers la fin de la journée, au soleil couchant, on voit les pétales se refermer & se replier sur eux-mêmes dans quelques espèces de plantes. Telles sont les légumineuses, & celles auxquelles on a donné le nom de mi-menses, comme la sensitive. La présence de la lumière directe & de la chaleur est la cause de ce phénomène ; aussi, à peine reparoissent-elles, que les fleurs, excitées par leurs douces influences, déploient toutes leurs beautés : la végétation paroît ralentie durant toute la nuit ; la circulation est moins rapide, la secrétion des humeurs, & sur-tout de l’air déphlogistiqué, moins abondante, la transpiration insensible, qui parfume l’air des exhalaisons odoriférantes y est diminuée & presque suspendue : tout, en un mot, annonce un vrai sommeil. Nous verrons à ce mot, que l’on peut dire que non-seulement les fleurs, mais même toute la plante, éprouvent cet état de repos.

Section V.

Végétation de la Fleur, & ses produits.

Les sucs les plus épurés de la plante servent à la formation & à la nourriture de la fleur. Cet organe destiné à l’acte le plus grand de la nature, doit être aussi le plus parfait ; cependant l’observation microscopique, représente les pétales semblables aux feuilles, aux glandes corticales près ; (voy. le mot Corolle) seulement les parties qui concourent à leur formation, paroissent plus fines & plus délicates. La destination de la fleur est-elle donc la même que celle des feuilles ? oui, si nous ne considérons que leurs enveloppes : aspirer l’air extérieur, commencer sa décomposition, & transpirer les molécules spiritueuses & aériennes, que le mouvement de la sève & l’acte de la végétation chassent continuellement, telle est leur destination, & leur vie est la même que celle des feuilles ; mais si nous réfléchissons sur les vues de la nature dans le jeu des pistils & des étamines ; nous verrons bientôt que tout a été disposé pour remplir cet objet ; la position des étamines par rapport au pistil ; le pistil reposant au-dessus du germe ; le germe lui-même disposé de façon, qu’il peut recevoir l’impression nécessaire à son développement & à son accroissement ; nous ne pouvons nous empêcher d’admirer l’auteur de la nature, dont la sagesse & la grandeur s’annoncent même dans les plus petits détails.

Il est difficile de considérer longtemps une fleur, sans être frappé de l’odeur agréable qu’elle exhale, & après avoir parcouru sa forme, son élégance, la vivacité de ses couleurs, sa destination, son lever & son coucher, ses exhalaisons délicieuses méritent bien notre attention. Elles sont de deux espèces, l’une qui est le parfum proprement dit, & l’autre qui consiste en une certaine quantité d’air méphitique que la plante exhale.

§. I. Parfum ou odeur des fleurs. Le parfum que les fleurs exhalent, n’est autre chose que leur esprit recteur qui, naturellement très-volatil, s’échappe à travers les pores des pétales & des feuilles, se répand dans l’air ambiant ; & comme il est presqu’aussi pesant que le volume d’air qu’il déplace, il reste flottant dans l’atmosphère jusqu’à ce qu’un vent léger le promène dans l’espace. Cependant l’odeur proprement dite, n’est que la partie la plus volatile de l’esprit recteur, & rien n’est plus facile à démontrer. Que l’on prenne une fleur, une feuille odoriférante, qu’on la sente, & qu’ensuite, on brise & froisse un peu dans ses doigts cette même feuille ; on s’appercevra bientôt que l’odeur sera exhalée & beaucoup plus développée ; il est vrai, qu’elle sera un peu moins agréable, soit que la chaleur des doigts ait agi sur cette substance si délicate, soit que son intensité même s’oppose à sa douceur. Souvent l’esprit recteur est tellement adhérent à l’huile essentielle, qu’il ne s’évapore que difficilement ; pour le sentir, il faut alors nécessairement déchirer l’enveloppe, & rompre les cellules qui le renferment, ce que l’on obtient par le froissement des feuilles.

Il est bien plus facile de distinguer les odeurs des différentes fleurs, & de les reconnoître que de les nommer & de les qualifier. Ce travail demanderoit des organes extrêmement sensibles & délicats. De plus, il arrive tous les jours que l’on est affecté vivement d’une odeur qui n’est qu’agréable pour un autre ; on aime à respirer une fleur qui déplaît à certaines personnes. Cette différence vient de la variété dans l’organe de l’odorat, & il est vrai de dire que l’on ne peut pas plus disputer des odeurs que des goûts. (Voy. le mot Odeur des plantes)

§. II. Airs exhalés par les fleurs. Qui auroit jamais cru que ces fleurs, si jolies à la vue, si douces au toucher, si agréables à l’odorat, si flatteuses, en un mot, pour tous les sens, en même temps qu’elles parfument l’air, le chargent d’un principe malfaisant & quelquefois mortel ? On cite mille traits du danger des exhalaisons de certaines plantes, & les traditions du peuple dans ce genre, auroient dû ouvrir depuis bien longtemps les yeux des savans. Il n’est point de pays où l’on ne raconte des événemens malheureux occasionnés par les exhalaisons des fleurs. On ne peut respirer long-temps l’odeur forte de quelques fleurs, sans éprouver de violens maux de tête, des migraines considérables, des syncopes même & des spasmes, sur-tout, lorsqu’on a le genre nerveux délicat & foible. Nous nous contenterons d’en citer ici quelques exemples, réservant à entrer dans de plus grands détails sur cet objet, au mot Transpiration. On peut lire dans le Journal de physique 1782, tome 21, l’histoire des dangereux effets que les exhalaisons des fleurs du toxicodendron ont constamment produit durant plusieurs années dans un jardin. M. Ingen-Housz dans ses expériences sur les végétaux, parle de morts subites occasionnées par une quantité inconsidérée de fleurs tenues dans une petite chambre à coucher étroitement fermée. Comme ce poison, dit-il, qui n’est redouté que de peu de personnes, se cache souvent sous le parfum le plus délicieux, il a quelquefois fait périr des personnes, dont on a attribué la mort subite à toute autre cause ; il y a eu dans l’été 1779, encore une femme trouvée morte dans son lit à Londres, sans qu’on ait pu attribuer cette fin tragique à une autre cause qu’à une grande quantité de fleurs de lis, qu’elle avoit placées près de son lit dans une petite chambre. Le savant Triller, dans ses ouvrages de médecine, cite la mort d’une jeune fille, qui fut tuée par les exhalaisons d’une grande quantité de fleurs de violettes, placées près de son lit dans un appartement exactement fermé. Comme les exemples frappent plus encore, & ont plus de poids sur le commun des hommes que les raisonnemens, citons encore deux faits certains. Le premier est encore rapporté par M. Ingen-housz : en 1764 une jeune demoiselle couchée avec une servante dans une petite chambre, où étoit une grande quantité de fleurs, s’éveilla au milieu de la nuit dans une grande angoisse & prête à mourir : n’ayant pas la force de sortir de son lit, elle éveilla la servante, qui se trouvoit de même très-malade & en grand danger de mourir. Celle-ci eut cependant encore assez de force pour se lever, & pour mettre les fleurs hors de la chambre, d’ouvrir les fenêtres, de changer l’air, & de se sauver ainsi avec sa compagne du danger qui les menaçoit toutes deux. Le second s’est passé sous mes yeux : une femme de ma connoissance d’une santé assez bonne, quoiqu’un peu délicate, se plaignoit toutes les années de maux de tête violens qui l’affectaient ordinairement trois mois de l’année, mai, juin & juillet. Quelques remèdes qu’elle avoit faits, ne les avoit point dissipés, parce que, ne connoissant point les causes de cette singulière maladie, les médecins qui l’avoient traitée, & qui voyoient qu’à cela près elle jouissoit d’une bonne santé, ne lui avoient donné heureusement que des remèdes légers. Ces maux de têtes n’étoient jamais si violens que le matin ; le soir ils sembloient se dissiper. Au mois de juillet 1782, elle fut à la campagne croyant que l’air pur qu’elle y respireroit, dissiperoit sa maladie ; ce fut dans ces entrefaites que je fus passer quelques jours à sa campagne. Les maux de tête n’étoient point dissipés ; en effet, ils ne pouvoient l’être, puisque la cause qui les produisoit subsistoit toujours, & agissoit, si je puisse dire, avec plus d’énergie. Cette femme avoit l’habitude de garnir sa chambre d’énormes bouquets de fleurs durant ces trois mois, & tous les soirs on effeuillait sur son lit une grande quantité de roses. Est-il étonnant qu’elle ne se réveillât sans mal à la tête. Je l’avertis bientôt du soupçon que j’avois, que ces roses mêmes qu’elle chérissoit tant, qu’elle respiroit le soir avec tant de volupté, étoient la cause directe de ses souffrances. J’eus de la peine à la déterminer à en faire le sacrifice ; on se moqua de cette idée, cependant on le fit, & dès le lendemain plus de mal de tête. Depuis ce temps, on a renoncé absolument aux fleurs & même aux odeurs.

Quelle est donc cette émanation si dangereuse ? Ce n’est pas l’odeur proprement dite, c’est une portion d’air fixe & méphitique (voyez ce mot) que la fleur exhale dès le moment qu’elle s’épanouit. MM. Priestley, Marigues & Ingen-Housz, s’en sont assurés par plusieurs expériences. Il n’est personne qui ne puisse s’en assurer par soi-même ; prenez une assiette dans laquelle vous verserez de l’eau ; placez au milieu un petit support dans lequel on puisse planter une fleur ; mettez-y une rose ou une autre fleur, recouvrez le tout d’une cloche de verre qui plonge dans l’eau ; afin que l’air renfermé ne communique pas avec celui de l’atmosphère. Au bout de quelques heures, l’air de la cloche sera tellement vicié qu’une bougie alumée s’y éteindra, & qu’un animal qui le respireroit en périroit ; caractères qui annoncent la présence de l’air fixe ou méphitique. Avec quel soin ne doit-on pas éviter de renfermer des fleurs très-odoriférantes dans une chambre à coucher, surtout si elle est petite & bien fermée ? Puissent les exemples cités plus haut, n’être pas inutiles, & apprendre qu’une jouissance d’un moment peut avoir des suites très-funestes !

L’air fixe n’est pas le seul que les fleurs exhalent ; quelques espèces, comme la fraxinelle & la capucine, donnent encore de l’air inflammable. Si dans le soir d’un beau jour d’été où il a fait chaud, vous approchez une lumière de l’atmosphère de la fraxinelle, elle s’enflamme bientôt, & imite les flammes légères qui paroissent dans les endroits où les substances végétales & animales entrent en putréfaction & se décomposent. La capucine n’a pas besoin de lumière pour s’enflammer ; la chaleur de l’atmosphère suffit seule. Ce fut Mlle Linné, la fille du fameux botaniste, qui remarqua la première, que la fleur de la capucine jetoit au commencement de la nuit des éclairs qui paroissoient & disparoissoient tout d’un coup.

Il paroît que ces deux espèces d’air sont produites par l’acte de la végétation ; ou séparées de l’air atmosphérique à peu près comme l’air déphlogistiqué ou vital que donnent les feuilles au soleil. Toutes les fleurs fournissent l’air fixe ; mais n’y a-t-il que la fraxinelle & la capucine qui fournissent de l’air inflammable ? Il est à croire qu’elles ne sont pas les seules, & que le hasard & l’observation en feront découvrir d’autres. La nature ne paroît pas faire des exceptions si générales, toutes ses opérations se rapprochent & se ressemblent.

Section VI.

Parti que l’on peut tirer de la Fleur après sa mort.

Le destin de tout ce qui a vie, est de périr & de ne laisser aucune trace après lui : s’il est abandonné à lui-même, une décomposition plus ou moins lente, mais toujours active, vient à bout d’en séparer toutes les parties, de détruire les liens & les rapports qu’elles avoient les unes avec les autres ; il revient bientôt à ses premiers élémens, & un peu de terre est tout ce qui reste de solide de ce qui quelque temps auparavant, réunissoit toutes les perfections & les avantages que la nature a attaché à la vie. La fleur est condamnée au même sort ; un instant la voit se flétrir, tomber & se détruire ; un instant voit disparoître ses vives couleurs, & bientôt la fermentation qui s’établit dans son parenchyme altère sa substance ; plus d’éclat, plus de beauté, plus de parfum. Cependant il est possible d’arracher, pour ainsi dire, la fleur de l’empire de la mort, de lui conserver jusqu’à un certain point, & sa forme élégante & ses belles nuances ; pour l’odeur, il faut y renoncer en général ; l’esprit recteur est si fugace, qu’il est presqu’impossible de le retenir & de le fixer.

L’utilité & l’agrément ont engagé à chercher les moyens de conserver les fleurs, & à leur perpétuer une vie dont elles jouissent si peu. Au mot Herbier, nous donnerons les moyens de les dessécher & de les conserver, pour les classer & en former une espèce de jardin portatif qui puisse offrir en tous temps toutes les plantes avec leurs caractères principaux. Il est possible encore de les conserver avec leur forme & la parfaite symétrie de toutes leurs parties, au point qu’elles paroissent presqu’aussi fraîches que si l’on venoit de les cueillir ; & dans cet état on peut, durant les plus grandes rigueurs de l’hiver, en orner des appartemens, & entretenir, pour ainsi dire, un printemps perpétuel. Réunir l’agrément à l’utilité doit être l’objet de quiconque écrit, & d’après cette vérité, nous allons donner le moyen le plus simple & le plus sûr de conserver les fleurs.

Choisissez du sable assez fin, par exemple, celui connu à Paris sous le nom de sable d’Étampes ; passez-le à un crible assez large pour n’en séparer que les parties grossières, & ensuite à travers un tamis de soie plus serré pour l’avoir bien égal & bien fin ; jettez-le après cela dans l’eau, & lavez-le jusqu’à ce que l’eau qui aura passé dessus en sorte bien nette ; cette opération faite, on enlèvera toutes les parties terreuses & argileuses qu’il pourroit contenir ; on fait ensuite sécher le sable au soleil. Choisissez les plus belles fleurs que vous voudrez conserver ; mettez-les dans des boîtes de carton ou de fer blanc, assez évasées pour qu’on puisse ranger les fleurs avec la main, & assez hautes pour pouvoir surpasser les fleurs de quelques pouces ; remplissez-les de sable jusqu’à la hauteur de la fleur ; puis avec un poudrier faites entrer le sable dans l’intérieur de la fleur & tout autour des pétales, de façon qu’ils ne soient point dérangés de leur position naturelle, que la surface concave soit bien remplie de sable, & la convexe en soit couverte sans y laisser aucun vide. Mettez une couche de sable de cinq à six lignes au-dessus de la fleur ; enfin, couvrez le tout d’un papier percé de petits trous, & exposez ces boîtes à l’ardeur du soleil dans l’été, ou dans une étuve ou un four dont on aura retiré le pain. Au bout de trois ou quatre jours de soleil, retirez les fleurs, & vous les trouverez bien desséchées, & conservant encore presque tout l’éclat de leurs couleurs naturelles. Pour bien réussir, il faut observer trois choses principales, bien choisir & bien préparer le sable, entretenir un degré de chaleur égal & soutenu le plus que l’on peut, & arranger les fleurs dans les boîtes dans la forme la plus naturelle. M. M.