Cours d’agriculture (Rozier)/GENÊT

La bibliothèque libre.
Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 262-271).


GENÊT. On comprend sous cette dénomination plusieurs plantes dont les botanistes ont fait des genres différens. Il n’entre pas dans le plan de cet Ouvrage de faire l’énumération de tous les individus qui composent cette nombreuse famille, mais uniquement de ceux qui ont une utilité réelle ou d’agrément.


Genêt D’Espagne. M. Tournefort le place dans la vingt-deuxième section de la vingt-deuxième classe, qui comprend les arbrisseaux à fleur papilionnacée, (Voyez ce mot) dont les feuilles sont seules ou alternes, ou placées autour des branches, & il l’appelle genista juncea. M. von-Linné le nomme spartium junceum & le classe dans la diadelphie décandrie.

Fleur, en papillon à cinq pétales, l’étendard grand, ovale, en forme de cœur entièrement recourbé ; les ailes ovales, oblongues, beaucoup plus courtes que l’étendard, adhérentes aux filets ; la carenne composée de deux pétales, alongée, plus longue que les ailes ; le calice d’une seule pièce, en tube, coloré & un peu recourbé en arrière.

Fruit. Légume cylindrique, long, à une seule loge à deux valvules, les semences nombreuses en forme de rein ; ce légume est velu.

Feuilles. Peu nombreuses adhérentes à la tige, en forme de lance, arrondies à leur sommet.

Racine, ligneuse, rameuse, pivotante.

Port. Arbrisseau dont les tiges sont droites, les rameaux souvent opposés, toujours cylindriques, imitant les tiges du jonc ; le bois filamenteux, jaunâtre ; les fleurs jaunes très-grandes, odorantes, disposées à l’extrémité & le long des tiges ; les feuilles alternativement placées.

Lieu. L’Espagne, nos provinces méridionales ; fleurit en mai & juin.

Culture. Cet arbrisseau tient une place distinguée dans les bosquets d’été, dans les massifs d’arbrisseaux. Comme il croît naturellement sur les bords des chemins, sur les tertres, dans les lieux incultes, il exige par conséquent peu de soins pour sa culture ; cependant lorsqu’il trouve une bonne terre, il prospère, pousse & s’étend beaucoup. La meilleure manière de se le procurer est par graine, par semis, dans des caisses ; à la fin de l’année, on met en terre les jeunes plantes qui en sont provenues, en observant de ne point casser le pivot, ce qui est très-facile. Ce genêt reprend difficilement, & lorsqu’on le transporte des champs, sur-tout s’il a déjà une certaine grosseur. Après la transplantation, on coupe sa tige à un pouce de terre, afin que l’arbrisseau talle en petites branches. On peut en faire des bordures, des haies, peu élevées ; il suffit chaque année de les tondre comme les buis. Sur les coteaux des montagnes, chargés de ce genêt, on sent une odeur délicieuse au soleil levant.

Cet arbrisseau, étonné de se trouver en bonne terre & d’être précieusement cultivé par les mains d’un amateur, a payé ses soins en donnant des fleurs doubles qui ont conservé autant d’odeur que les fleurs simples ; mais comment perpétuer & multiplier cette heureuse transformation, puisque les fleurs, de simples, devenues véritablement doubles, ne donnent point de graines. La greffer est venue au secours du fleuriste & a perpétué ses jouissances ; elle prend facilement. On connoît encore de cet arbrisseau une espèce naine, à fleur simple & à fleur double.

Propriétés médicinales. Les mêmes que celles du genêt des teinturiers, ont on parlera ci-après.


Genêt Commun ou Genêt à balai. M. von-Linné l’appelle spartium scoparium, & M. Tournefort, cytiso-genista, scoparia vulgaris, flore luteo.

Fleur & Fruit. Les mêmes caractères que le précédent ; les fleurs sont plus petites.

Feuilles, ordinairement trois à trois & quelquefois solitaires surtout à l’extrémité des tiges ; les folioles petites, étroites, ovales ; les solitaires plus alongées.

Racine, ligneuse, rameuse, pivotante.

Port. Arbrisseau à plusieurs tiges, hautes de trois à six pieds, rameuses, grêles, anguleuses, flexibles, sans épines ; les fleurs jaunes & blanches dans une variété, disposées une à une le long des tiges & portées sur des queues courtes ; les feuilles ternées ou solitaires sont alternativement placées le long des tiges.

Lieu. Les terrains secs, sablonneux, les bois, les bords des chemins, les lieux incultes sur les hauteurs.

Culture. Il n’en exige aucune, on peut le multiplier par semence.

On regarde en général cet arbrisseau comme très-inutile pour l’agriculture. Je ne pense pas de même : il est à mon avis très-précieux sur les sols maigres, incultes, & pour empêcher sur-tout que les eaux pluviales n’entraînent le peu de bonne terre qui existe. Sans lui, que seroient la plupart des coteaux à pente rapide ? des rochers secs, arides & décharnés. Ce sont les genêts qui y créent la terre végétale ou humus ; (voyez le dernier Chapitre du mot Culture) ce sont leurs racines qui, entremêlées avec le sol, forment autant de liens ; ce sont ses feuilles, ses graines qui attirent les oiseaux & les insectes dont les excrémens & les dépouilles fournissent la matière graisseuse animale qui doit se combiner avec les principes salins de la terre pour former l’essence savonneuse de la sève. (Voy. les mots Alterner, Amendemens, Engrais). Insensiblement de nouvelles plantes couvriront le sol de la circonférence des genêts, rendront à la terre plus de principes qu’elles n’en auront reçu, & peu à peu lui procureront un certain degré de fertilité.

Je sais que dans plusieurs provinces, lorsqu’on veut mettre en valeur ces terres, après deux, trois, quatre ou cinq ans, on coupe, on arrache les genêts, on en fait des monceaux qu’on recouvre de terre lorsqu’ils sont secs ; enfin le feu les réduit en cendres, & la terre & la cendre sont éparpillées le plus également possible sur le champ. Voilà un écobuage en règle. Je ne répéterai pas ici ce qui a déjà été dit : l’écobuage est plus nuisible que profitable. (Voyez au mot Écobuage cet article essentiel).

J’ai conseillé de retourner plutôt la terre & d’enfouir l’herbe ; on doit pratiquer la même opération pour les genêts. On ne manquera pas d’objecter que cette opération est impossible, puisque la charrue, même la plus forte, ne parviendra jamais à enterrer les rameaux & les pieds des genêts ; enfin, qu’un pareil labour remuerait la terre trop profondément, & par conséquent que la première pluie un peu forte en entraîneroit la majeure partie. Je conviens de la vérité de ces objections très-solides & judicieuses en apparence ; mais il faut faire les observations suivantes.

Dans les champs plats ou peu en pente, rien n’empêche de labourer profondément, & on peut donc enterrer les branches & les débris des genêts. Le tronc & les racines resteront. Voilà du bois de chauffage tout trouvé pour une métairie ou pour les pauvres. On peut encore les faire brûler pour en retirer les cendres, & des cendres, par la lixiviation & par l’évaporation, le sel qu’on vendra aux apothicaires ou aux verreries. Ces labours doivent être donnés avant l’hiver & même en été, pendant un temps humide, afin que la chaleur & l’humidité concourent ensemble à une plus prompte putréfaction des branches, feuilles & débris des genêts ; d’ailleurs la graine de plusieurs plantes aura le temps de germer avant l’hiver, & lorsqu’on labourera ensuite en février, mars ou avril, suivant le climat, cette herbe sera de nouveau enfouie & donnera une nouvelle terre végétale.

Sur les coteaux dont la pente est très-rapide, c’est la plus mauvaise de toutes les spéculations de vouloir les soumettre à la culture du seigle, du blé noir ou sarrasin. On aura, il est vrai, une récolte ou deux, fie la terre disparaîtra pour laisser le rocher à nu. (Voyez le mot Défrichement). Il vaut bien mieux semer du gland, des châtaignes, des graines de farine ou hêtre, du bouleau, &c. en un mot, celle de l’arbre qui réussit le mieux dans le pays. C’est le seul parti que doit prendre un homme sage, un père de famille, enfin un homme qui a le sens commun, sur-tout aujourd’hui que la disette des bois se fait sentir dans presque tout le royaume & où l’on consomme le décuple plus de bois qu’il y a vingt à trente ans.

Cependant, si l’on persiste, malgré ce que je viens de dire, à défricher le genêtières, voici le parti que je prendrois si j’étois dans ce cas. Aussitôt que la graine de genêt seroit mûre, je la recueillerois avec le plus grand soin, & si elle n’étoit pas suffisante, je m’en procurerois des champs voisins. Enfin, j’en semerois complètement le champ après l’avoir labouré. Les labours ordinaires seroient continués pour les semailles du seigle ou du sarrasin. Le seigle germera, sortira plus promptement de sorte que le genêt, & il gagnera le dessus. À la récolte, la faucille coupera les brins du genêt un peu élevés, & le champ une fois nettoyé, le genêt paroîtra de toute part & fera vraiment un champ de genêts bien serrés. À la fin de la seconde ou troisième année, c’est-à-dire, après la maturité des nouvelles & premières graines, on recommencera la même opération, & ainsi de suite. Enfin, on n’attendra pas, chacun suivant son climat, que l’arbrisseau ait acquis une consistance ligneuse, autrement les branches trop fortes gêneroient pour le labourage, seroient mal enterrées & se décomposeroient difficilement. C’est la consistance des branches & du tronc principal qui doit servir de règle pour le défrichement. Par cette méthode, on obtient réellement, par la décomposition de la multiplicité des petites branches herbacées, une masse de terre végétale, & on peut espérer des récoltes passables si les pluies n’entraînent pas cette bonne terre… Je donne ces conseils avec peine, parce que l’avantage résultant de cette pratique d’agriculture ne dédommagera jamais de la perte du terrain qui auroit été conservé par les bois & auroit acquis une valeur réelle, au lieu que l’on perd tout sous l’appas d’un gain médiocre & momentané.

La méthode que je viens d’indiquer peut encore avoir un autre avantage, puisque sans défrichement, au moins de quelques années, elle peut tous les ans donner une récolte abondante de jeunes pousses dont on peut, à l’exemple des pisans, en retirer un très-bon fil, moins bon à la vérité que celui du lin & du chanvre, mais qui ne laisseroit pas cependant de devenir une ressource annuelle dans les pays naturellement pauvres, & tels sont pour l’ordinaire ceux où les genêts fourmillent le plus.

On lit dans le Journal Économique du mois de novembre 1756, un extrait des papiers publics, publiés en Italie, qu’au levant de Pise, au pied du mont Casciana, il y a des sources thermales dont les eaux servent à rouir les jeunes tiges des genêts.

« Sa graine, dit l’auteur, mûrit au mois d’août ; on la recueille alors & l’on sépare les plus beaux brins, après les avoir mondés des petits bourgeons ou brins naissans qui s’y trouvent. Ces brins choisis sont mis au soleil pour sécher, & l’on prend garde que la pluie ne tombe point dessus. Lorsqu’ils sont secs, on en fait des paquets que l’on garde dans un lieu bien couvert ; car on prétend que l’eau pluviale leur ôte leur blancheur. »

» On les fait ensuite rouir ou macérer dans de petites rigoles remplies de l’eau des bains qui est très abondante & que l’on voit fumer lorsque l’air est froid, en se déchargeant dans les canaux ; mais qui en toute saison se conserve long-temps tiède. Le temps où l’on s’occupe à tirer le fil du genêt, est depuis septembre jusqu’en mai. Il ne faut cependant que trois ou quatre jours pour faire rouir les brins qui doivent rester en paquets au fond de l’eau, chargés de deux ou trois cailloux. Le rosissement étant achevé, on tire à fleur d’eau un ou deux brins du paquet ; on les tient de la main gauche, & on a dans la main droite une pierre terminée en biseau : en appuyant le taillant de la pierre sur la pointe des brins, on l’écache & on en divise la partie filamenteuse que l’on sépare ensuite tout-à-fait de la partie ligneuse. On tire cette partie filamenteuse de l’eau & l’on en fait des poignées. »

» On fait sécher cette filasse ; on la bat ensuite avec des espadons comme l’on fait au lin. La poudre cotonneuse qui sort de la poignée lorsqu’on la bat, sert à rembourrer les meubles & les harnois en guise de laine ou de crin dont elle a l’élasticité. L’autre partie de la filasse ayant été passée au peigne, se file au rouet ; ce fil est plus fin & plus souple que celui du chanvre, & pas autant que celui du lin. Il prend aisément la teinture, & sert à tous les usages auxquels les autres fils sont destinés. »

Je ne pense pas qu’il faille absolument le secours des eaux thermales pour le rouissage du genêt ; elles l’accélèrent, j’en conviens, comme la chaleur du soleil sur les eaux stagnantes, accélèrent celui du chanvre. (Voyez ce mot). Ainsi il suffira de laisser plus longtemps le genêt dans l’eau après sa récolte, & dans sa filature les pauvres trouveront une ressource précieuse qui les aidera à vivre & à se procurer les choses nécessaires pendant la durée de l’hiver.

Les communes, les montagnes chargées de genêt à balai, ouvrent une petite branche de commerce. Il faut des balais dans les villes, ils y sont peu chers, mais ils ne coûtent rien à ceux qui les fabriquent, & la charge d’un âne nourrit une pauvre famille pendant plusieurs jours.

Dans le pays à genêt la paille est peu abondante, & sert à la nourriture du bétail. Sans le genêt, avec quoi feroit-on la litière ? Il s’imbibe d’urine, fermente avec le fumier, & conserve l’engrais dans les champs sur lesquels on le voiture.

Si les engrais sont peu abondans, & ne suffisent pas au besoin, & si le genêt est très-commun, on fera un lit de cette plante, un lit de terre, & ainsi de suite jusqu’à ce qu’il y ait un ou plusieurs gros monceaux. Alors on en garnit toute la circonférence avec de la terre que l’on bat avec force & plusieurs reprises, ainsi que le dessus, afin que le tout forme une seule & même masse impénétrable à la pluie. Ces monceaux peuvent rester ainsi pendant deux ans, & les ouvriers prennent, pour les faire, les jours qu’ils ne peuvent travailler aux champs, car à la campagne la première économie est de ne jamais perdre le temps.

Ce genêt fournit encore une ressource utile. Dans les cantons où l’on donne à la vigne des échalas, il sert à lier le sep & les sarmens. Il suffit de le mettre tremper dans l’eau pendant quelques heures, afin de lui rendre son élasticité. Cette espèce de genêt ne mérite donc pas le mépris qu’on a pour elle.


Genêt Des Teinturiers. M. von-Linné le nomme genista tinctoria, & M. Tournefort ajoute l’épithète de germanica, sans doute parce qu’il est commun en Allemagne, quoiqu’il le soit également en France.

Fleur, en papillon, l’étendard ovale, aigu, éloigné de la carène, totalement réfléchi ; les ailes oblongues, lâches, plus courtes que les autres parties ; la carène droite, échancrée, plus longue que l’étendard ; le calice d’une seule pièce est presque divisé en deux lèvres.

Fruit. Légume presque rond, renflé, à une seule loge, les semences souvent en forme de rein.

Feuilles simples, entières, en forme de lance & sans pétiole.

Racine, ligneuse.

Port. Arbrisseau qui s’élève moins que les deux précédens ; les rameaux sans épines, cannelés, cylindriques & droits ; les fleurs jaunes disposées en espèce d’épi au sommet des rameaux ; au-dessous des fleurs on trouve des feuilles florales ; les feuilles sont alternativement placées sur les tiges.

Lieu. Les terres sablonneuses, arides & incultes ; fleurit en avril, mai, suivant les climats.

Culture. Il n’en exige aucune. On le multiplie par semences.

Propriétés économiques. On cueille les sommités fleuries, & les teinturiers s’en servent pour faire la couleur jaune.

Propriétés médicinales. M. Vitet dans sa Pharmacopée de Lyon, s’exprime ainsi : les fleurs & principalement les feuilles font couler les urines avec plus de promptitude, & rarement en plus grande quantité ; elles entraînent quelquefois de petits graviers, encore doit-on l’attribuer plutôt à l’abondance de la boisson, qu’à l’effet du remède : elles n’ont jamais détruit les tumeurs dures & plus ou moins sensibles du foie & de la rate, ni du mésentère. Elles ne sont en général d’aucune utilité dans toutes les espèces d’hydropisie. Il n’en est pas ainsi de la lessive spiritueuse des cendres du genêt. Elle excite abondamment le cours des urines, favorise la curation du gonflement du foie & de la rate ; elle convient dans l’ascite par rétention d’humeur excrétoire, l’ascite par obstruction du foie, par obstruction de la rate, dans l’hydropisie de matrice, l’œdème des jambes, l’anazarque & le rhumatisme par humeurs séreuses. Lorsque la lessive des cendres de genêt n’agit pas avec succès sur les voies urinaires, elle semble accroître les symptômes de l’hydropisie, augmenter la soif du malade, diminuer les forces vitales. Elle a cela de commun avec celle des cendres des végétaux, qui donnent par la combustion beaucoup d’alcali fixe. (Voyez ce mot).

On donne les fleurs sèches depuis demi-drachme jusqu’à demi-once en infusion dans six onces d’eau. Les feuilles sèches depuis deux drachmes jusqu’à une once, en infusion dans huit onces d’eau.

Le vin de genêt ou lessive spiritueuse se prépare ainsi. On prend tiges & feuilles de genêt qu’on fait brûler, & dont on ramasse les cendres pour les employer sur le champ, depuis une once jusqu’à trois onces, en macération au bain-marie, avec une livre de vin généreux. On filtre ensuite, & on fait prendre ce vin par verrées pendant l’espace d’un à trois jours, suivant le tempérament & l’espèce de maladie. On donne aux animaux la décoction des feuilles ou des fleurs, à deux poignées sur une livre & demie d’eau. La décoction des semences est purgative & émétique, & il vaut mieux ne pas s’en servir.


Genêt épineux ou jonc marin ou ajonc, lande en Bretagne, brusque en Provence, appelé par M. von-Linné ulex europæus, & par M. Tournefort, genista spartium majus, aculeis brevioribus & longioribus. Il est pour tous les deux auteurs de la même classe que les précédens.

Fleur, en papillon & à cinq pétales ; l’étendard très-grand, en forme de cœur, tronqué, étendu sur les ailes ; les ailes oblongues, obtuses, plus courtes que l’étendard ; la carène droite, obtuse ; le calice composé de deux folioles ovales, colorées & égales.

Fruit. Légume renflé, assez court & presqu’entièrement couvert par le calice. Il contient des semences obrondes & tronquées.

Feuilles, petites, étroites, velues, : aiguës, sans queue ou pétiole.

Racine, rameuse, ligneuse.

Port. Arbrisseau dont les tiges sont droites & épineuses, dont les épines sont garnies d’autres épines petites & latérales ; les rameaux terminés par des aiguillons très-piquans ; les fleurs solitaires ou rassemblées au bout des rameaux, portées sur des péduncules garnis de feuilles florales ; les feuilles sont éparses sur les tiges.

Lieu. La majeure partie des provinces de France, dans les lieux incultes & sablonneux ; fleurit en mai & juin.

Propriétés médicales. On lui suppose les mêmes que celles des genêts dont on vient de parler, ce qui demande confirmation.

Propriétés économiques. Cet arbrisseau mérite qu’on s’en occupe, sur-tout dans les pays où le sol est pauvre, sablonneux & inculte. De ses racines pullulent des tiges sans nombre ; ces racines gagnent insensiblement du terrain, & parviennent à couvrir de très-grands espaces. Voilà donc les premiers matériaux de la sève tous trouvés si on suit ce qui a déjà été dit en parlant du genêt à balai. Ainsi que lui & mieux que lui il fournit d’excellentes bourrées pour chauffer le four, & dans le besoin, du petit bois pour l’usage du ménage.

Cependant on a un grand reproche à lui faire à cause de la difficulté qu’on a à détruire ces racines éparses dans le terrain dont il s’est emparé. Si on met le feu aux tiges, la chaleur ne pénètre pas dans la terre, & ne détruit pas les racines, au contraire, elles poussent ensuite avec plus de force. Il faut donc travailler le sol comme celui qui est occupé par le chiendent, c’est-à-dire, détruire & enlever toutes les racines. Cette opération doit être faite avant la maturité de la graine. Dans plusieurs provinces, par exemple, dans les landes de Bretagne, dans le Poitou, &c., on cultive le genêt épineux pour fourrage ; ce qui suppose un pays bien pauvre en pâturages, puisqu’on est réduit à employer cette ressource, bonne en elle-même, quand on n’en a pas d’autres. Son grand avantage est de fournir du fourrage vert en hiver, lorsque les bestiaux n’en trouvent pas d’autre, & dans les années sèches où il est rare.

Les terrains sablonneux & gras lui conviennent mieux que toutes les autres terres ; & ses jets sont en raison de la bonté du sol qui se rapproche le plus de cet état. On défonce pendant l’été, & par plusieurs coups de charrue, la portion de terre destinée au genêt épineux, & on en sème la graine en automne ou à la sortie de l’hiver. La première méthode est préférable, & on peut jeter en terre la semence dès que la graine est mûre, afin d’avoir des brins plus forts en décembre. Un coup de herse nivelle la terre, & toute la culture se réduit à ces travaux. On fera bien cependant dans les premiers mois de sarcler les mauvaises herbes capables de nuire aux plantes, & le genêt par la suite n’en souffrira plus auprès de lui ; il les étouffera. La première coupe se fait en décembre, après l’hiver, & de temps à autre ; mais il faut avoir grande attention de ne la laisser pas fleurir & encore moins grainer, parce qu’alors ses épines seroient trop roides, trop piquantes.

Quoique les brins soient coupés lorsqu’ils sont tendres, les épines, par leur position, affecteroient & blesseroient le palais de l’animal. Afin de prévenir cet inconvénient, on tord les brins, paquets par paquets, & on les donne aussitôt à l’animal. Quelques-uns étendent les brins sur terre, & passent par-dessus des rouleaux de pierre assez pesans pour un peu aplatir le tout. Cette nourriture est très-bonne. Il faut avoir grand soin que les troupeaux n’entrent jamais dans le champ, ils nuiroient beaucoup à la coupe qu’on doit faire.

Lorsqu’on voit que cette prairie artificielle commence à ne plus produire que de foibles brins & en petite quantité, c’est le cas de la défricher complètement, & on peut espérer plusieurs récoltes consécutives en seigle ou autres grains. Le même champ peut ensuite être couvert avec du genêt.

Pour récolter la graine on attend qu’elle soit mûre, alors on coupe les sommités des branches où elle est adhérente, on les porte en paquets sous des hangars, & quand elles sont bien sèches, on les bat avec le fléau, on les vanne & on les conserve dans un lieu sec, si on ne doit pas les semer tout de suite. Voilà comme le besoin est devenu le précepteur de l’industrie.

L’ajonc fournit la plus sûre des clôtures, & une haie de ce genre est impénétrable aux hommes comme aux animaux. La transplantation est inutile, il faut absolument avoir recours aux semis sur le lieu même. On commence par fixer sur la lande qu’on veut défricher, ou autour du champ qu’on se propose d’enclore, l’emplacement que doit occuper la haie. On laboure ensuite avant l’hiver, si on veut semer après cette saison ; ou en été, si on doit semer en octobre, ce qui dépend du climat. On répète un second labour avant de semer, & on herse après avoir semé. Si le pays est peuplé de troupeaux, il est d’une nécessité indispensable de placer une haie morte faite avec des ronces ou telles autres broussailles, des deux côtés du sol labouré, de manière que le troupeau ne puisse pas brouter l’ajonc ; car s’il est brouté il tallera & ne s’élèvera pas. À la seconde année toute espèce de soins est inutile ; ses épines roides & multipliées suffisent pour défendre la haie contre la dent de toute espèce d’animal, & on est dès-lors tranquille sur les productions du champ. Ces haies sont fort communes en Angleterre, & M. Dupuis d’Emporte, traducteur du Gentilhomme cultivateur, publié en anglois par M. Hall, dit qu’on voit dans ce royaume des endroits où les haies de genêt épineux ont 30 à 40 pieds d’épaisseur, & de 16 à 20 pieds de hauteur. Je ne conçois guère la nécessité de cette épaisseur démesurée qui fait perdre beaucoup de terrain ; passe encore si cet ajonc fournissoit du fourrage ; mais dans cet état de haie, il est trop dur, trop coriace, trop piquant. Quant à la hauteur, elle est utile contre les coups de vent. Je ne connois point ces haies d’Angleterre : leur hauteur dépend-elle de l’atmosphère presque toujours humide & vaporeuse de cette île, ou de la qualité du sol ? Je n’ai jamais vu dans nos provinces des ajoncs plus élevés que cinq à six pieds.

« L’auteur anglois dit qu’on doit rarement élaguer une haie de genêt. Si on veut resserrer la haie, on ne doit pas couper les bourgeons trop près de l’ancien bois, car ils ne repousseroient pas ; de sorte qu’il faut, quand cette opération est nécessaire, se contenter de les étêter. Il est encore nécessaire de choisir la saison : le genêt est tendre & périt facilement, si l’on coupe ses branches dans un temps froid ; (ce qui s’accorde peu avec la pratique de Bretagne, du Poitou, &c.) C’est pourquoi tout bon cultivateur prend garde d’élaguer ces sortes de haies trop tard en automne, ou trop tôt au printemps, de peur des gelées fréquentes à l’ouverture de ces deux saisons ».

« Si, de même, on élague le genêt dans un temps de sécheresse, il en résulte les mêmes inconvéniens. Le vent sec perce & pénètre dans la partie coupée, la dessèche, arrête la sève, & par conséquent suspend l’accroissement du bourgeon. On doit choisir de préférence pour l’élagage le milieu d’avril, parce que la saison est alors décidée. »

Ce qu’il y a de certain, c’est que le genêt épineux, de quelque manière qu’il soit employé sur les mauvaises terres, parvient à la longue à les fertiliser, ou du moins à les rendre utiles. J’en ai la preuve dans la relation du célèbre & infortuné capitaine Cook, en parlant de Sainte-Hélène. « On nous a dit que dans cette île on peut nourrir 3000 têtes de bétail, quoique l’herbe n’y revienne pas pendant l’hiver, & qu’il faut réserver certains cantons pendant cette saison de l’année. On a planté ici le genêt épineux ordinaire que les fermiers d’Angleterre ont si grand soin d’arracher, & à présent il remplit tous les pâturages. Les habitans ont trouvé le moyen de tirer avantage d’un arbrisseau qui passe en Europe pour inutile, & même pour pernicieux. L’aspect du pays n’a pas toujours été aussi agréable qu’il l’est à présent : le terrain étoit brûlé par la chaleur excessive, & toutes les espèces de grumes & d’herbages se ridoient. La plantation des buissons de genêt, qui croissent en dépit du soleil, conserve un certain degré d’humidité dans le sol. L’herbe commence à pousser à leur ombre, & peu à peu elle revêt tout le pays d’un joli gazon : maintenant qu’il n’a plus besoin du genêt épineux, les insulaires le déracinent & le brûlent. »

Qui ne reconnoît pas dans cet exemple la sage prévoyance des hollandois ? qui n’admire pas leur patience ? Entre les mains des françois, cette île seroit restée déserte.