Cours d’agriculture (Rozier)/HYDATIDES

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Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 590-591).


HYDATIDES, Médecine Vétérinaire. On ne peut douter que l’abondance de l’eau prise en boisson, ou avec les herbes mouillées, ou d’une consistance trop aqueuse, ne soit contraire au tempérament des bêtes à laine, & la cause de la plupart de leurs maladies. On reconnoît sensiblement les effets de cette cause dans les hydatides ou vésicules pleines d’eau, qui sont très-fréquentes dans les animaux. Elles adhèrent à différentes parties du corps ; l’ouverture des cadavres en a fait voir constamment dans la tête au milieu du cerveau, où elles grossissent au point de le comprimer & de le rapetisser beaucoup. On en a vu encore qui occupoient les trois quarts de la capacité du crâne, & qui avoient causé la mort de l’animal, après l’avoir fait languir pendant très-long-temps. Ces hydatides percent quelquefois la peau, & y sont adhérentes entre les flocons de la laine. Pour remplie ces vésicules, il faut que la sérosité du sang soit tellement abondante & épanchée, qu’elle forme des dépôts, tant au dehors qu’au dedans du corps.

Les hydatides qui se forment dans le cerveau, se manifestent plus sensiblement que toutes les autres, par l’espèce de vertige (voyez ce mot) des animaux, sur-tout s’ils tournent souvent la tête du même côté ; ce signe est encore équivoque, puisque la même chose arrive, lorsque la mouche du sinus frontal y a déposé ses œufs, & dans quelques autres cas ; (voyez Maladies vermineuses, Vers) ; mais on a lieu de le présumer, au son particulier que peut rendre la tête lorsqu’on la frappe, à la continuité des symptômes, à la saison, qui peut n’être pas celle de la ponte des œufs de mouche, à la mortalité qui peut être générale dans un troupeau, à d’autres hydatides qui peuvent exister ailleurs, & enfin à l’inspection du cerveau.

Celles qui sont formées dans les viscères du bas-ventre, ne peuvent être ordinairement connues par aucun moyen, & on ne les soupçonne que lorsqu’elles se compliquent avec d’autres symptômes de la pourriture, (voyez Pourriture), dont elles sont un indice certain, & par d’autres hydatides qu’on apperçoit quelquefois sous l’épiderme en forme de cloche, dans la bouche, la gorge, &c.

Celles du poumon sont toujours marquées par une petite oppression ou difficulté de respirer, qu’on remarque, sur-tout, après que l’animal a fait quelque course. En général, les saisons où l’on remarque le plus d’hydatides, sont l’automne & l’hiver.

Si les hydatides n’occupent que la superficie du cerveau, ce dont on ne peut se convaincre que par l’ouverture du crâne, le mal est quelquefois guérissable par l’évacuation seule du fluide épanché ; mais si elles sont plus profondes, placées dans les ventricules de ce viscère, ce dont on juge par la continuité des symptômes après l’évacuation, alors il est incurable.

Columelle conseille, pour y remédier dans les commencemens, de percer l’oreille de la bête, & d’y passer en travers un brin de la tige de la plante qu’il appelle consiligo, & qui est notre ellébore. On l’y retient, au moyen d’un fil ; l’écoulement qui s’y fait préserve quelquefois l’animal d’un épanchement de sérosités dans le cerveau ; mais lorsqu’il est formé, & que le fluide ne peut se faire jour, ni par les oreilles, ni par les naseaux, il faut faire l’ouverture du crâne. Cette opération, pratiquée de temps immémorial en Suisse & en Allemagne, se fait par une couronne de trépan, soit au moyen d’une vrille, soit par une force mécanique quelconque. Wepfer parle de cette opération, dont il a été le témoin oculaire chez les suisses. Il dit qu’avant de la faire, les paysans sont dans l’usage de frapper avec un marteau sur la tête de l’animal, derrière les cornes ; si le coup résonne, & fait juger, à la nature du son, qu’il y a un vide, ils ouvrent à cet endroit. Il assure qu’en facilitant l’évacuation du fluide épanché, on en a guéri plusieurs, lorsque l’hydatide n’est que superficielle ; mais lorsqu’elle est dans la substance du cerveau, on livre la bête au boucher.

Nous approuvons volontiers cette opération ; pour la faire, il faut se décider toujours du côté où l’animal tourne le plus souvent la tête, & où l’on soupçonne le vide, ou plutôt l’épanchement. Alors, après avoir fait une incision cruciale & écarté les tégumens & les chairs, on ratisse le périoste pour mettre l’os à découvert, & on y applique, ou une grosse vrille, ou une couronne de trépan assez grande, (voyez la description de cet instrument à l’article Ver, Maladies vermineuses), pour donner la facilité de saisir l’hydatide, qu’on doit toujours enlever entièrement, après en avoir évacué le fluide en renversant la tête de l’animal. L’opération faite, on injecte avec une petite seringue un peu d’eau-de-vie, on bouche le trou avec un bourdonnet à tête, fait de plusieurs brins d’étoupes ; on rabat ensuite les lambeaux sur la tête du bourdonnet, & on couvre le tout d’un emplâtre fait d’un morceau de toile & de poix noire ; c’est-à-dire, que l’on trempe la toile dans la poix noire fondue, après quoi, on l’applique sur la plaie des tégumens ; la poix, en se refroidissant y colle la toile. On se contente le plus souvent du seul bourdonnet ; mais l’emplâtre dont il s’agit, est très-essentiel. Le mal revient quelquefois, malgré l’opération ; dans ce cas, il faut tuer la bête.

Quant aux remèdes à employer contre les hydatides du poumon, des intestins, (voyez les mots Hydropisie des moutons, Pourriture). M, T.