Cours d’agriculture (Rozier)/LAPIN (supplément)

La bibliothèque libre.


LAPIN, (Addition aux art. Clapier, Garde-chasse, Garenne et Lapereau, du Cours.) Jamais imprécations ne furent versées avec autant de violence et de profusion que celles dont M. Rozier accabla les lapins. A l’entendre, les ravages des loups ne sont que bagatelles en comparaison du mal que cause cette espèce, et la grêle seule est un fléau plus à redouter dans les campagnes. Son vœu le plus ardent est de voir détruire tous ces animaux, et il s’indigne de ce que leur anéantissement n’est pas généralement résolu. Rozier a vécu assez long-temps pour que ses désirs fussent accomplis sous ses yeux mêmes, au moins dans sa patrie ; son zèle, dont l’expression brûlante n’avoit obtenu aucun succès pendant plusieurs années, triompha tout à coup, et les lapins furent exterminés en France à l’époque de la révolution, c’est-à-dire au moment où l’exagération s’empara des esprits en effervescence, et les entraîna dans une multitude d’excès.

C’étoit, sans doute, une idée exagérée qu’une provocation véhémente à l’anéantissement brusque et total d’une espèce dont la trop grande multiplication seroit, à la vérité, funeste à l’agriculture, mais qui, maintenue dans de justes bornes, présente plus d’un genre d’utilité ; et lorsque la licence s’empara de quelques indications inconsidérées, échappées à des hommes à vues saines et louables, mais, en pareil cas, trop bornées et irréfléchies, certes elle n’a aucun droit à nos éloges. Le bien général n’étoit ni son but, ni son guide ; et la fougue qui l’anima dès qu’elle ne connut plus de frein, n’étoit que l’emportement de la cupidité et d’une vengeance sans motif.

L’économie publique se compose de diverses branches, parmi lesquelles, dans une contrée telle que la France, l’agriculture doit, sans contredit, occuper le premier rang : comme le plus ancien et le plus indispensable des arts, elle a des droits incontestables aux encouragemens du Gouvernement, aux efforts et à l’industrie des particuliers ; elle commande même des sacrifices ; mais sa prospérité ne dépend pas absolument d’une foule de privations que s’imposeraient les habitans d’un pays, sans grand profit pour elle, et au détriment de leur aisance personnelle et de la richesse commune. L’abondance des subsistances, l’intérêt du commerce et des manufactures sont aussi des objets qui réclament l’attention générale ; et si une foule de considérations puissantes place l’agriculture fort au dessus de tous, leur ruine ou leur langueur ne doit pas être l’effet de la préférence qu’on lui accorde à juste titre. De même que la nature a voulu que dans l’immensité de ses œuvres, un équilibre admirable maintint les espèces au milieu des causes multipliées de leur destruction, et ne leur permit pas que l’une périsse pour le bien-être d’une autre, ainsi l’homme qui s’est rendu, en quelque sorte, l’émule de la nature, par la création des arts, ne favorise pas l’un aux dépens des autres, règle leurs progrès suivant leur utilité, accorde la prééminence à ceux que son intérêt lui désigne, mais n’en abandonne aucun, et établit entr’eux une sorte d’harmonie qui fait la richesse et la splendeur des nations civilisées.

Pour ne pas sortir du sujet de cet article, il me suffira de démontrer en peu de mots, que notre économie publique a perdu à la destruction des lapins, sans que l’agriculture ait beaucoup gagné. Il y a environ deux ans que j’eus à écrire sur le même objet ; l’extrait de ce travail, qui n’est que l’exposition de faits avérés, doit naturellement trouver place ici.

« L’espèce du lapin a pour nous le double avantage du nombre et de l’utilité ; c’est un bon aliment pour l’homme, et les arts et le commerce en retirent un très-grand produit. L’on sait que le poil des lapins est la principale matière de la fabrication des chapeaux ; l’on évaluoit à quinze ou vingt millions le prix annuel des peaux de lapins que les chapeliers de France consommoient avant la révolution. Il entre huit onces de poil dans la fabrication d’un chapeau. Lyon et Paris sont les deux plus fortes manufactures de ce genre ; et les chapeaux que l’on y faisoit de cette matière produisoient environ cinquante millions. La bonneterie l’emploie aussi en assez grande quantité ; les gants et les bas qui en sont faits ont un tissu léger, fin et moelleux. Ce poil entre encore dans les manufactures de draps, et les mêmes peaux qui donnent des fourrures fort chaudes servent, lorsqu’on en a arraché le poil, à faire d’excellente colle, qui a de la finesse, de la légèreté, de la transparence, beaucoup de ténacité, et qui sert, sous toutes sortes de formes, dans plusieurs ateliers. L’on peut assurer que la multiplication des lapins est vraiment une richesse nationale, et leur quantité entretient celle des subsistances. Tous ces avantages ont été per » dus par la destruction générale et inconsidérée des lapins. L’on n’a pas songé que, pendant des siècles, l’abondance avoit souri à nos campagnes, quoiqu’il y eût des lapins dans nos forêts ; que le gibier rend en chair et en dépouille ce qu’il consomme en plantes champêtres ; que sa propagation favorise celle des animaux domestiques, dont elle ménage la consommation ; qu’en privant l’industrie des matières qu’elle emploie, l’on en diminuoit les travaux ; qu’enfin, l’achat de ces matières indispensables à nos manufactures, et qui se trouvoient abondamment dans notre propre pays, faisoit passer à l’étranger des sommes considérables. — Faux calculs de l’imprévoyance, et suites funestes de trop brusques innovations ! Le mal est assez pressant pour que l’on s’occupe de le réparer ; le temps de la destruction n’a que trop duré ; quelque profondes que soient les traces de ses ravages, un zèle éclairé les aura bientôt comblées, et la France verra renaître une branche importante de prospérité publique et d’aisance particulière, pour laquelle des fautes graves en économie générale, l’ont rendue tributaire de l’étranger. Il est même possible que l’agriculture n’ait rien à redouter de la grande multiplication qu’il est indispensable d’introduire de nouveau dans l’espèce des lapins, si l’on forme des garennes qui, par leur isolement ou des barrières, ne permettent pas à ces animaux de se répandre dans les campagnes. Ces garennes offrent le moyen le plus sûr de tirer un fort bon parti des plus mauvais terrains ; les Anglais ne manquent guères d’en établir dans les endroits montueux et stériles de leurs possessions. Un de leurs meilleurs écrivains en économie rurale, a calculé qu’une garenne de dix-huit cents acres rapporte jusqu’à trois cents livres sterling, ou 7 200 l. tournois de revenu ; tandis que le sol, quelle que soit la culture que l’on y introduisît, produiroit à peine un sohelling, ou vingt-quatre sous par acre. L’on cite encore une garenne du comté d’Yorck, où l’on prend, dans une nuit, cinq à six cents paires de lapins, et celle de l'évêque de Derry, en Irlande, de laquelle il retire plus de douze mille peaux de lapins par année. Les Anglais emploient le poil des lapins gris dans les manufactures de chapeaux ; celui des blancs et des noirs est envoyé aux Indes orientales, et le prix moyen de ces peaux est d’un schelling la pièce. La douzaine de peaux de lapins, tués en bonne saison, c’est-à-dire pendant l’hiver, se vend sur le pied de six à sept francs, en poil gris ou commun, sept à huit francs en poil noir ou en poil blanc, et vingt-quatre francs en poil argenté. La peau d’un bœuf de force commune, vaut environ un vingtième du corps entier ; celle d’un mouton en laine, vaut entre un sixième et un dixième, suivant l’espèce ; mais la peau d’un lapin vaut le double du corps ; car son corps ou la chair indemnisant de sa nourriture et des soins qu’on lui donne, la valeur de la peau est en gain : c’est donc une espèce de capital qui donne près de trois fois sa valeur, et trois fois autant, proportion gardée, qu’un bœuf ou un mouton. » (Nouveau Dictionnaire d’Histoire naturelle, article Lapin.)

Fidèle à ses principes, Rozier n’a enseigné qu’à détruire les lapins ; je parlerai des moyens de les conserver et de les multiplier. Si, mon opinion se trouve, sur ce point d’économie publique, absolument opposée à celle d’un écrivain célèbre, je partage le sentiment d’un auteur plus célèbre encore, que l’agriculture française considère, avec raison, comme son patriarche et son oracle ; d’Olivier de Serres, dont l’ouvrage immortel du Théâtre d’Agriculture, renferme un long chapitre consacré aux soins qu’exigent les garennes et les lapins.

Je m’abstiendrai néanmoins de m’étendre autant qu’Olivier de Serres, au sujet des garennes libres, les seules dont l’agriculture puisse éprouver des dommages. Quoiqu’il ne soit pas impossible de restreindre la propagation des lapins livrés à la nature et à la liberté, au point de rendre peu sensibles les dégâts qu’ils peuvent occasionner dans les forêts et les campagnes ; quoique j’aie vu de très-beaux bois dans lesquels les lapins étoient communs, je conviendrai que les garennes non closes sont, généralement parlant, funestes aux moissons, aux arbres et même aux vignes, à moins qu’on ne les place dans les landes, les bruyères, sur les montagnes ombragées et dont le sol se compose de roches et de sable, au milieu des dunes de la mer, et par-tout où la culture ne peut fixer la fertilité. Ces terrains ingrats, perdus pour l’agriculture et pour leurs propriétaires, offriroient des produits abondans si on les couvroit de lapins ; c’est ainsi que plusieurs cantons de la Hollande et de l’Irlande, qui sembloient sacrifiés à une éternelle aridité, sont devenus une source de richesses.

Les calculs que fait Rozier pour tâcher de prouver que les garennes ouvertes sont d’un mince produit, manquent d’exactitude ; il les repète aux mots Clapier et Garenne du Cours, en rapportant, dans ces deux articles, un des traits nombreux qui font honorer la mémoire de M. le cardinal de la Rochefoucauld, archevêque de Rouen. Cette répétition avoit déjà frappé M. Luneau de Boisjermain, auteur d’un Traité sur l’Éducation des Lapins, ou de l’art de les loger dans des garennes domestiques, de les nourrir et multiplier, de soigner leurs petits, d’améliorer leurs races, et de les rendre aussi bons et aussi agréables à manger que les lapins de garenne. Paris an 7, ou 1799 ; et il s’est chargé, avant moi, de la réfutation d’un paradoxe qui, sous la plume de Rozier, ne peut manquer d’obtenir beaucoup d’influence sur l’opinion, et de détourner d’une branche d’industrie aussi agréable que lucrative.

« Le Dictionnaire d’Agriculture de l’abbé Rozier, dit M. Luneaude Boisjermain, répète, aux mots Clapier et Garenne, que le cardinal de la Rochefoucauld avoit une garenne auprès de Gaillon, affermée 13.000 liv., et que ce prélat l’ayant fait détruire pour faire cesser les clameurs de tous les cultivateurs qui l’entouroient, l’année de cette destruction, la dîme qu’on payoit au cardinal augmenta de 1000 liv.

» L’auteur conclut de ce fait, que je n’ai aucun intérêt de lui contester, que la pâture des lapins de cette garenne enlevoit aux cultivateurs 9000 livres de leur récolte, puisqu’au moment où les lapins ont cessé de pâturer, les champs, qui leur étoient abandonnés, ont produit une dîme de 1000 livres, dixième de 10.000 liv.

» L’auteur de ce Dictionnaire auroit dû faire, sur le fait qu’il annonce, les observations suivantes :

» Pendant que la garenne du cardinal de la Rochefoucauld a existé, il a eu un revenu de 13.000 liv. produit par-elle ; ce revenu lui étoit payé par les fermiers qui affermoient ce droit.

» À l’instant où la garenne a été détruite, le cardinal de la Rochefoucauld n’a plus retiré de ce fonds 13.000 liv. de revenu, mais 1000 liv., payées en dîmes levées sur le terrain soumis auparavant au droit de garenne.

» Selon le calcul de l’abbé Rozier, les cultivateurs qui entouroient la garenne du cardinal de la Rochefoucauld » ont augmenté leur revenu de 9000 livres, réparties entr’eux ; ils ont diminué celui du cardinal de 12.000 liv. de rente.

» Ainsi, en détruisant sa garenne de Gaillon, le cardinal de la Rochefoucauld a échangé 13.000 livres de revenu produit par la garenne contre 1000 liv. de revenu produit par une dîme recueillie sur la terre où il exerçoit un droit de garenne très-lucratif. Le cardinal s’est dépouillé de 12.000 l. de revenu. Il a fait présent aux cultivateurs qui entouroient sa garenne, d’un revenu de 9000 liv. réparti entre eux, et produit par la récolte qu’ils ont levée, et qui n’a point été mangée par les lapins.

» Dans ce calcul, il y a eu 3000 liv. de revenu de perdues pour toutes les parties, puisque 13.000 liv. de revenu en chair de lapin ont été remplacées par 10.000 liv. en grains récoltés.

» La partie des subsistances en France a fait une perte plus considérable.

» Le fermier de a garenne, qui payoit 13.000 liv. au cardinal de la Rochefoucauld, en retiroit au moins 18.000 liv.

» La destruction de cette garenne a privé le château de Gaillon de ces 18.000 liv. en écus, produites par la vente de la chair des lapins ; 13.000 l étoient données au cardinal, et 5000 l. retenues par le fermier, ou perçues par ceux qu'il employoit à faire valoir la ferme de la garenne[1].

» En échange de cette quantité de chair de lapin, qu’on n’a plus ramassée dans cette garenne, des cultivateurs ont fait une récolte en grains de 10.000 liv., partagées entr’eux et le cardinal. Il y a eu un déficit de 8000 l.

» Dix-huit mille livres d’argent ont dû être produites par la vente de 20.000 lapins. Cette garenne fournissoit, aux travaux de l’industrie, 20.000 peaux de lapins.

» Ceux qui achetoient les lapins et qui les consommoient retiroient de la vente de ces peaux, à 5 sous l’une dans l’autre, 5000 liv.

» Les lapins de la garenne de Gaillon fournissoient donc, par an, aux travaux de l’industrie, pour 5000 liv. de peaux de lapins et de poil, et pour 13.000 liv. de chair bonne à manger. »

Il n’est pas inutile de remarquer que les lapins abandonnés à eux-mêmes, dans les lieux ouverts, pouvant vivre et courir à leur gré, respirant l’air de la liberté et n’éprouvant aucune gêne, donnent un aliment plus délicat et plus sain que ceux que l’on renferme dans des enclos où leurs mouvemens sont contraints. Ces lapins, entièrement sauvages, ont plus de vivacité et d’agilité que les autres ; la physionomie plus éveillée, le corps moins épais, la tête moins grosse, plus allongée et presque ronde ; on les distingue encore des lapins de clapier, à leur poil moins fourni et plus roux, à leurs ongles plus forts et plus pointus, et sur-tout à la teinte rousse du dessous de leurs pieds ; les marchands de gibier savent donner cette teinte aux pieds des lapins domestiques, en faisant roussir le poil au feu ; mais il est aisé de reconnoître cette petite fraude, soit par l’odeur de brûlé, soit par la facilité d’effacer la tache artificielle, en la lavant avec de l’eau.

On peut espérer de mettre les arbres fruitiers à l’abri de la dent rongeante du lapin et du lièvre, en plaçant au pied de ces arbres de la suie, qui sert en même temps d’engrais et de défense. La suie qui résulte des opérations chimiques est préférable à celle des cheminées ordinaires, parce qu’étant plus pesante, les vents ne l’enlèvent point, et que son odeur est plus forte et plus durable. Olivier de Serres indique un moyen en usage de son temps, et qu’il est bon de rappeler, pour mettre des bornes aux courses dévastatrices des lapins sauvages, et en préserver les champs, les vergers et principalement les vignes, dont les bourgeons sont fort de leur goût. L’on avoit observé que l’odeur du soufre allumé les fait fuir, et l’on formoit avec un saule ou tout autre bois qui s’enflamme aisément, de petits échalas que l’on fichoit en terre d’un bout, et que l’on trempoit de l’autre dans le soufre comme les allumettes. Ces bâtons se plaçoient sur le terrain, en laissant entre chacun une distance d’environ une toise ; le feu se mettoit au bout soufré, et l’odeur que répandoit une lente combustion tenoit les lapins éloignés des plantes qu’ils auraient pu endommager. Cette odeur dure pendant quatre à cinq jours, après lesquels on renouvelle l’opération, s’il en est besoin.

Si l’on ne se trouve pas dans une situation qui permette de peupler de lapins tout un canton, sans l’exposer à de grands dégâts, on peut former avec beaucoup d’avantages des garennes forcées, c’est-à-dire des enclos où des lapins se nourrissent et se propagent. Plus ces enceintes se rapprochent, par leur étendue, des garennes ouvertes ou garennes libres, plus les lapins se rapprochent eux-mêmes de l’état de nature ou de liberté qui, leur laissant le choix des courses et de la nourriture, donne à leur chair une saveur et un prix que, quelque soin que l’on prenne, l’on ne rencontre jamais dans le lapin domestique.

Le sol le plus propre à l’établissement d’une garenne forcée est un sable terreux, dans lequel les lapins puissent creuser facilement, et qui est assez compacte, pour que leurs travaux souterrains ne soient point détruits par les éboulemens. Des rochers épars sur ce sol léger le soutiennent au milieu des nombreuses excavations de ses habitans, et s’il est élevé et exposé au levant ou au midi, on aura la situation la plus désirable. Des arbres et des arbustes doivent l’ombrager ; quand la nature n’a pas fait les frais de cette plantation, il faut y mettre, de préférence, toutes les sortes d’arbres fruitiers qui abondent en bois, tels que poiriers, pommiers, cerisiers, pruniers, cormiers, etc., et dont les fruits sont recherchés par les lapins ; les chênes, les arbres et arbrisseaux, sauvages les plus touffus, l’orme dont les racines donnent un excellent goût aux lapins qui s’en nourrissent pendant l’hiver, le thym, le serpolet, le basilic, la lavande et d’autres plantes odoriférantes qui parfument leur chair, le roseau dont le bas de la tige lui fait prendre une saveur douce, le genièvre qui lui communique son odeur aromatique, etc. Les saules, les peupliers, les osiers et autres bois qui se plaisent dans les lieux aquatiques, doivent être rejetés de la garenne ; les lapins qui s’en nourrissent contractent un goût désagréable. Si la plantation n’est pas assez spacieuse ou assez avancée pour fournir à la pâture des lapins, on y supplée par des semis d’orge et d’avoine. La quantité d’arbres et d’arbustes forme une espèce de taillis qui n’est pas sans profit pour le propriétaire. En effet, outre les fruits qu’il peut y recueillir, toutefois, après avoir laissé la part des lapins, il retire du bois par les coupes qu’il y établit. Quant aux bénéfices de la gafenne proprement dite, ils dépendent eu très-grande partie de l’étendue qui lui est consacrée, et de l’intelligence avec laquelle on la dirige. L’on peut compter, par exemple, que sept ou huit arpens de garenne bien entretenue, fourniront, année commune, plus de deux cents douzaines de lapins.

Mais, ce qui appelle le plus l’attention, c’est la clôture de la garenne ; elle varie suivant les lieux et les ressources qu’ils offrent. Quand on le peut commodément, le mieux est d’entourer son terrain de murs bâtis solidement, de neuf à dix pieds de haut, et dont les fondemens pénètrent assez avant en terre pour que les lapins ne puissent, en fouillant, s’échapper par-dessous. Un fossé plein d’eau forme encore une bonne clôture, si sa largeur est au moins de dix a douze pieds, si le bord intérieur est en pente douce, afin que les lapins puissent y descendre et non y tomber, et si le bord opposé est taillé à pic et rehaussé par un cordon en terre pour ôter à ces animaux la possibilité de franchir le fossé en grimpant contre cette sorte de contrescarpe, dont l’on soutient les terres par de la maçonnerie ou par une plantation de saules et d’osiers. La ceinture d’eau qui entoure a garenne présente le double avantage de l’agrément et du produit. L’on sait combien le voisinage des eaux courantes a de charmes à la campagne ; la fraîcheur qu’elles répandent dans l’atmosphère tempère les feux de la canicule ; la pelouse et l’ombrage de leurs rives offrent un abri contre la chaleur du soleil, des lieux agréables de repos et des asiles qui semblent consacrés à la méditation, à la douce mélancolie ou aux plus tendres souvenirs. Le sol le plus aride cesse de se refuser aux efforts de la culture et de la végétation, dès que la nature et l’art y dirigent des eaux qui roulent avec elles la fraîcheur et la fertilité ; et si de nombreux poissons y habitent lorsqu’elles sont destinées à enfermer une garenne, le tableau devient doublement animé par les courses des animaux terrestres qui s’agitent et se croisent en tous sens, par les mouvemens plus doux, mais non moins précipités, des poissons qui divisent l’eau avec aisance ou s’élancent au dessus de sa surface, et par les peurs que ces deux peuplades timides se communiquent et se rendent réciproquement. La pêche viendra alors joindre ses amusemens et ses profits à ceux de la chasse, et l’on aura accompli le précepte qu’Olivier de Serres rapporte, comme très-utile et déjà ancien de son temps :

La réparation aura double usage,
Si tu te veux montrer entendu en ce ménage.

Les palissades et les haies sont de mauvaises clôtures pour les garennes ; les lapins sautent par dessus les premières et passent à travers les secondes. D’ailleurs, les unes et les autres laissent quelque accès aux renards, aux fouines, aux chats sauvages et domestiques, ennemis aussi actifs que cruels des lapins, et que l’on ne peut trop prendre de soin d’éloigner des endroits où l’on en nourrit.

Quand un terrain est disposé pour être converti en garenne, rien n’est plus aisé que de la peupler : il suffit d’y lâcher quelques lapines pleines ; les petits qu’elles y font s’y propagent en peu de temps, néanmoins pas aussitôt que si l’on établit un clapier ou petite garenne domestique, d’où l’on tire, comme d’une pépinière vivante, les jeunes rejetons de l’espèce, pour en garnir la grande garenne. À mesure que les jeunes lapins y ont pris quelque accroissement et quelque force, on les porte sur le terrain qui leur est destiné, et où l’instinct leur apprend bientôt à se loger et à multiplier leur espèce. Ce moyen est le plus avantageux pour entretenir la garenne constamment et abondamment fournie de lapins. L’on évite aussi par là l’inconvénient d’une trop grande quantité de mâles qui nuisent à la reproduction de l’espèce, en déchirant et étranglant les lapereaux nouveaux nés. Il suffit d’introduire d’abord dans la garenne un petit nombre de mâles ; ensuite, on n’y porte plus que les femelles du clapier ; il naît assez de mâles pour les féconder ; on doit même empêcher qu’ils ne deviennent trop nombreux, et on les tue de préférence aux femelles : la proportion de laquelle on doit chercher à se rapprocher, est d’un mâle pour trente femelles.

Pendant les hivers rigoureux, principalement lorsqu’une couche épaisse de neige, endurcie par la gelée, charge le sol et couvre les végétaux, on fournira aux lapins de garenne une nourriture que l’âpreté de la saison ne leur permet plus de trouver avec assez d’abondance ; on construit un petit appentis sous lequel on leur présente un supplément de vivres, qui se compose ordinairement de foin et d’orge, ou d’avoine.

Ceux qui n’ont pas à leur disposition le terrain qu’exige la formation des garennes forcées, ont la ressource des garennes domestiques ou des clapiers. Ce sont des enclos étroits dans lesquels on nourrit les lapins ; une portion de jardin, une cour, un ancien pigeonnier, une chambre, quelquefois même des tonneaux défoncés à un bout et dressés sur l’autre, peuvent servir à élever les lapins. Tout local est bon à cet usage, pourvu que les bêtes carnassières n’y aient point d’accès. Il est aisé de juger que cette éducation domestique est plus coûteuse que celle qui a lieu dans les garennes où la nature fait presque tous les frais ; cependant ce surcroît de dépenses est en partie compensé par les lapereaux que les clapiers fournissent, proportion gardée, en plus grand nombre que les vastes garennes dans lesquelles les lapins, jouissant d’une liberté presque entière, s’accouplent moins souvent, au lieu que, dans un clapier bien soigné, il n’est aucun instant de perdu pour la propagation de ces animaux. D’un autre côté, des précautions fort simples y préservent les nouveaux nés de la cruauté des vieux mâles.

Ces garennes domestiques sont de deux sortes : dans l’une, les lapins ont la liberté de s’ébattre sur le terrain qui leur est destiné ; dans l’autre, ils ne sortent jamais des loges qui les renferment.

L’enceinte de la première espèce de garenne doit être fermée par de bonnes murailles, et pavée à trois ou quatre pieds de profondeur, de sorte que les lapins aient une couche de terre assez épaisse pour y fouiller, sans qu’ils puissent passer sous les fondemens des murs. On y pratique des loges de pierre ou de bois, dans lesquelles ces animaux se retirent. On donne vingt-cinq à trente femelles pour un mâle ; et si on leur fournit une nourriture abondante, ils pullulent beaucoup, et dédommagent amplement des dépenses qu’ils occasionnent.

Si les lapins, par défaut d’emplacement convenable, doivent être privés de toute liberté, on les enferme dans des loges solides, d’environ quatre pieds de long, trois de large et deux et demi de haut ; elles sont faites avec des lattes ou un grillage en fil de fer, afin que l’air y circule librement. Des tonneaux percés de plusieurs trous remplissent le même but. Le plancher des cages est un peu incliné en avant pour que l’urine n’y séjourne pas ; on le couvre de litière que l’on change fréquemment. Un petit râtelier qui contient les herbes et les plantes, une petite auge remplie de son, enfin une cuvette pleine d’eau, attachée avec du fil de fer, sont les ustensiles qui doivent meubler les cabanes des lapins. C’est une erreur de dire que les lapins ne boivent pas ; cela ne leur arrive en effet que rarement, mais ils cherchent à se désaltérer pendant les chaleurs, et lorsqu’ils n’ont à manger que des grains ou des plantes sèches. Au surplus, le vrai moyen de conserver ces animaux sains et vigoureux, c’est d’entretenir dans leurs loges une extrême propreté.

C’est ordinairement à l’âge de cinq ou six mois que les lapines entrent en chaleur ; si l’on veut conserver de belles races, l’on fera bien d’attendre que ces femelles aient atteint un an et plus. On reconnoît le moment de la chaleur au gonflement et à la teinte bleuâtre des parties génitales. La femelle qui présente ces signes, est portée dans la loge du mâle, que l’on ne laisse jamais vivre librement avec les femelles, ou l’on fait entrer le mâle dans la sienne ; on les laisse ensemble pendant deux ou trois heures. Trente ou trente-un jours après, la femelle met bas de quatre à huit petits. Quelques jours auparavant, on lui prépare une couche de paille fraîche et douce qu’elle arrange pour y déposer sa progéniture ; au bout d’un mois environ, les lapereaux sont enlevés à leur mère, et mis ensemble dans une loge séparée, où on leur donne du bon foin, de l’orge, de l’avoine, des pommes de terre crues ou cuites, coupées par tranches, des croûtes de pain dur, cassées ou broyées, etc. ; mais il faut éviter de leur présenter, dans le premier âge, des herbes fraîches, des légumes et même du son, à moins qu’il ne soit mêlé avec de l’orge ou de l’avoine. Les portées de plusieurs femelles peuvent être rassemblées dans la même loge, pendant six semaines ou deux mois ; au troisième mois, on sépare les mâles pour être placés dans une loge particulière.

La fécondité des lapines ne va guères au delà de cinq à six ans ; les mâles sont plus tôt épuisés, et leur vigueur est presque entièrement perdue à quatre ans. Il est des femelles, sur-tout quand elles ont trop d’embonpoint, qui refusent de prendre le mâle ; on les provoque, en leur faisant manger du céleri ou d’autres plantes échauffantes. Mais, quoique, en général, les lapines soient presque toujours en état de recevoir le mâle, et qu’elles puissent porter sept à huit fois par an, il est plus convenable de ne point abuser de leur fécondité et de se contenter de trois ou quatre portées l’année, si l’on veut en obtenir de plus beaux produits : alors on laisse les petits avec leurs mères durant quarante ou cinquante jours. Les lapereaux sont bons à manger à trois ou quatre mois ; si on attend jusqu’à six, ils auront la chair plus ferme, mais de meilleur goût.

L’éducation des lapins domestiques convient à l’habitant de la campagne comme au citadin, au riche comme au pauvre ; tous recueilleront des bénéfices assurés, en se livrant aux soins fort peu embarrassans de cette éducation, et l’économie publique en retirera de grands avantages. Les moyens de nourrir les lapins sont à la portée de tout le monde : ces animaux mangent non seulement le grain, le son, le foin, les croûtes de pain, etc., ils s’accommodent aussi fort bien des choux et de toutes les plantes légumineuses, des fruits sains ou gâtés, des pommes de terre et d’autres racines, des feuilles et bourgeons de vigne et d’orme, des feuilles de bruyères et de genêt, des feuilles et baies de genièvre et de prunellier, du laiteron, de la laitue romaine, de la mauve, du pissenlit, du séneçon, du liseron, du marrube, de la renouée, du persil, de l’estragon, de la pimprenelle, de l’angélique, du céleri, du fenouil, etc., etc. ; ils se soucient peu de laitue pommée, de panais, de camomille, de bouleau. J’ai vu dernièrement (1804) à Vincennes, chez M. Sue, professeur et bibliothécaire de l’École de Médecine de Paris, des lapins fort beaux et bien tenus, qui mangeoient avec avidité les feuilles et les rameaux des giroflées que l’on avoit arrachées du jardin

Lorsqu’on a le choix de la nourriture que l’on distribue aux lapins de clapier, on peut faire contracter à leur chair une qualité et une saveur qui les rapprochent des lapins de garenne. Le persil, la pimprenelle, la sauge, le thym et plusieurs autres plantes aromatiques contribuent beaucoup à leur donner du fumet ; la bruyère et le genêt ont la même propriété. Ceux, au contraire, qui ne vivent que de choux et de racines fraîches ne fournissent qu’un mets grossier et souvent de mauvais goût.

De quelque manière qu’un lapin ait été nourri, on rend sa chair plus succulente et d’un fumet plus agréable, si, après l’avoir vidé, on le remplit de serpolet, de mélilot, de feuilles de bois de Sainte-Lucie, ou d’autres plantes odorantes, avec un peu de lard ou de beurre. D’autres procédés à peu près semblables sont conseillés par des auteurs d’économie domestique, ou mis en pratique par des cuisiniers.

Dès le temps d’Olivier de Serres, la castration des lapins étoit regardée comme un moyen exquis pour les faire venir tendres et gras ; comparés au chaponner des coqs, même en les achevant de nourrir au clapier (quoiqu’au pire endroit), ils deviennent si délicats qu’ils approchent bien prèz à la saveur des levrauds. Cette science s’est découverte par certains couteliers, qui pour levrauds donnoient à manger des conils (lapins) châtrés, après leur avoir safrané les pattes, couurant ainsi leur tromperie, afin de les rendre de couleur semblable à celle des levrauds. Nous nous servirons de cette exquise subtilité, châtrant tous les mâles au clapier pour les fourrer aprèz dans la garenne, laquelle, par ce moyen, se trouuera fournie de chairs précieuses et en abondance… Il n’y a rien de plus facile que de châtrer des conils, où il n’y a autre mystère que de leur couper les testicules avec un couteau bien tranchant ; et aprèz avoir engraissé la playe avec du vieux onguent, sans la coudre, renvoyer les conils en la garenne, où, par les bénéfices de l’air et de la liberté, eux-mêmes se guérissent assez tôt. Ce châtrement n’a aucune saison propre ; car, puisque les mères font des petits durant toute l’année, il est toujours bon de les châtrer. (Théâtre d’Agriculture.) Cette opération se fait quand le jeune lapin a deux ou trois mois ; et s’il n’est pas destiné à être, aussi tôt après, lâché dans une garenne, on lui donne un peu d’avoine saupoudrée de sel et arrosée de vin.

Ce n’est pas assez pour le propriétaire d’un clapier de loger commodément ses lapins, et de leur donner les alimens les plus propres à leur faire prendre de l’embonpoint et à rendre leur chair savoureuse, il doit encore chercher à améliorer les races de ces animaux, et à préférer les plus belles. Les bornes d’un article de dictionnaire ne me permettent pas d’entrer dans de plus longs détails au sujet de l’espèce des quadrupèdes domestiques qui coûte le moins à nourrir, sur laquelle il y a le moins à perdre, et dont la multiplication intéresse l’État comme les particuliers. Je n’ai rien omis d’important, mais, si l’on désiroit des renseignemens encore plus étendus, relativement à l’entretien d’un clapier, je conseille de les puiser dans l’ouvrage de M. Luneau de Boisgermain, que j’ai cité au commencement de cet article. Ce petit livre a été dicté par l’expérience et de longs succès.

Chasse aux lapins. La plus commune, la plus amusante et en même temps la plus fructueuse de toutes les chasses que l’on fait aux lapins, est celle où l’on emploie le Furet. (Voyez ce mot.) Mais on ne doit pas s’en servir dans les garennes forcées, parce que les lapins ne rentrent plus de long temps dans les terriers que le furet a visités, et que se trouvant dérangés, ils ne s’accouplent point et dépérissent. Cette chasse ne convient donc que pour prendre les lapins vraiment sauvages.

Il en est de même de la chasse au fusil, qui met le trouble dans la garenne et force ses habitans à abandonner leurs demeures souterraines ; en outre, un lapin auquel le plomb n’aura fait que des blessures sans l’arrêter sur le coup, ira mourir dans son trou et y empoisonnera tous ceux qui y gîtent avec lui. Il vaut mieux tendre des pièges ou placer des filets à l’entrée des terriers, dans lesquels on enfonce une perche pour obliger les lapins à en sortir. L’on peut aussi tenir suspendu à deux pieds de terre un grand panier d’osier sans fond et façonné en cloche, au dessus de l’endroit où les lapins ont habitude de prendre leur nourriture en hiver ; une corde attachée à ce panier et passée à une poulie, aboutit à une cabane où le chasseur est caché ; on attire les lapins au lieu de leur repas par quelque signal auquel on les a accoutumés, ou par quelque aliment de choix. Lorsqu’ils sont rassemblés, le chasseur lâche la corde, le panier tombe et en enferme plusieurs ; une petite porte pratiquée à un des côtés du panier sert à s’emparer de ceux des captifs que l’on a choisis.

Cependant si on veut se donner le plaisir de tirer les lapins au fusil, même dans une garenne, on bouche au hasard une certaine quantité de terriers ; ensuite on met en chasse un chien basset, et l’on attend sur ces terriers fermés les lapins qu’il fait partir et que l’on tire à l’aise.

Les bassets à jambes torses sont préférables à toute autre race de chiens, pour chasser les lapins qui ne font que jouer devant eux, et se laissent battre quelquefois trois quarts d’heure avant de se terrer ; ce qui donne toute facilité de les joindre et de les tirer. Mais si l’on fait cette chasse avec des chiens courans, il faut de l’habitude et beaucoup de prestesse pour tirer le lapin qui en est poursuivi ; sa course est alors si rapide, ses bonds sont si vifs, et il traverse les routes avec tant de vitesse que l’on a à peine le temps de l’ajuster.

Le chasseur ne doit pas ignorer que les lapins sortent de leurs trous une heure ou deux avant le coucher du soleil ; qu’ils y rentrent vers six heures du matin, et qu’ils en sortent encore, pour l’ordinaire, pendant environ deux heures au milieu du jour. C’est sur ces connoissances que sont fondées les chasses de l’affût et de la rentrée, que les chasseurs patiens font aux lapins comme aux lièvres. (Voy. le mot Affût.) Quand les lapins habitent en grand nombre un lieu découvert, il suffit de s’y promener doucement, même en plein jour, et de se tenir de temps en temps à l’affût sur un terrier pour les surprendre et les tuer. Cette chasse s’appelle la surprise.

Les filets dont on se sert communément pour prendre les lapins sont les panneaux ou pantaines, soit simples, soit contre-maillées. (Pour cette chasse, Voyez l’article Lièvre.) Mais les lapins se prennent plus facilement avec de petits filets nommés poches ou pochettes à lapins, et qui se ferment comme une bourse. On étend à l’entrée du terrier une de ces poches ouvertes, et l’on attache à une branche ou à un piquet la ficelle qui passe dans la boucle fixée à chaque bout. Si l’on n’a pas assez de poches pour couvrir tous les trous de lapins qui sont autour de soi, on ferme ceux qui resteront avec des pierres, des herbes ou des feuillages. Un chasseur va dans le bois avec un chien pour contraindre les lapins à fuir vers leurs retraites et se jeter dans les filets, d’où un autre chasseur, caché à portée, les retire promptement à mesure qu’ils s’y prennent.

On tend avec fruit des Collets (Voyez ce mot) autour des haies, pour prendre les lapins qui vont butiner, la nuit, dans les jardins et les enclos. Ces collets doivent être de fil de laiton, afin que les lapins qui s’y engagent ne puissent pas les couper avec leurs dents.

Un appeau fait avec un tuyau de paille, une feuille de chiendent ou de chêne vert, une pellicule d’ail, une patte de crabe, sert à attirer les lapins sous le fusil du chasseur. Cette chasse, qui est peu commune en France, mais très-usitée en Espagne, n’a lieu que dans les bois, par un temps doux et lorsque le vent souffle du midi. L’on ne doit piper que rarement et ne donner qu’un seul coup à la fois.

Si l’on veut forcer les lapins à sortir de leurs terriers, on brûle, à l’entrée, de vieux linges soufrés, de sorte que le vent y pousse la fumée ; le lapin fuit à l’autre extrémité, où il se trouve pris dans une poche ou bourse que l’on y a arrangée. Une écrevisse que l’on introduit dans le terrier en chasse aussi, dit-on, les lapins qui y sont logés, et les fait tomber dans les pièges. Mais cette méthode, si elle est sûre, a trop de lenteur pour présenter quelque agrément ou quelque utilité. (S.)

  1. « M. l’abbé Rozier prétend dans son Dictionnaire d’Agriculture, que dix lapins mangent plus qu’une vache, dans une année. Cela est impossible ; les animaux mangent en proportion de leur grosseur et de leur poids. Comme il n’y en a aucune entre le poids et la proportion de dix lapins et une vache, l’idée ridicule de M. l’abbé Rozier a été avancée de sa part sans aucune réflexion. »
    » Tout ce que M. l’abbé Rozier dit de ce quadrupède, ne paroît pas dicté par un observateur éclairé… (Je supprime ici la suite de cette phrase, qui porte tous les caractères de la dureté et de l’injustice.)
    » Le lapin ne vit pas seulement de la tige qui produit le grain, il mange une infinité d’autres plantes qu’on ne récolte point, et dont lui seul met à profit la récolte. Ces plantes, inutiles aux cultivateurs, sont converties, par la chair et la peau du lapin, en une substance utile, aux besoins de la société. »