Cours d’agriculture (Rozier)/LOUVET, ou LOVAT

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Hôtel Serpente (Tome sixièmep. 307-309).


LOUVET, ou LOVAT. Médecine Vétérinaire. C’est ainsi qu’on appelle, en Suisse, une maladie inflammatoire, contagieuse, qui attaque communément les bœufs & les chevaux.

Aussitôt que l’animal en est atteint, il perd ses forces, il tremble, il veut se tenir couché, il ne se lève que pour se rafraîchir, & rechercher les lieux frais ; il porte la tête basse & les oreilles pendantes ; il est triste, ses yeux sont rouges & larmoyans, sa peau est fort chaude & sèche ; sa respiration est fréquente & difficile. Lorsque le mal a fait beaucoup de progrès, la respiration est toujours suivie d’un battement des flancs ; il tousse fréquemment, l’haleine est d’une odeur fétide : en appliquant la main le long des côtes, on sent que le cœur & les artères battent avec force ; la langue & le palais sont arides & deviennent noirâtres ; il perd l’appétit, & cesse de ruminer ; la soif est considérable ; il urine très rarement & fort peu à la fois ; les urines sont rougeâtres ; les excrémens durs & noirâtres dans le commencement, quelquefois liquides & sanguinolents : les vaches perdent leur lait. Dans les uns il se forme des tumeurs inflammatoires, tantôt vers le poitrail, tantôt aux vertèbres du col & du ventre ; tantôt aux mammelles & aux parties naturelles : dans les autres, il paroît dans toute la superficie du corps des boutons comme de la gale & des furoncles. Il est rare de voir tous les symptômes attaquer en même temps le même sujet ; mais l’expérience prouve, que plus ils sont nombreux, plus promptement l’animal périt : ordinairement il meurt ou guérit le quatrième jour, lorsque les symptômes sont violens : s’il passe le quatrième jour, & que le septième soit heureux, la guérison est certaine, quoique la convalescence n’arrive souvent que le quinzième jour.

L’abondance des urines troubles, déposant un sédiment blanchâtre ; les excrémens plus abondans que dans l’état naturel, humectés, & dépourvus de beaucoup d’odeur ; la peau noire & lâche ; les boutons pleins d’un pus blanchâtre ; la soif supprimée ; le retour de l’appétit ; les jambes enflées ; la rumination & la dessication, sont les signes avant-coureurs d’une parfaite guérison ; tandis que la tuméfaction du ventre, les mugissemens, les défaillances, la débilité, les tremblemens, les convulsions, la rétention d’urine, la diarrhée & la dyssenterie, n’annoncent rien que de fâcheux.

Cette maladie est plus fréquente en été qu’en hiver, & elle est moins meurtrière au printemps qu’en automne. Les cantons qui abondent en pâturages marécageux, sont beaucoup plus exposés que les autres.

M. Reynier admet pour cause prochaine de cette épizootie, un alkali fixe, provenant, 1° de la mauvaise qualité des eaux, dont le bétail est abreuvé ; 2°. du fourrage corrompu ; 3°. des fatigues excessives ; 4°. des écuries trop balles & mal aérées 5°. du défaut de boisson ; 6 ° de l’intempérie de l’air.

L’existence de l’alkali fixe, développé dans les humeurs de l’animal, sain ou malade, est, selon M. Vitet, une chimère qu’aucune expérience ne peut maintenir dans l’esprit d’un observateur exact.

Sans nous arrêter ici à toutes ces causes, nous nous bornerons seulement à décrire les indications générales que présente cette maladie. Elles se réduisent à prévenir l’inflammation & la putridité, à en arrêter les progrès, à les combattre, si les symptômes en sont déjà déclarés, & à empêcher la gangrène de se manifester dans les tumeurs inflammatoires.

Pour remplir la première indication, il faut d’abord chercher à abattre la violence de la fièvre, la chaleur, l’altération & les autres symptômes qui en sont les suites. Il semble, au premier coup d’œil, que la saignée devroit être indiquée ; mais, en faisant attention que dans la Suisse, le bétail du paysan manque de sang plutôt que d’en avoir de surabondant, attendu la disette d’aliment, dont il a fort souvent à souffrir, on verra clairement, que la saignée ne corrigeroit en rien la nature du sang, & que son effet consisteroit uniquement à produire une révolution dans le cours des fluides. Il s’agit donc plutôt de combattre la mauvaise qualité des humeurs, que la pléthore. (Voyez ce mot) Pour cet effet, ayez recours à l’eau pure, plutôt fraîche que tiède, au petit-lait, aux sucs de laitues, de berle, de blette, aux décoctions d’orge, de semences de courges ou concombres, administrées sous forme de breuvage, ou de lavement ajoutez-y, si le mal est urgent, du sel de nitre, du crystal mineral, &c. Le vinaigre, mêlé avec suffisante quantité de miel, & étendu dans une décoction de feuilles de mauve ou de pariétaire, mérite la préférence sur tous les autres médicamens, soit qu’on le donne en breuvage, soit qu’on l’administre en lavement. Lorsque la diarrhée est considérable, & que la dyssenterie commence à paroître, diminuez la quantité du vinaigre, & ajoutez au petit-lait deux onces de quinquina, ou quatre onces d’écorce de frêne en poudre. Si vous unissez les acides & le camphre avec le quinquina, vous le rendez plus efficace ; de même que si vous délayez le quinquina pulvérisé dans l’eau, il agit mieux que la simple décoction de l’écorce de frêne. Passez un séton (Voyez ce mot) au poitrail, ou au bas-ventre : c’est ordinairement dans ces parties que les tumeurs se forment ; d’ailleurs, ces endroits étant éloignés des articulations & des grands vaisseaux, on n’a rien à craindre dans l’opération. Parfumez les écuries & les animaux avec le vinaigre, évitez les sudorifiques, les purgatifs & les diurétiques ; ils augmentent toujours les symptômes de la maladie.

Quant aux tumeurs inflammatoires, qui se forment à l’extérieur, ouvrez-les avec un bistouri ou un rasoir ; scarifiez à l’entour ; ensuite, appliquez sur toute l’étendue, un cataplasme fait avec les feuilles d’absinthe, la rhue, la menthe, la centaurée, la ciguë, l’écorce de quinquina, de frêne, le sel ammoniac & le vin. Changez-le dès qu’il commence à se sécher ; enfin, pansez l’ulcère avec l’onguent égyptiac, après l’avoir recouvert du cataplasme précédent, & continuez ce pansement jusqu’à parfaite guérison. M. T.