Cours d’agriculture (Rozier)/MAL ROUGE

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Hôtel Serpente (Tome sixièmep. 380-386).


MAL ROUGE. Médecine Vétérinaire. Cette maladie épizootique, qui attaque tous les ans les bêtes à laine de plusieurs provinces, porte différens noms. On l’appelle mal rouge, maladie rouge, à cause du sang que quelques-unes d’elles rendent particulièrement par la voie des urines. Dans le bas-Languedoc on l’appelle maladie d’été, parce qu’elle exerce ses ravages après l’hiver ; & enfin, maladie de Sologne, parce que, d’après les observations de M. l’abbé Tessier, c’est le pays où elle est le plus généralement répandue.


Symptômes & signes de la maladie rouge.


Il est difficile de s’apercevoir dans les premiers instans, quand des bêtes à laine en sont attaquées, parce qu’elles sont mêlées à un grand nombre d’autres bêtes, ce qui empêche de distinguer celles qui sont malades. On n’en est assuré, que lorsque dans la saison où règne l’épizootie, on les voit ralentir leur marche, s’écarter du troupeau, ne brouter que d’une manière languissante la pointe des herbes, au lieu de les dévorer jusqu’à la racine, revenir à la bergerie avec le ventre applati, l’air triste, les oreilles basses & la queue pendante. Alors, si on les examine de près on leur trouve l’œil terne, larmoyant & presque couvert ; le globe & les vaisseaux qui s’y distribuent, les lèvres, les gencives & la langue blanchâtres, ou livides ; les naseaux sont remplis d’une humeur épaisse qui les bouche ; les urines sont ordinairement rares & coulent lentement ; la tête est souvent gonflée, ainsi que les jambes de devant. La foiblesse des bêtes malades est telle, qu’on les fait tomber facilement, si on applique la main sur leurs reins ; elles ne font aucune résistance lorsqu’on les saisit par une jambe de derrière ; la laine, dont les filamens, à la tête sur-tout, sont dressés & hérissés, est d’une mollesse extrême, au point que les hommes, qui tondent ces animaux, jugent que ceux dans lesquels ils remarquent ces signes, sont malades, ou le deviendront bientôt. Lorsque les bêtes à laine sont attaquées de cette maladie, elles cherchent l’ombre, sans doute pour se garantir des mouches qui se jettent sur elles en grand nombre, sans qu’elles fassent aucun effort pour les chasser. Souvent il s’en perd au milieu des bruyères, où elles périssent & deviennent la proie des chiens & des oiseaux de proie. Le plus souvent elles restent auprès des métairies, parce que le berger ne peut les déterminer à suivre les autres. Quand le mal est dans sa force, elles portent la tête basse jusqu’à plonger le museau dans la terre ; l’épine du dos se courbe ; les quatre pieds se rapprochent elles restent immobiles, tantôt debout, tantôt couchées, battant du flanc, & respirant avec peine. À cette époque on les fait suffoquer facilement, si, en leur examinant l’intérieur de la gueule, on la tient quelque temps ouverte. On ne peut guères juger de leur poulx ; car les bêtes à laine sont si timides, que même, dans l’état de santé, les battemens en sont accélérés & irréguliers, lorsqu’on les saisit pour leur tâter le cœur ou l’artère crurale. La maladie, parvenue à son dernier terme, il sort de la gueule des bêtes une bave écumeuse ; leurs extrémités sont froides : on en voit beaucoup, qui, avec leurs excrémens, tantôt fluides, tantôt de consistance moyenne, rendent un sang peu foncé, & en petite quantité, ou par le nez, ou par la voie des urines : circonstance d’où vraisemblablement la maladie a pris son nom. Quelques bêtes ont de longs frissons ; d’autres sont si altérées, qu’elles boivent abondamment quelque espèce de boisson qui se présente : peu de temps avant la mort il leur survient un flux extraordinaire d’urine. Aucune de celles qui bavent, ou qui rendent du sang, ou qui boivent abondamment, ne guérit de la maladie.

La durée de cette maladie est ordinairement de six, huit, dix, ou douze jours, quelquefois plus ; mais rarement moins, à compter du moment où les bêtes à laine cessent de manger & de ruminer, jusqu’à celui de leur mort. Si elles en reviennent quelquefois, leur rétablissement se fait lentement. Nous avons observé, ainsi que M. l’abbé Tessier, que les bêtes les premières frappées de la maladie, périssent plus promptement que les autres.

Causes. D’après les observations de M. l’abbé Tessier, la maladie rouge ne paraissant pas contagieuse, ce sçavant a cru qu’il falloit en chercher la cause dans la manière dont on soignoit en Sologne les bêtes à laine, & dans la qualité des pâturages. Voici ce que ses recherches lui ont appris.

Au mois de novembre on forme, dans chaque métairie, deux troupeaux, l’un, de brebis pleines, & qui sont d’un âge plus ou moins avancé ; on y joint de jeunes femelles de l’année d’auparavant, parmi lesquelles quelques-unes ont des agneaux au mois de mars suivant.

Le second troupeau est composé d’agneaux nés au mois de mars précédent.

Chacun est conduit séparément aux champs, quelque temps qu’il fasse, à l’exception des jours de très-grandes pluies. On ne donne jamais rien aux bêtes à laine à la bergerie ; où il n’y a pas même des bateliers ; ensorte qu’elles ne vivent que de ce qu’elles trouvent aux champs. Si la terre n’est pas couverte de neige jusqu’à la mi-janvier, ou jusqu’après les gelées, elle fournit assez de nourriture aux bêtes à laine ; mais elles en manquent en février. Lorsqu’il y a de la neige, on les conduit dans les lieux plantés de genêt, ou dans les plus hautes bruyères, ou le long des haies. C’est alors qu’elles souffrent encore la faim. C’est à la fin de février, & dans le courant de mars, que les brebis font leurs agneaux. Elles seules, à cette époque, sont conduites dans les terres où l’on a récolté du seigle, & où il y a de l’herbe qu’on leur a réservée.

Si la saison est favorable, l’herbe pousse au mois d’avril, Si les troupeaux en trouvent abondamment.

Alors, on expose dans les bergeries des agneaux de lait, des branchages d’arbres, garnis de feuilles, & coupés au mois de septembre, afin de les accoutumer à brouter. Dès le commencement de mai, ils sont menés indistinctement dans toute espèce de pâturage, parce que les habitans de Sologne sont persuadés qu’un agneau, tant qu’il tète, ne peut jamais contracter la pourriture. (Voyez ce mot) Persuadés également que vers la fin du même mois, ces jeunes animaux n’ont plus besoin de lait, ils traient les mères pour faire du beurre, & souvent ils commencent à les traire plutôt.

Si les bergères écoutoient les ordres de leurs maîtres, elles écarteroient presque toujours les brebis & les moutons qu’on ne veut pas engraisser, des pâturages humides, qui leur sont funestes. Mais, souvent, malgré les défenses, elles les y laissent aller, ou par négligence, ou dans le dessein de leur procurer une nourriture plus abondante.

Les brebis, les moutons & les agneaux paissent dans les chaumes de seigle, après la récolte qui s’en est faite en juillet ; on ne les mène paître ailleurs qu’à la fin de septembre.

La Sologne, pays compris entre la Loire & le Chèr, est presque perpétuellement abreuvée d’eau. Le sol en est composé de sable & d’argile qu’on trouve à deux pieds ou deux pieds & demi de profondeur. Il n’y a nulle part un aussi grand nombre d’étangs. Presque par-tout on y voit des plantes aromatiques.

Les bergeries de Sologne, où l’on renferme les bêtes à laine, sont humides, mal closes & sans litière ; souvent ces animaux sont aux champs par la pluie, & confiés à des jeunes filles, incapables d’attention. Que résulte-t-il de toute cette conduite ?

1°. Que les brebis pleines souffrent de la faim pendant l’hiver, & sur-tout dans les derniers mois de leur gestation, temps où elles auroient besoin d’une nourriture plus substantielle & plus abondante que jamais.

2°. Que les agneaux qui en proviennent sont foibles, languissans, & remplis d’obstructions.

3°. Qu’ils se gorgent d’herbes humides dans les pâturages où on les conduit, & avec d’autant plus d’avidité, que leurs mères ont moins de lait.

4°. Qu’étant déjà d’une constitution foible & lâche pendant la première année, ils ne peuvent supporter, dans l’hiver suivant, les effets de la faim, sans être exposés, au printemps, à une maladie occasionnée par le relâchement.

Plus le mois d’avril est pluvieux, plus la maladie rouge est considérable en Sologne : (c’est une observation que nous n’avons point faite dans le bas-Languedoc.) Les ravages qu’elle exerce sont d’autant plus grands, que les pâturages sont plus humides.

Plutôt on donne les béliers aux brebis, ou ce qui est la même chose, plutôt on fait naître les agneaux, plus la maladie rouge en enlève. Dans ce cas, la saison n’étant pas encore assez avancée, les brebis ne trouvent pas d’herbes aux champs, & ne peuvent fournir assez de lait à leurs agneaux pour leur subsistance.

Cette maladie dépendant donc, comme on vient de le voir, des soins qu’on a des bêtes à laine, sur-tout des brebis pleines, & de l’humidité du sol, on doit bien comprendre pourquoi elle attaque particulièrement les agneaux & les anthénois ; pourquoi elle n’est pas aussi considérable tous les ans.

S’il arrive souvent de grandes mortalités qui détruisent la moitié, ou plus de la moitié des troupeaux, on doit chercher la cause de ces ravages extraordinaires dans les troupeaux achetés à des marchands, que l’on introduit dans les métairies, & qui viennent des lieux humides.


Préservatif de la maladie rouge.


Quand il seroit possible de guérir facilement toutes les maladies des bestiaux, chaque fois qu’elles reparoissent, il ne seroit pas moins intéressant de leur chercher de sûrs préservatifs. La multiplicité des occupations des cultivateurs, le peu d’habitude qu’ils ont d’appliquer des remèdes, les soins qu’il faut pour les employer convenablement, tout doit faire craindre que si on ne leur présentoit que des moyens de les guérir, même assurés, ils ne perdissent encore un grand nombre de leurs bestiaux. Mais ils sont bien plus en droit de désirer qu’on leur enseigne des préservatifs pour une maladie qu’on n’ose encore se flatter de combattre avec succès lorsqu’elle est déclarée, telle est la maladie rouge ; on ne peut en indiquer de ce genre, que d’après l’examen des circonstances qui l’accompagnent, & d’après l’étude de ses symptômes & de ses effets. Voici ceux qui ont paru à M. l’Abbé Tessier les moins douteux, non pas pour éteindre entièrement la maladie, d’autant plus qu’elle dépend en partie de la nature du sol de la Sologne ; mais pour en diminuer, autant qu’il est possible, les ravages.

Procurer un écoulement aux eaux stagnantes de la Sologne, en creusant le lit des rivières & des ruisseaux, & en y pratiquant des canaux, comme il y a lieu de croire qu’il y en avoit autrefois, par les traces qu’on en rencontre dans beaucoup d’endroits ; ce seroit, sans doute, la manière la plus sûre de donner, à la fois, à cette province, & la salubrité, & la fertilité dont elle a le plus grand besoin. Ces terres, étant alors moins humides, & les récoltes plus abondantes, on préviendroit bien des maux, & particulièrement la maladie rouge. Mais, ce sont-là de grands moyens, qu’on ne peut espérer de voir exécutés de longtemps, & que le Gouvernement seul est en état d’entreprendre.

Pour corriger le mal, autant qu’il est au pouvoir des habitans du pays, il seroit à désirer, avant tout, que les métayers de Sologne, en employant plus de soins & d’activité, veillassent davantage à la conservation de leur bétail.

Afin d’éviter les grandes mortalités, on n’introduira dans les métairies qu’on veut garnir de troupeaux, que des bêtes à laine, élevées dans des endroits connus & non suspects. Celles qu’on achètera dans le voisinage, ou dans une autre province, dont le sol est plus sec, seront moins sujettes à cette maladie.

On diminuera les mortalités ordinaires, si l’on mène souvent les troupeaux dans des lieux plantés en genêt ; si on ne les laisse point exposés à la rosée, à la pluie & aux orages ; si on les écarte des prairies humides ; & enfin, si on ne les tond qu’après la mi-juillet.

On ne doit pas laisser la bête à laine de Sologne trop longtemps aux champs ; elle a toujours l’œil plus ou moins gras, & par conséquent elle est habituellement menacée de pourriture : il suffit qu’elle paisse deux fois par jour, pendant trois heures chaque fois.

Comme la principale source du mal est dans la manière dont on soigne les brebis pleines & les agneaux, on nourrira les brebis pleines à la bergerie, dans la saison rigoureuse, & sur-tout vers le temps qu’elles doivent bientôt mettre bas. On ne les traira jamais ; parce qu’indépendamment de ce que le lait maternel est plus convenable à la foible constitution des agneaux, plus ceux-ci en téteront, moins ils seront empressés de brouter des herbes dont les sucs trop humides leur causent des maladies.

On se gardera de mener les jeunes animaux dans les prairies, dont on écartera encore avec plus de soin leurs mères & les moutons, puisqu’ils sont également susceptibles d’en être incommodés. Ils seroient bien plus sûrement préservés de la maladie, si on leur donnoit à la bergerie quelques alimens, tels que du son, de l’avoine, &c.

Que l’hiver suivant on les entretienne de nourriture, quand ils n’en trouvent pas aux champs, & qu’au printemps on ne les laisse point brouter des herbes trop aqueuses ; leur tempéramment se fortifiera, & on aura des anthénpis bien sains & bien constitués, que la maladie rouge épargnera,

Vers le temps où ce fléau doit commencer à exercer ses ravages, on brûlera, plusieurs jours de suite, dans les bergeries, des branches de bois aromatiques, tel que le genièvre, dont on fera avaler de la décoction aux bêtes les plus languissantes. On se contentera de pendre, dans leurs bergeries, des sachets de sel marin qu’elles pourront lécher ; puisqu’en Sologne la cherté de cette denrée, si utile pour les bestiaux, ne permet pas de leur en donner à manger. On peut, au sel ordinaire, substituer de la potasse ou des cendres gravelées, ou du sel contenu dans de la cendre de bois, le plus facile à obtenir en Sologne. Un gros de chacun de ces derniers sels, par pinte de boisson, est une dose suffisante. Les bergeries seront placées dans les endroits les plus élevés des métairies ; on en rendra le sol aussi sec qu’il sera possible, & on y fera de la litière, qu’il faudra renouveller de temps en temps ; ces moyens garantiront les bêtes à laine de l’humidité. On donnera à ces habitations plus d’étendue qu’elles n’en ont dans beaucoup de métairies, afin que les animaux y soient à l’aise.

La fraîcheur des terres de la Sologne, formera toujours un obstacle à l’établissement du parcage dans ce pays : il demande beaucoup de précaution de la part des personnes qui voudront le tenter. L’humidité, je le répète encore, est à redouter pour les bêtes à laine. On peut, dans les grandes chaleurs, les faire coucher en plein air ; mais, dans ce cas, on aura soin de ne former le parc domestique que sur un endroit où l’eau ne séjourne pas, & sous des arbres qui garantissent les animaux de l’ardeur du soleil, quand au milieu du jour, ils sont de retour des champs.

Parmi toutes ces précautions, il en est une qu’on regardera comme dispendieuse, c’est celle de nourrir à la bergerie les bêtes à laine pendant l’hiver ; tandis qu’en ne leur donnant pas à manger, tout est profit pour les propriétaires. Il faut convenir qu’en Sologne, dans l’état où est actuellement la province, les habitans ont peu de ressources pour se procurer de quoi alimenter leurs bêtes à laine en hiver ; le sol est si ingrat & si mal cultivé, qu’on n’y récolte presque que la quantité de seigle nécessaire pour les habitans, & du foin seulement pour la nourriture des bœufs employés aux travaux de l’agriculture.

Malgré ces obstacles apparens, il y a des moyens de donner des alimens aux bêtes à laine de Sologne, quand elles ne trouvent rien aux champs ; & même d’en augmenter par-là le nombre, puisqu’il suffit de suppléer, en hiver, à ce que la terre ne fournit pas alors. On n’en peut être que convaincu, en adoptant les réflexions suivantes de M. l’Abbé Tessier.

On entretient, dit-il, trop de bœufs dans cette province, où ils ne deviennent jamais beaux, & où par conséquent ils produisent peu aux métayers, lorsqu’ils les vendent. La culture des terres n’en exige pas une grande quantité. Quatre ou six de ces animaux, traîneroient, sans peine, une charrue, à laquelle on en attelle dix ordinairement. En en diminuant le nombre, Une partie du foin qui leur est destinée, pourroit être donnée aux bêtes à laine, la seule espèce de bétail sur laquelle on doive porter ses vues en Sologne, dont les pâturages ne conviennent pas aux autres bestiaux.

On doublera les récoltes de foin, si l’on a l’attention de soigner les prairies, soit en faisant des fossés tout autour, pour les empêcher d’être inondées ; soit en arrachant les plantes de mauvaise qualité, qui nuisent à l’accroissement de celles qui forment de bon foin.

La Sologne est couverte d’arbres ; les métayers ont la permission d’en couper les branches il y en a très-peu dont les feuilles ne conviennent aux bêtes à laine. On aura soin, dans le temps où la sève est encore en vigueur, d’en faire des provisions proportionnées aux besoins des troupeaux.

Dans plusieurs cantons de diverses provinces de la France, on donne aux bêtes à laine des galettes faites avec le marc de chenevis, dont on a exprimé l’huile. En Sologne, où l’on cultive du chanvre, ne pourroit-on pas en employer la graine à cet usage ? Ne pourroit-on pas encore y établir des cultures de pommes de terre, de carrottes & de turneps, espèce de navets que les bêtes à laine mangent volontiers, même dans les champs, & dont on les nourrit pendant l’hiver dans toute l’Angleterre, où les troupeaux sont si multipliés ?


Traitement de la maladie rouge.


Pour guérir la maladie rouge, on a imaginé & employé jusqu’ici différens remèdes qui n’ont eu aucun succès, ou qui n’en ont eu que de très-foibles. Parmi ces remèdes, les uns sont enveloppés du voile du mystère, les autres, qu’on a moins de peine à pénétrer, sont des composés si bisarres, & si peu convenables à la maladie, qu’il est inutile de les rapporter.

Quelques métayers de la Sologne ont employé avec succès, la décoction de serpolet & d’autres plantes aromatiques. Il y en a qui prétendent avoir guéri des bêtes malades, en leur faisant avaler de la décoction de sureau, & en les exposant à des fumigations d’iebles. Ces moyens nous paroissent très-bien indiqués, & méritent qu’on y ait confiance : ils prouvent, d’ailleurs, qu’il existe une analogie marquée entre la pourriture & la maladie rouge.

Malgré ces légers succès, on ne doit pas conclure qu’on puisse facilement guérir cette maladie. Il ne faut du moins pas l’espérer, lorsqu’elle est parvenue a un certain degré, comme lorsque le foie & le poumon sont déjà dans un état de putréfaction. Vraisemblablement les animaux guéris par M. l’Abbé Tessier, n’étoient encore que foiblement attaqués. La médecine vétérinaire a des bornes qui limitent son pouvoir ; c’est à ceux qui l’exercent à les connoître, afin de ne pas employer inutilement, pour les franchir, un temps qu’on peut appliquer à des recherches capables de procurer de grands avantages.

Lorsque la maladie rouge est déclarée, on doit essayer, sur les bêtes qui ne sont pas dans un état désespéré, les remèdes que la connoissance des symptômes, & l’ouverture des corps, indiquent ; c’est-à-dire, des apéritifs, des diurétiques & des toniques, tels que ceux que nous allons indiquer.

On donnera, chaque jour, & dans les premiers temps, aux bêtes à laine malades, plusieurs verres d’une décoction d’écorce moyenne de sureau, ou des baies d’alkekenge, ou coqueret ; on remplacera quelques jours après cette décoction, par une autre faite avec la sauge, ou l’hysope, ou le pouliot, ou toute autre plante aromatique, en y joignant un gros de sel de nitre, ou deux gros de sel marin, par pinte d’eau ; on enfumera les bergeries avec des branches ou des baies de genièvre.

Il faut rejeter la saignée & les remèdes raffraîchissans.

La nourriture sera, ou du seigle en gerbe, ou du genêt, ou des plantes sèches. Pour cette raison on éloignera les bêtes des prairies humides.

Nous ne conseillerons pas de faire usage de la thériaque, ni de l’orviétan, d’après notre expérience, & celle de M. Vitet & de M. d’Aubenton.

On aura grand soin, pendant tout le temps du traitement, de n’exposer les troupeaux malades ni au froid ni à la pluie. M. T.