Cours d’agriculture (Rozier)/MARASME

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Hôtel Serpente (Tome sixièmep. 415-417).
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MARASME. Médecine Rurale. C’est le dessèchement général, & l’amaigrissement extrême de tout le corps ; c’est le dernier état de la consomption.

Ceux qui en sont attaqués, ressemblent parfaitement à des squelettes vivans, tant ils sont décharnés & desséchés. Cet état de maigreur est trop sensible pour n’être pas apperçu, & la seule inspection de ceux qui en sont atteints, fait mieux reconnoître cette maladie, que le détail des symptômes les plus circonstanciés.

Cette maladie est pour l’ordinaire accidentelle ; presque toujours elle vient à la suite de quelque longue maladie ; elle dépend souvent d’un vice dans les humeurs, de leur dissolution, & du défaut de nutrition de toutes les parties du corps. On est sujet à cette maladie dans tous les âges de la vie ; le vieillard n’en est pas plus à l’abri que le jeune homme, & les enfans à la mammelle ; les pertes de sang extraordinaires, des lochies trop abondantes, une dyssenterie invétérée, le scorbut, la vérole, une suppuration trop abondante, la paralysie, des embarras dans les glandes du mésentère, sont des causes qui déterminent aussi cette maladie mais il n’en est point de plus puissante que la masturbation. Combien de jeunes gens sont tombés dans cet état de desséchement, pour s’être trop livrés à ce vice honteux ! Combien n’y en a-t-il pas qui sont morts, victimes de cette horrible passion ! Outre le marasme des solides & des fluides, il en est encore une autre espèce, qui dépend d’une cause nerveuse. On n’y observe ni toux, ni fièvre remarquable, ni difficulté de respirer ; mais il y a un défaut d’appétit & de digestion. Au commencement de cette maladie, le corps devient œdémateux & bouffi ; le visage est pâle & défiguré ; l’estomac répugne à toutes sortes d’alimens, il ne retient que les liquides, & les forces du malade diminuent tellement qu’il est réduit à garder le lit, avant que les chairs soient totalement consumées.

Les causes qui disposent à cette maladie, sont les violentes passions de l’ame, l’usage immodéré des liqueurs spiritueuses & des alimens échauffans ; la faim, la soif supportées trop longtemps ; les exercices violens, les travaux pénibles, les veilles continuelles, le défaut de bons alimens ; enfin, la dépravation du suc nourricier.

Quand cette maladie est produite chez les enfans par des embarras dans les glandes & les viscères du bas-ventre, on doit appliquer des topiques émoliens &c résolutifs sur le bas ventre, pour pouvoir résoudre ces obstructions, ou le frotter avec de l’onguent d’althea ; faire prendre des bains de lait & des résolutifs internes.

Chez les vieillards, le traitement est plus facile. Il faut employer les eaux termales ou acidules. Le traitement le plus simple consiste à dpnner des évacuans avec des fortifians. L’émétique seroit nuisible, à moins qu’on n’eût rendu l’humeur mobile & le ventre libre. Il vaut mieux s’en tenir à certains purgatifs, tels que la rhubarbe & le mercure doux en bol, & dans l’intervalle de ces purgatifs, donner des gommes résolutives, comme la teinture volatile de gayac.

Le savon combiné avec la myrrhe, conviennent quand il y a de la mucosité dans les humeurs. On doit encore faire faire de l’exercice, & des frictions aromatiques sur le bas-ventre. Mais avant ces frictions, il faut procurer la liberté du ventre, sans cela elles échauffent considérablement, & causent des étranglemens funestes, & la fièvre lente. Le lait de vache, de chèvre, celui d’ânesse, les crèmes de riz, d’orge, de sagou, de pomme de terre, les bouillons mucilagineux, comme ceux de veau, de tortue, de poulet & de limaçons, des bonnes gelées à la viande, & les boissons adoucissantes, conviennent en général à tout espèce de marasme, sur-tout à celui qui a pour cause un vice dans les fluides & dans la rigidité des solides. Il ne faut jamais perdre de vue l’estomac ; c’est de tous les viscères celui auquel il convient de s’attacher. Pour cela on doit le fortifier & le raffermir ; le quinquina, la gentiane, la camomille, sont des remèdes trop énergiques pour en négliger l’emploi. Mais, un remède éprouvé en Angleterre, & qui est très-propre à rétablir singulièrement les digestions, est l’élixir de vitriol pris à la dose de vingt gouttes deux fois par jour, dans un verre d’eau ou de vin.

Buchan recommande beaucoup le vin calibé. Il fortifie les solides, & aide singulièrement la nature dans la confection d’un bon sang. Selon lui, le malade doit en prendre une cueillerée à bouche deux ou trois fois par jour.

Mais les amusemens agréables, ajoute ce médecin, la société des personnes gaies & enjouées, l’exercice du cheval, sont préférables, dans cette maladie, à tous les médicamens. Aussi, toutes les fois que la fortune du malade le lui permettra, nous lui conseillons d’entreprendre un long voyage, pour son plaisir, comme le moyen le plus propre à lui rendre sa santé.

Si la débauche, ou plutôt la masturbation, a produit le marasme, le meilleur conseil qu’on puisse donner, c’est d’observer la continence la plus stricte. M. Ami.