Cours d’agriculture (Rozier)/MORFONDURE

La bibliothèque libre.
Hôtel Serpente (Tome sixièmep. 581-582).


MORFONDURE. Médecine Vétérinaire. En Languedoc, la plupart des maréchaux, & presque tous les paysans, appellent de ce nom toute maladie dans laquelle le cheval, l’âne & le mulet sont dégoûtés, ont le poil terne & hérissé, sur-tout à la queue, sans toux ni flux par les naseaux, ni engorgement des glandes lymphatiques de la ganache ; ils sont dans l’erreur, puisque d’après une expérience journalière, la morfondure est une affection semblable au rhume simple de l’homme, avec toux, écoulement de mucosité, comme dans la gourme, (Voyez ce mot) d’abord limpide, séreux & abondant dans le commencement, épais à la fin, tristesse, perte d’appétit, & qui dégénère quelquefois en morve, (Voyez ce mot) si elle est négligée ou mal traitée.

Les causes les plus ordinaires de cette maladie sont le froid : si un cheval, par exemple, après avoir eu chaud, est exposé au froid, au vent & à la pluie, la transpiration qui se fait à la tête, est tout-à-coup supprimée, la peau se condense, les pores se resserrent, & l’humeur de la transpiration refluant dans le nez, il en nait la morfondue. Les boissons trop fraîches respectivement à l’état de l’animal, peuvent occasionner aussi cette maladie.

Quelquefois la difficulté de respirer est si considérable, que la vie de l’animal est en danger. Nous avons vu dans un cheval de carrosse, appartenant à M. l’évêque de Lodève, une difficulté de respirer si forte, à la suite d’un froid que cet animal avoit éprouvé, qu’il ne pouvoit rien avaler, &, pour le tirer du danger dont il étoit menacé, nous fûmes obligés de lui faire ouvrir la jugulaire, malgré le préjugé du cocher, qui dans ce cas regardoit la saignée comme mortelle.

Traitement. Aussi-tôt que la morfondure commence à se manifester, il faut promptement exposer la tête du cheval aux fumigations émollientes, dans la vue de détacher la matière, & de diminuer l’engorgement des glandes. L’eau blanche, nitrée & miellée, lui servira de boisson ; le son mouillé & la paille seront la seule nourriture à lui présenter dans les trois ou quatre premiers jours de la maladie : on le tiendra couvert, dans une écurie chaude, propre, & dont l’air soit bien pur.

Cette méthode, quoique simple, est bien opposée à celle que tiennent la plupart des maréchaux de la campagne, qui ont l’habitude de faire suer des animaux par des couvertures de laine & des breuvages échauffans, réitérés sur-tout à haute dose, persuadés que les remèdes de ce genre ont plus d’affinité avec le tempéramment des brutes qu’ils traitent, que les mucilagineux & les adoucissans. Mais qu’arrive-t-il de cette mauvaise conduite ? qu’au lieu de remédier à la morfondure, ils provoquent des inflammations de poitrine ou des toux violentes qui conduisent inévitablement l’animal à la mort. Cette observation est très-importante, & elle doit intéresser les fermiers qui ont des animaux utiles à leurs travaux. M. T.