Cours d’agriculture (Rozier)/MORVE (supplément)

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MORVE, (Maladie des chevaux, ânes, mulets.) Nous allons exposer quelques faits sur la contagion de la morve ; nous placerons, à la suite, des observations sur ses causes, ses espèces et son traitement.

Premier fait. Un poulain élevé au lait de vache, qui a eu une gourme bénigne à six mois, qui a été nourri au sec, mangeant foin, paille de froment et avoine, qui, jusqu’à ce jour, a été constamment avec des chevaux morveux au dernier degré, et qui est aujourd’hui âgé de deux ans, n’a jamais montré le moindre symptôme de morve.

Deuxième fait. Une très-bonne jument bretonne, propre au cabriolet, appartenant à MM. Carrier et Malet, cultivateurs à la Varenne-Saint-Maur, avoit tant de qualités, que plus d’une fois ils en ont abusé : cette bête étoit capable de faire quinze et vingt lieues tous les jours, et, presque tous les jours, trois et quatre lieues dans cinquante et soixante minutes.

Cette excellente bête a eu plusieurs maladies graves, telles que des engorgemens aux extrémités postérieures ; des arrêts de transpiration qui ont déterminé des angines internes et externes, des catarrhes, et enfin la morve avec tous ses degrés.

L’attachement que ces messieurs avoient pour une aussi bonne bête ne leur a pas permis de la faire sacrifier ; ils ont voulu la voir périr de sa maladie, et lui ont fait donner tous les soins possibles. Elle étoit seulement séquestrée sous un hangar, où on lui donnoit à boire et à manger tant qu’elle en vouloit ; mais, s’ennuyant seule, elle se détachoit souvent et alloit dans la grande écurie manger avec ses camarades ; ces messieurs grondoient leurs valets de leur négligence, et ont eu long-temps peur que cette malheureuse bête n’empoisonnât tous leurs autres chevaux. Mais il n’en est rien arrivé, quoique ce manège ait duré plus de trois mois, après lequel temps elle est morte de cette cruelle maladie qui avoit rongé et perforé la cloison cartilagineuse des naseaux dans plusieurs points. Elle n’avoit d’autres lésions intérieures, que des engorgemens considérables de tout le système lymphatique.

Troisième fait. On a incisé la membrane pituitaire d’un cheval sain, et introduit de la matière de morve dans la plaie, sans que la morve ait paru dans le cheval inoculé. Le même cheval a été mis pendant deux mois entre deux chevaux morveux ; ils fournissoient abondamment de la matière qu’on lui inoculait de toutes les manières, sans que la morve se soit jamais développée ; on lui en mettoit tous les jours sur la membrane pituitaire avec le bout de l’index, et on l’inoculoit en égratignant la membrane avec l’ongle, au point d’avoir fait venir un ulcère à cette partie, mais qui n’étoit accompagné ni de flux, ni d’engorgement des glandes lymphatiques. Après deux mois d’expériences réitérées, le cheval a été mis chez un cultivateur, pour qu’il fût soumis aux travaux agricoles ; M. Chaumontel l’a suivi dans ses exercices ; le chancre produit par l’incision et l’irritation faites à la membrane pituitaire s’est guéri ; et, depuis ce temps, il a habité, vécu et travaillé avec d’autres chevaux, qui n’ont éprouvé aucune affection.

Quatrième fait. Un marchand de chevaux de Paris a amené à l’École vétérinaire d’Alfort, comme le constatent les registres de Clinique de ladite École, plusieurs chevaux glandés, chancrés, et jetant un flux visqueux par les naseaux : ils sortoient de son écurie, qui étoit très-chaude, peu aérée, comme la plupart de celles des marchands de chevaux de Paris. Ayant été déposés dans les écuries consacrées aux chevaux morveux, ces animaux y ont été parfaitement guéris par le moyen des vésicatoires, des béchiques incisifs, des fumigations faites avec des plantes aromatiques et le vinaigre, secondés par une bonne nourriture, ainsi que par un exercice modéré et soutenu. Ces chevaux ne se sont plus ressentis de cette affection. Si la morve étoit contagieuse, ils n’auroient pas guéri ; au contraire, cette maladie se seroit aggravée dans des écuries infectées.

Cinquième fait. M. Chaumontel a été appelé à P…, au mois de frimaire an 11, chez M. D…, pour visiter une écurie de quatorze chevaux infectée de morve. Un premier cheval jugé incurable avoit été séquestré ; le mal ayant fait trop de progrès, ce cheval a été sacrifié. Les treize autres restant dans l’écurie étoient glandés, quelques uns chancrés ; ils jetoient un flux blanc et visqueux, les uns par une narine, les autres par les deux à la fois. Ceux qui ne jetoient que par une narine n’étoient glandés que d’un côté. Dans tous, les membranes pituitaire et conjonctive étoient infiltrées et d’une couleur jaunâtre ; cet état étoit accompagné de la tristesse, de la foiblesse et du brillant du poil. Tous les chevaux avoient été attaqués successivement, et celui qui avoit été séquestré étoit accusé, par le propriétaire, d’avoir donné la morve à tous les autres. Étant persuadé que la cause de la maladie régnante ne venoit pas de ce premier cheval, M. Chaumontel a d’abord examiné le fourrage ; il étoit de fort bonne qualité, l’eau étoit aussi très-bonne : mais il a su que ces chevaux sortoient à deux heures du matin, dans les mois de frimaire et nivose, attelés à une charrette pour voiturer des denrées à Paris ; qu’ils sortoient d’une écurie très-chaude qui n’avoit d’air extérieur que celui entrant par deux portes ; le sol de cette écurie étoit au dessous du sol extérieur, et les portes étoient au nord.

N’ayant trouvé d’autres causes que l’insalubrité de l’écurie, qui étoit humide, froide et chaude alternativement, qui pourrissoit tous les harnois, qui occasionnoit de fréquens catarrhes aux valets d’écurie couchés dedans, il a conclu que la transpiration, qui étoit abondante dans ce local, se trouvoit interceptée lors de la sortie des chevaux, pendant un temps très-froid, et durant le long intervalle nécessaire au chargement des voitures et aux préparatifs du départ.

Il a fait exécuter à l’écurie, et sous ses yeux, de larges ouvertures du côté du midi ; on a fait deux portes coupées dont on tenoit toujours le haut ouvert ; le sol a été exhaussé, et l’écurie assainie complètement par des courans d’air.

Il a rasé le poil de la ganache, et appliqué l’onguent vésicatoire sur les glandes engorgées ; on a fait macérer des baies de genièvre dans le vinaigre, et l’on en a fait des fumigations. On a exécuté le pansement de la main deux fois par jour ; les chevaux ont été mis à la charrue, à la herse, et à la nourriture ordinaire ; tous les symptômes ont diminué, et les animaux ont été guéris en quinze jours, sans qu’on les ait changés d’écurie.

Si la morve étoit contagieuse, comme on l’a dit ; si elle se communiquoit par les ustensiles d’écurie et par les harnois, comme on l’a cru, on ne pourroit plus voyager avec des chevaux à soi, et sans courir les risques de les rendre morveux. Pourroit-on citer une auberge où n’aient pas logé des chevaux morveux ? Quand plusieurs chevaux sont attaqués ensemble ou successivement, c’est qu’ils ont participé à des causes communes. Quand un cheval sain, mis à côté d’un cheval morveux, devient affecté de la morve, c’est qu’il l’auroit eue sans cette cohabitation.

Or, les dispositions qui la produisent spontanément sont, la foiblesse, l’épuisement, un genre de relâchement de tout le système, venant d’alimens privés de sucs, de logemens insalubres, etc. Quand ces dispositions existent, les circonstances dans lesquelles la maladie se déclare sont le passage du chaud au froid, un travail forcé, etc.

Les mauvais alimens causent de mauvaises digestions, et débilitent l’estomac ; de la foiblesse de ce viscère résulte une infinité de maux, tels que des tranchées, des affections vermineuses, des engorgemens lymphatiques, le farcin, la gale, etc.

Les écuries insalubres causent les plus grands désordres dans l’économie animale. Les plus dangereuses sont celles qui sont humides, où l’urine séjourne, dans lesquelles l’air extérieur ne circule pas ; qui sont mal exposées, trop froides ou trop chaudes ; qui sont sous terre, ou adossées contre des terres élevées, imprégnées d’eaux fétides et décomposées.

L’eau des puits creusés dans des terres remuées, qui vient des égouts et des latrines, est dans le cas de produire les mêmes effets, et d’occasionner d’autres maladies aussi graves que la morve.

Enfin le froid, le chaud, les arrêts de transpiration, qui causent aussi d’autres maladies, occasionnent souvent celle qui nous occupe ; ces causes, qui paroissent être indirectes et accessoires, n’en sont pas moins des causes essentielles, qui prouvent que tout ce qui tend à affoiblir les organes respiratoires et le système lymphatique, prédispose à la morve.

Nous le voyons dans l’usage des chevaux du Nord, élevés jusqu’à l’âge de trois ou quatre ans, avec des foins de bas prés, de mauvaise qualité, pendant l’hiver, et abandonnés, l’été, dans des pâtures riches et abondantes. Cette alternative de misère et d’abondance donne lieu à un tempérament très-foible ; il en résulte qu’ils ne sont pas capables de soutenir les mêmes fatigues que les chevaux du Midi, élevés différemment, et nourris au grain et avec des fourrages plus savoureux. Ce qui prouve cette assertion, c’est que la morve n’est guères connue dans le Midi, et qu’on n’y fait pas d’attention à un écoulement par les naseaux, fût-il même accompagné de chancres, et de l’engorgement des glandes lymphatiques de dessous la ganache, accidens qui disparoissent avec de l’exercice et une nourriture fortifiante.

Le vert donné aux chevaux qui ont passé par les autres causes débilitantes, augmente la disposition à cette maladie, et la développe au point de faire périr les chevaux qui en sont atteints. Plus les animaux sont long-temps soumis aux causes déterminantes, plus la maladie s’aggrave et précipite ses effets vers la perte de l’animal.

La morve simple, qui n’affecte que la membrane nasale, ne tue point, mais elle laisse par les naseaux des écoulemens de matière lymphatique plus ou moins épaisse et plus ou moins abondante, selon les saisons, selon les alimens qu’on donne aux animaux, et enfin selon l’exercice qu’on leur fait faire ; le fait est que la morve simple n’empêche pas qu’on ne retire d’un cheval un bon service, et que c’est un meurtre, une barbarie de le faire sacrifier.

On ne doit donc condamner que les chevaux en qui on reconnoîtra le flux visqueux par un ou deux naseaux, du côté de la tuméfaction des glandes lymphatiques ; le trouble des humeurs du globe, le gonflement de la paupière inférieure, le boursouflement des os du nez ou des maxillaires, les chancres à la membrane pituitaire, la cloison cartilagineuse perforée, la difficulté de respirer, le marasme, des engorgemens aux jambes, au fourreau ; et ces symptômes doivent être réunis la plupart. Il est des sujets forts et robustes, qui résistent long-temps aux causes déterminantes de la morve, et chez qui les effets marquent toute leur vie, sans les empêcher de rendre de bons services, et sans altérer d’ailleurs leur santé.

Cette morve simple n’est même souvent que symptomatique. M. Dupuis, cultivateur à Mitry, près Clayes, département de Seine et Marne, a amené à l’École un très-beau cheval de charrette de la valeur de 25 à 30 louis, qui avoit eu les os du nez fracturés sous la muserole du licol. Cet animal cornoit à faire peine ; on ne voyoit pas d’où venoit ce cornage. M. Chaumontel a abattu ce cheval ; couché, il étoit prêt à suffoquer ; il lui a fait la trachéotomie pour faciliter son examen ; il lui a appliqué plusieurs couronnes de trépan sur les sinus frontaux et sur les sinus maxillaires. N’ayant rien trouvé, il a fait un nouvel examen quelques jours après ; il a trépané les os du nez sur la partie enfoncée par la muserole ; là, il a trouvé une végétation adhérente à la face interne des os du nez, formée par l’expansion de l’os, et par beaucoup de vaisseaux, qui constituoient des chairs fongueuses, ressemblant à un polype. Ce corps extrait, l’animal n’a plus corné, mais il est devenu glandé, chancré : il a beaucoup jeté ; plusieurs engorgemens farcineux se sont manifestés. Dans cet état, M. Dupuis l’a abandonné, étant jugé par lui, et par beaucoup d’autres, morveux au dernier degré, et par conséquent incurable. M. Chaumontel a constamment pansé les plaies avec de l’eau acidulée tiède ; il a injecté de la teinture d’aloès intérieurement : l’animal n’a plus corné, le flux a disparu, les engorgemens se sont dissipés et parfaitement guéris. Au bout de six semaines, il a écrit à M. Dupuis de venir chercher le cheval qu’il avoit abandonné.

Un cheval fort et bien constitué, qui n’a point été soumis aux causes débilitantes, montre quelques symptômes de morve, ils cèdent et disparoissent avec la maladie dont ils dépendent.

La manière d’élever les jeunes chevaux dans tous les pays de pâtures humides, comme nous l’avons déjà dit, est si vicieuse, que nous devons lui attribuer la majeure partie des maladies chroniques qui affectent généralement les chevaux de ces pays ; c’est pourquoi ils réussissent mal dans les corps de cavalerie, et aux différens usages auxquels on les soumet à Paris. Ce fait est encore une preuve en faveur du principe que nous admettons.

Résumé La morve pourroit bien n’être pas contagieuse, et son invasion sur plusieurs individus voisins ne semble due qu’à des causes auxquelles ils participent en commun.

Ces causes sont toutes celles qui affoiblissent le sujet à la longue, et dont l’effet paroît dès qu’il arrive un arrêt de transpiration.

Enfin la morve simple, celle qui est bornée à la membrane pituitaire, n’empêche pas le cheval de rendre long-temps de bons services, lorsqu’il est fortement constitué, et qu’il a résisté à une grande partie de l’influence des causes générales.

(Chabert, Chaumontel, et Fromage.)

Morve des chiens, ou Maladie des chiens. M. Paulet, dans ses Recherches historiques et physiques sur les maladies épizootiques, lui donne le nom de fièvre maligne, et il se plaint de ne la trouver bien décrite nulle part.

M. Pilger, auteur allemand, pense que cette maladie est une fièvre accompagnée d’une fausse inflammation des organes de la respiration, et que son siège principal est le système lymphatique. Il dit aussi qu’elle est contagieuse ; ce qui est loin d’être prouvé.

Elle se déclare dans toutes les saisons, mais sur-tout dans les années sèches, et dans le printemps et en été.

Les jeunes chiens y sont plus exposés.

Elle effectue quelquefois son invasion après une course, une fatigue extraordinaire.

Nous n’avons point d’exemples qu’elle soit enzootique ; mais, dans les années où cette maladie est épizootique, elle fait périr, dans quelques endroits, les deux tiers des animaux. Beaucoup de chiens de berger en meurent.

Est-il vrai qu’elle soit nouvelle, et que ses ravages ne soient connus que depuis quarante ou cinquante ans ?

M. Desmars, médecin, qui l’a observée dans le Boulonnais en 1763[1], suppose que le froid et la sécheresse qui régnèrent pendant l’hiver et le printemps de 1763, et même dans l’automne de 1762, avoient empêché les corps de se purger des matières excrémentielles ; qu’elles étoient devenues concrètes par la sécheresse, et que la coction en étoit ainsi très-difficile. Il prescrit les évacuans.

M. Brasdor la vit à Paris et dans les environs, vers 1764, et trouva des vers dans les narines des chiens qui en furent affectés[2] observe que les matières stercorales sont putrides, et il prescrit le lait, le miel et le beurre frais. Il conseille les injections et les fumigations par le nez, les vomitifs et les purgatifs, et défend la saignée.

M. Audoin de Chaignebrun, employé par ordre du gouvernement pour le traitement des épidémies, l’a vue en 1763 dans la généralité de Paris[3].

MM. Desgraviers, la faisant consister dans une humeur pervertie qui a son siège dans le cerveau, emploient les irritans pour en procurer l’évacuation[4].

Cette maladie fit de grands ravages en 1769 et 1770, où elle régna épizootiquement sur tous les chiens de meute du roi, des seigneurs de la cour et des provinces de France ; les villes principales, telles que Lyon, Paris, etc., n’en furent pas exemptes. M. Duhamel l’a observée sur les chiens et les chats du Gâtinois, en 1763, 1764 et 1765[5]. Il fit employer les lavemens, l’émétique, la manne, les fumigations, les vermifuges.

M. le Verrier de la Conterie attribue la maladie à une humeur qui fermente dans le sang et qui le corrompt. Il purge avec une pinte de bouillon de tête de mouton, et ordonne comme préservatif la saignée dans le printemps et l’été, au commencement de la lune[6]

M. Paulet conseille les trochaïques de minium à l’encolure ou aux fesses, pour empêcher les dépôts sur les articulations.

M. Berniard[7] prescrit l’éther dans le lait pour s’opposer au spasme.

M. Arquinet, vétérinaire, l’a observée à Pézenas au mois de juillet 1787.

M. Barrier, vétérinaire à Chartres, qui a publié un Mémoire sur la maladie des chiens, a observé que dans l’arrondissement qu’il habite, beaucoup de chiens et de chats ont péri de cette même maladie pendant les hivers de 1782, 1783 et 1784[8]. Il la regarde comme humorale : le sac biliaire paroît, dit-il, contenir la cause de tous les désordres ; il est d’une ampleur extrême ; la bile y est souvent concrète ; cette surabondance de bile et ses qualités sont les causes efficientes de la maladie.

Il conseille la saignée, les vomitifs, les purgatifs, les antispasmodiques et le séton.

Il prescrit la saignée seulement quand il y a coma, rougeur des yeux, difficulté de respirer sans spasme.

Il donne pour vomitif trente grains d’ipécacuanha en deux doses.

Il purge avec un gros de jalap dans un verre d’eau tiède, ou avec une once de sel d’Epsom.

Il réitère ces moyens, et quelquefois il les alterne. Il emploie comme antispasmodique, l’éther, et l’opium extrait à l’eau de trois jusqu’à douze grains.

Il a expérimenté que le séton est nuisible lorsqu’il y a des convulsions, parce qu’il excite le vomissement, des dévoiemens, le tétanos, etc. Dans les cas contraires, il place à la partie supérieure du cou un séton ou une ortie, dont il excite l’action par l’onguent vésicatoire.

Nous l’avons vue très-répandue aux environs de Paris, dans les années 1799 et 1800 : nous la traitons fréquemment à l’École d’Alfort.

Nous ajouterons enfin que le vulgaire, dans cette maladie, applique des emplâtres de poix sur la tête ; coupe les oreilles et la queue, donne des prises de tabac ou d’ellébore en poudre, verse par les naseaux du vinaigre dans lequel on a mis du poivre ; fait avaler du tabac dans de l’huile d’olive, etc.

Il en est encore qui mettent un petit bâton de soufre dans l’eau qui sert de boisson aux chiens, pour les préserver de la maladie ; mais le soufre employé de la sorte, ne se dissolvant pas, est sans effet.


Symptômes de la maladie des Chiens.

Premier degré. La tristesse et la pesanteur de la tête, une espèce de stupeur, se manifestent tout à coup, le plus souvent sans nul autre prélude ; l’animal s’ébroue fréquemment, et est enchifrené ; les yeux deviennent ternes, troubles, verdâtres ; la prunelle se dilate, le râle se déclare, ainsi qu’un flux par les naseaux qui sort par filets, dont la matière est ou blanchâtre ou verdâtre, et d’abord assez fluide ; mais elle s’épaissit bien vite, elle se colle et s’agglutine à l’orifice des naseaux ; peu de temps après, et quelquefois dans le même moment, les paupières, se tuméfient, et il en découle une humeur pareille à celle qui sort du nez ; elle agglutine les paupières l’une à l’autre.

La toux survient, ou elle précède le flux ; elle est sèche, quinteuse et très fatigante ; l’animal a des nausées fréquentes, et vomit quelquefois des glaires écumeuses.

Les urines sont très-jaunes, et d’une odeur infecte.

Le dégoût pour toute sorte d’alimens se manifeste plus tôt ou plus tard.

Le pouls est d’autant plus accéléré, que la maladie a fait plus de progrès ; et il est toujours très-irrégulier.

On trouve dans quelques jeunes chiens une hydatide sous le frein de la langue. Mais un signe commun à tous les animaux malades, est la fonte subite de la graisse ou la rapidité avec laquelle ils maigrissent.

Deuxième degré. Tous les signes précédens augmentent d’intensité ; les yeux se boursouflent, ainsi que le nez ; la matière acquiert de l’épaisseur ; elle bouche le nez, clôt les paupières, ce qui est une suite de l’engorgement de la membrane pituitaire et de la conjonctive ; la cornée lucide est verdâtre, la prunelle se dilate et le cristallin se présente sous une couleur verte. Il en est à qui il survient à chaque œil un ulcère à la cornée sur le point visuel ; l’humeur qui flue par les naseaux devient si épaisse, qu’elle bouche entièrement les fosses nasales, en sorte que l’anima] ne peut plus respirer que par la gueule, ce qui le fatigue beaucoup.

Il est des animaux qui témoignent beaucoup de douleur lorsqu’on leur presse les reins. Cette partie s’affoiblit, devient bientôt chancelante ; il en est chez lesquels la peau, les oreilles et les extrémités sont très-froides ; d’autres éprouvent des convulsions qui sont précédées d’un genre d’inquiétude et d’aboiement ; ceux-ci avalent la paille, ont un air furieux et témoignent le besoin de mordre ; ils tombent dans le coma, dans lequel ils périssent, à moins qu’on ne les assomme.

Troisième degré. Le poil est terne et piqué, la peau se flétrit et se dessèche ; les convulsions surviennent, les muscles des mâchoires commencent la scène par des mouvemens irréguliers qui sont bientôt tels que la mâchoire inférieure frappe à coups redoublés contre la mâchoire opposée ; et il se passe une espèce d’aboiement tremblé ; les contractions de ces muscles, qui augmentent peu à peu, sont accompagnées, lorsqu’elles sont parvenues au plus haut degré, d’un flux de salive très-copieux ; à mesure que ce flux diminue, les heurts de la mâchoire dont il s’agit se modèrent, et enfin ils se calment entièrement ; le flux de salive cesse totalement après ces mouvemens tumultueux des mâchoires ; l’animal reste dans l’abattement, ou dans l’assoupissement, ou tombe et meurt, ce qui est néanmoins assez rare ; il est plus ordinaire de voir renouveler les convulsions des muscles des mâchoires, et par conséquent le flux de salive. Un certain nombre de sujets se livrent à courir circulairement dans l’enceinte où ils sont enfermés ; leurs mouvemens sont décomposés, ils chancellent, ils lèvent les pattes de devant comme des animaux qui ont perdu la vue, et les heurts qu’ils se donnent font juger effectivement qu’ils n’y voient pas.

Dans les intervalles des accès, le trouble se dissipe et fait place à un calme apparent ; l’air expiré, les excrémens, tout le corps en un mot exhale une odeur puante.

Les animaux qui ont éprouvé ces convulsions ont bientôt les membres et surtout les extrémités postérieures, ainsi que la croupe, très-embarrassés.

Plus ces accès se renouvellent souvent, plus la mort est prompte ; il y en a qui restent frappes du coma douze et même vingt-quatre heures ; ce sont ceux chez lesquels la respiration est moins gênée.

La presque totalité des chiens qui sont atteints de ces convulsions éprouvent un mouvement de frisson après l’accès, et souvent ce frisson n’est pas plutôt terminé, qu’ils éprouvent une nouvelle attaque.

Quatrième temps de la maladie. La majeure partie des animaux, périssent dans ces convulsions, ou après les avoir éprouvées. Mais ceux qui réchappent éprouvent un autre mode d’affection convulsive ; les muscles se relâchent et se contractent alternativement et d’une manière indépendante de la volonté.

Dans les uns, la tête reste branlante ; dans les autres, ce sont les extrémités qui se contractent perpétuellement, soit que l’animal marche, ou qu’il soit en repos, qu’il soit couché, ou qu’il sommeille. Dans un certain nombre de sujets, toutes les parties sont perpétuellement en action ; mais il est plus général de voir une ou plusieurs parties affectées de ce mouvement ; ce genre de soubresaut, au surplus, ne doit pas être confondu avec le tremblement qu’on appellefrisson.

Ce soubresaut consiste dans une action légère de flexion et d’extension des muscles de la tête, ou des extrémités qui en sont affectées. Lorsque les quatre jambes éprouvent à la fois ces mouvemens, l’animal malade offre tous les signes de la maladie que l’on appelle, dans l’homme, la danse de Saint-Wit. On en voit qui vivent plusieurs années dans cet état ; il arrive encore que la croupe d’une des extrémités postérieures, ou toutes les deux tombent dans la paralysie.

Enfin, abstraction faite de la paralysie partielle, ou de la danse de Saint-Wit, l’animal jouit de la santé.

On observe que si c’est un des membres postérieurs qui soit affecté de convulsions partielles, l’extrémité perd tous les jours de son volume, et qu’au bout de quelque mois elle tombe dans l’atrophie.

Quoi qu’il en soit, la maladie parvenue à l’une ou l’autre de ces terminaisons, change entièrement de face ; les convulsions épileptiques ne se montrent plus, l’appétit revient, l’animal sourient sa tête, il n’est plus triste, le flux des yeux et des narines est dissipé.

On a vu l’accès se terminer, dans quelques sujets, par des éruptions de pustules sous le ventre et l’encolure ; éruptions dont le caractère est à peu près le même que celui des pustules varioliques, en ce qui concerne leur volume et leur aréole inflammatoire, mais qui ne soulagent point l’animal : ce ne sont que des épiphénomènes qui n’arrêtent point la marche de la maladie. Il en est de même des abcès qui se manifestent quelquefois sur une partie quelconque du corps, mais plus particulièrement & l’une des cuisses. On a encore observé qu’à la suite d’une constipation opiniâtre, la maladie avoit quelquefois pour terminaison des dyssenteries qui n’étoient pas moins fâcheuses.

La gale, quand elle survient aussi à la fin de la maladie, ne peut guères être plus salutaire. Le petit nombre d’animaux qui ne périssent pas de la maladie perdent la finesse de la vue et de l’odorat ; il en est qui sont aveugles, et la plupart restent comme hébétés. On en voit, après la guérison, à qui les traits altérés, l’enfoncement des yeux, la difficulté des mouvemens, les dents tombées ou cariées, donnent un air de vieillesse, quoiqu’ils ne soient âgés que de dix-huit mois ou deux ans.

Lorsque la maladie ne prend pas ce mode de terminaison lente, les accès deviennent plus rapprochés et l’animal périt dans des convulsions affreuses, et dans une espèce d’affaissement qui les suit.

Alors le corps est ordinairement pâle, décoloré, et pour peu que la maladie se soit prolongée, la grande maigreur fait que le cadavre paroît en quelque sorte un squelette.

On a observé, dans les circonstances où cette maladie étoit épizootique, que le nombre d’animaux qui ont succombé sans éprouver de convulsions épileptiques, étoit à peu près égal à celui des animaux qui ont péri après avoir éprouvé ces convulsions.

Dans ceux qui ne les ont pas, la mort est plus prompte. Ils sont tout à coup affectés de tristesse profonde, de dégoût absolu ; les yeux se troublent, la cornée lucide est verdâtre, les paupières sont noires et comme gangrenées ; ils ne respirent que par la gueule, qu’ils tiennent béante ; les lèvres rentrent avec la colonne d’air, la toux est très-pénible, l’animal éprouve une abolition des sens, et la mort suit cet état ; elle a lieu au bout de sept ou huit heures.

On a vu, sur vingt malades, un seul périr dans l’épilepsie.

Les accès les plus violens de l’épilepsie sont annoncés par des hurlemens, des plaintes, de l’agitation, des courses rapides, dans lesquelles on voit que l’animal a perdu la vue et l’ouïe ; alors la cornée lucide est verdâtre, affaissée et vidée, en sorte que l’humeur aqueuse ne se renouvelle plus.

On a observé de plus que ceux qui périssoient dans cet état, ont tous les poumons plus ou moins affectés d’induration, de tuméfaction et même de suppuration.

Quelquefois l’éternuement précède le flux.

La toux est bien rarement accompagnée d’expectoration ; et la maladie est d’autant plus grave, que l’amaigrissement est plus rapide.

Lorsque les convulsions sont suivies du coma ou de l’assoupissement, les urines, pendant que l’animal est assoupi, coulent goutte à goutte, involontairement, et sans efforts.

Lorsque la difficulté de respirer et le battement des flancs succèdent à la convulsion, l’animal périt au bout de quelques heures.

Tous les animaux qui ne peuvent respirer que par la gueule ne résistent pas long-temps.

Les nausées et l’appétit dépravé sont souvent accompagnes d’envies de mordre qui sont dues à la présence de vers et aux douleurs des entrailles ; mais il ne faut pas prendre ces épiphénomènes pour un symptôme de rage.

La dyssenterie n’est suivie de la mort qu’autant que les forces de l’animal sont ailleurs épuisées.

Ceux qui éprouvent des tumeurs sont beaucoup moins malades ; enfin, on pense que les chiens qui ont eu la maladie une fois, ne sont pas sujets à en être attaqués de nouveau.

La maladie dure de quinze à quarante jours, et si elle traîne, elle se prolonge jusqu’à cinq à six mois, et même ses effets subsistent quelquefois plusieurs années.

Lorsque la maladie a une marche rapide, les accès épileptiques sont plus rapprochés ou plus longs ; on en a vu durer trente-deux heures, à la fin desquelles les animaux sont morts.

Altérations observées dans les cadavres. Il est peu de maladies qui présentent des lésions aussi variées. Nous allons rapporter les principales, dans l’ordre de leur importance.

Tête. Les méninges sont tuméfiées, surtout vers la partie inférieure du cerveau, jusqu’au tour du trou de l’occipital ; ces désordres se prolongent sur les nerfs optiques, sur les parois des sinus falciforme et latéraux, dans la moelle allongée, et même dans la moelle épinière.

On trouve des épanchemens de sérosités entre la dure-mère et la pie-mère.

Le cerveau est gorgé, mollasse ; les ventricules sont abreuvés d’eau, le plexus choroïde est tuméfié ; il y a peu de consistance dans les différentes couches médullaires qui servent de base aux nerfs qui émanent du cerveau et du cervelet.

La glande pituitaire est macérée et entourée de beaucoup d’eau.

La moelle allongée et la moelle épinière participent aussi plus ou moins de cet état.

Les nerfs olfactifs sont épaissis, mollasses, jaunâtres, et l’os ethmoïde, par où ils pénètrent, a beaucoup moins de consistance que dans l’état sain ; les couches optiques, ainsi que les nerfs qui en émanent, sont affectés dans leur couleur et dans leur densité.

Tous ces désordres s’observent particulièrement aux nerfs de la cinquième paire, vers la protubérance annulaire qui leur donne naissance ; cette altération existe également dans les deux gros cordons qui se portent à l’une et à l’autre mâchoire : ils sont mollasses et jaunâtres.

Il existe des points d’ulcération avec de la matière séreuse, une espèce de matière purulente, gluante, dans les cellules ethmoïdales, dans les cornets, dans les sinus frontaux et maxillaires, dans l’orbite, même dans l’intérieur de l’oreille.

Ces phénomènes sont plus marqués dans les sujets en qui les convulsions ont été plus dominantes.

Ventre. Toute la masse intestinale est livide ; l’épiploon est infiltré et de couleur jaune foncée.

L’estomac est vide d’alimens et racorni, crispé, ridé, ou bien il est distendu ; il contient des humeurs glaireuses, jaunâtres ou verdâtres, et souvent des ascarides, des strongles. Ces matières s’observent aussi dans les intestins grêles qui sont cordés ou météorisés ; il y a très-peu de matières dans les gros intestins : les excrémens, formés en crottins, sont glaireux, bruns ; le foie est gorgé et parsemé de beaucoup de taches jaunes ; la vésicule du fiel est souvent très-volumineuse, les glandes lymphatiques sont gorgées, les vaisseaux lymphatiques très-apparens. On a remarqué, dans le canal thorachique, des matières formées en espèces de croûtes qui en tapissoient l’intérieur.

La vessie est souvent vide, et quelquefois distendue par une grande quantité d’urine.

Poitrine. Il y a de la sérosité jaunâtre épanchée dans la poitrine ; il y a des indurations, des points d’infiltration, de suppuration glaireuse dans les poumons ainsi que dans la trachée artère ; on y trouve aussi des vers. Le médiastin est épaissi, et le cœur est très flasque ; le péricarde est rempli d’eau mucilagineuse ; enfin, au lieu d’infiltration jaune, les membranes séreuses et muqueuses présentent quelquefois de légers engorgemens sanguins.

Causes. Est-il vrai que cette maladie soit due à la voracité naturelle aux chiens, à leur lasciveté, à l’usage fréquent qu’ils font de la charogne, etc. ?

Ne devroit-on pas plutôt l’attribuer au régime contre nature auquel on soumet ces animaux ? Ils sont essentiellement carnassiers, et cependant on ne les nourrit le plus communément qu’avec de la soupe, dans laquelle entre le gâteau composé du tissu rance d’où l’on a exprimé la graisse. Le pain grossier, seule nourriture végétale à laquelle ils sont condamnés dans bien des endroits, et principalement dans les chenils des seigneurs et des princes, surcharge leur estomac, le débilite, parce qu’il ne fournit pas les vrais sucs nourriciers propres à l’animal. Les gonflemens, les cardialgies, déterminent l’afflux du sang à la tête, à l’époque sur-tout où il y est déjà attiré, quand la dentition est dans toute force.

L’orgasme, ou la fièvre locale, causés par l’écartement des alvéoles, par la chute des dents de lait, par la profusion de celles d’adulte, suscitent jusque dans le cerveau un trouble singulier auquel le tempérament très-irritable du chien, sa grande susceptibilité nerveuse, donnent les caractères que nous avons développés.

Le chien aime la viande moins encore que les os ; il les ronge avec plaisir, les casse, et en avale de grosses portions, qui sont digérées, dissoutes dans l’estomac. Ce viscère a une force considérable dans cet animal : il a beaucoup plus que dans les herbivores, et même plus que dans le cochon, la faculté de se rapprocher sur lui-même ; cette force contractile est telle, qu’il ne reste presque point de vide dans son intérieur. Le chien peut ne manger qu’une fois en vingt-quatre heures ; aussi ce repas doit-il être composé, en grande partie, de viande et sur-tout d’os.

On peut encore remarquer que le chien ne mâche pas la viande ; elle ne reçoit qu’un coup de dent, et elle n’est point imprégnée de sucs salivaires. La mastication des os étant longue, il s’élabore de la salive en quantité suffisante pour favoriser une digestion complète ; et les sucs que fournit cet aliment sont plus nourrissans et sur-tout plus analogues à l’organisation du chien.

Les chiens qui vivent sans contrainte, ou ceux qui ont assez de liberté pour ramasser des os qui suppléent à la nourriture végétale, nous ont paru exempts de la maladie.

Caractères de cette maladie. On voit par ce qui précède, qu’elle présente plusieurs aspects, et qu’on peut y distinguer sommairement :

1°. Une fluxion sur le cerveau, sur ses membranes, sur le principe des nerfs, sur les nerfs eux-mêmes, sur la membrane pituitaire, sur le globe de l’œil et sur l’organe de l’ouïe.

2°. Une espèce d’ozène aigu qui paroît dépendre d’une affection générale.

3°. Des convulsions permanentes qui constituent la danse de St-Wit, ou St-Gui.

4°. Des convulsions passagères dans les mâchoires et dans tout le corps, avec tous les signes qui caractérisent une épilepsie dont les accès sont très-fréquens.

5°. Une paralysie de l’un des membres postérieurs, ou des reins, de la croupe et de ces deux membres.

Moyens préservatifs. Il faudroit faire élever moins de chiens par la même mère. Dans l’état sauvage, la fécondité du chien est moindre, parce que la nature n’est point modifiée par toutes les influences de la domesticité ; trop de chiens à allaiter épuisent la chienne nourrice ; et il en résulte aussi une disette pour chaque nourrisson ; et de là une cause prédisposante que nous indiquons, avec le moyen de la faire disparoître. Il y a trop de chiens dès que la mère souffre et commence à s’épuiser ; et il faut se hâter de prévenir les atteintes que la privation peut porter à l’organisation des jeunes animaux.

La nourriture de la mère doit être composée de chair et d’os donnés à satiété.

On pourroit donner du lait de vache aux jeunes chiens qu’on voudroit élever artificiellement ; et, quand leur développement seroit un peu avancé, on leur présenteroit de la viande hachée et des os pilés, pour exercer leur mastication, et ajouter à leur subsistance.

On ne doit les sevrer que lorsqu’ils peuvent manger suffisamment pour se nourrir et pour profiter. Il faut aussi que cet accroissement se fasse uniformément, sans secousses, sans interruption ; autrement il en résulte une mauvaise organisation et un mauvais tempérament.

On pourra donner, pendant quelque temps, du lait de vache aux chiens sevrés : mais, dès qu’ils pourront manger des alimens solides, il convient de leur présenter des os, avec de la viande autour, pour les exercer à ronger.

Les jeunes chiens, ainsi que les chiens adultes, doivent manger du pain bis dur ou rassis, afin qu’ils le mâchent mieux ; et il doit entrer dans leur nourriture de la viande et des os comme nous l’avons dit précédemment. On donnera de la viande de basse boucherie aux chiens les jours où ils chassent.

Les os ne leur seront donnés que le soir, afin que la mastication et la digestion s’exécutent tranquillement et sans précipitation. La raison pour laquelle on ne donne pas habituellement de la viande aux chiens, c’est que cet aliment diminue, dit-on, la finesse de leur odorat ; mais en ne la leur distribuant qu’avec mesure, il y a lieu de croire qu’elle n’aura pas cet inconvénient.

La boisson sera de l’eau pure et claire qu’on renouvellera matin et soir.

Un chenil, pour être bien tenu, devroit être compose de loges où les chiens se mettroient à l’ombre et l’abri de la pluie, et d’un espace enclos seulement de barreaux de bois ou de fer, pour permettre une libre circulation à l’air.

Le sol des loges seroit élevé et fait de planches. Les parois seroient de même en bois, pour épargner aux animaux l’humidité à laquelle les murs sont plus sujets.

Le chenil seroit nettoyé tous les jours.

Par ces attentions, il n’y a pas de doute que les chiens ne dussent jouir d’une santé et d’une longévité bien supérieures à celles dont ils ont joui jusqu’à présent. La dépense plus considérable, pour l’achat de la viande ou pour le soin de rassembler des os, seroit bien compensée par le plaisir d’avoir des animaux bien entretenus, toujours dispos, et fournissant à un long service.

Traitement curatif. Il importe beaucoup, pour arrêter les progrès de cette maladie, d’en saisir le premier temps. Les indications qu’il présente sont celles de résoudre la fluxion catarrhale qui affecte la membrane pituitaire et les méninges, ainsi que le larynx, le pharynx et les parties voisines.

On emploira, contre ce mode d’engorgement et contre les autres dérangemens qui l’accompagnent, les mucilagineux rendus suffisamment toniques, et les antispasmodiques en injections, en breuvages et en lavemens.

Les injections seront faites avec une forte décoction de son et de graine de lin ; on ajoutera sur un verre de cette décoction une once de baume de Fioraventi, dans lequel on aura fait dissoudre un gros de camphre.

Ce mélange sera lancé avec une seringue, et le plus haut possible, dans les naseaux de l’animal ; on renouvellera souvent ces injections, mais on aura l’attention de ne pas fatiguer l’animal ; il vaut mieux n’injecter qu’une fois dans chaque narine, et y revenir plus souvent.

Si l’on soupçonne des vers dans le haut du nez, on ajoutera à cette injection une cuillerée à café d’huile empyreumatique distillée sur l’essence de térébenthine : il est inutile de recommander qu’avant de charger la seringue de ce remède, il importe d’agiter et de mêler auparavant les substances qui le composent.

Le nez et la gueule de l’animal seront tenus dans la plus grande propreté.

Ces mêmes injections seront faites aussi dans la gueule ; on les fera pénétrer le plus profondément qu’il sera possible.

On fera prendre matin et soir un breuvage composé de la décoction de graine de lin, sur un verre ou quatre onces de laquelle on ajoutera eau de mélisse simple, et eau de fleur d’orange de chaque une once, et sel de nitre un demi-gros ; une partie de ce breuvage sera administrée le matin, et l’autre le soir ; chaque dose sera divisée en deux prises, et l’on mettra dans la première un demi gros d’huile empyreumatique grasse, bien pure, qui aura été délayée avant le mélange dans autant d’éther sulfurique.

Cette dose est prescrite pour les grands chiens ; elle sera diminuée pour les moyens et pour les petits, le tout proportionnellement à leur vigueur et à leur délicatesse.

Les mêmes substances, composées ainsi qu’il vient d’être prescrit, seront données en lavemens, l’un le matin, et l’autre le soir.

On lavera souvent avec une éponge légèrement humectée d’eau chaude les yeux et les naseaux de l’animal. Les yeux étant nettoyés et séchés, prenez baume de Fioraventi une once, éther sulfurique deux gros, renfermez dans un flacon bien bouché ; humectez de ce collyre les paupières, ainsi que les tempes, le front, le dessus de la tête. Ce moyen doit être employé trois à quatre fois par jour.

Il faut encore brosser l’épine de l’animal, et la frotter ensuite avec l’eau spiritueuse de lavande, matin et soir ; une attention essentielle est de frictionner long-temps, et d’employer peu de cette liqueur.

Si l’on apperçoit une tumeur sous le frein de la langue, il faut l’ouvrir sur le-champ avec la lancette ; le fluide qui s’en échappe est celui d’un vers de la nature des ténias hydatigènes ; puis on fait usage des gargarismes prescrits. Par l’effet de ces moyens, la plus grande partie des malades ne tardent pas à donner des signes de rétablissement : la température du corps se régularise, la peau devient souple, les urines coulent librement et avec les efforts que l’animal a coutume de faire pour opérer cette évacuation ; le flux, la toux se calment, les yeux se rétablissent, et le besoin de manger se manifeste avec plus ou moins d’activité.

Mais il importe d’être très-réservé sur la quantité et la qualité des alimens ; on doit lui donner de la viande, mais peu à la fois, et sur-tout de celle qui adhère fortement aux gros os, pour qu’il ne puisse en déchirer et en avaler que peu à peu.

Deuxième temps de la maladie. Les secours, ici, sont d’autant plus pressans, que le mal a fait plus de progrès ; il faut se hâter d’ajouter aux breuvages et aux lavemens prescrits, un demi-gros d’huile empyreumatique distillée. Il faut de plus appliquer fortement les vésicatoires de chaque côté de la poitrine, et les faire suppurer le plus long-temps et le plus fortement qu’il sera possible ; mais on doit être prévenu qu’ils prennent lentement et difficilement ; que ce n’est guères que du quatrième au sixième jour de leur application qu’ils excitent une espèce de suppuration ; c’est pour cela qu’on ne sauroit même les appliquer trop tôt ; enfin, lorsqu’ils ne prennent pas, c’est un signe qui doit faire perdre l’espérance.

Il faut réitérer souvent les frictions sur les reins, et les lavemens prescrits, pour défendre ces parties de la paralysie qui les menace.

Les convulsions et l’atrophie d’un membre réclament les frictions sur cette partie ; et si leur effet n’est pas suffisant, il faut, par un moyen quelconque, faire tenir de temps en temps le membre sain élevé, afin que l’appui se faisant sur le membre malade, il se nourrisse mieux et reprenne son action par degrés.

Le troisième temps de la maladie est toujours très-dangereux ; la majeure partie des animaux qui l’éprouvent en périssent ; cependant on peut encore en réchapper quelques uns.

On ne sauroit recourir à des moyens trop actifs à cause des convulsions des mâchoires : faites des raies de cautérisation sur les tempes et sur l’une et l’autre mâchoire, en suivant, le plus qu’il est possible, les cordons nerveux de la cinquième paire de nerfs qui se distribuent dans ces parties ; de plus, on en dirige une sur chaque os du nez. Cette opération faite, on lotionne les parties cautérisées avec le baume de Fioraventi mêlé à l’éther sulfurique.

Ce traitement du troisième temps peut même être appliqué au deuxième temps de la maladie, lorsque la violence du mal est considérable.

Quant au quatrième période, est question ici de ranimer des parties presque paralysées : on mettra en usage des frictions d’huile empyreumatique distillée, exécutées sur l’épine, la croupe et les extrémités : ces frictions doivent être réitérées tous les matins ; le soir, elles seront faites avec l’essence de lavande. Si l’animal témoignoit de la douleur lors de l’application des substances et pendant la friction, ce changement seroit favorable.

Si les choses en viennent à ce point, on se contente des frictions avec l’onguent nervin ; mais, pour peu que la force des muscles cesse d’augmenter, on doit revenir aux frictions d’huile empyreumatique distillée et d’essence de lavande.

Ce traitement exige de plus des breuvages et des lavemens d’infusion de plantes aromatiques, dans lesquels on ajoute l’huile empyreumatique distillée, à la plus forte dose que l’animal puisse supporter.

Si la dyssenterie survient, cette évacuation épuisant promptement les forces, elle doit être réprimée le plus tôt possible. On y parvient assez promptement, en donnant tant en breuvages qu’en lavemens l’huile empyreumatique et le musc, étendus l’un et l’autre dans la décoction de graine de lin.

Soins et régime dans la maladie. L’abstinence doit être observée avec la plus grande rigueur ; des alimens, quelque sains qu’ils puissent être, ne peuvent que nuire lorsque l’estomac ne peut les digérer.

En ce qui concerne les animaux dont le goût est dépravé, et qui mangent de la paille ou autres substances étrangères qui sont à leur portée, ils doivent être muselés avec un petit panier fait de fil de fer.

Les animaux malades seront séparés des animaux sains, et des autres animaux attaqués de la maladie, pour leur épargner à tous l’inconvénient de respirer un air altéré par les émanations fétides que fournissent leurs corps et leurs excrémens.

On fera dans le logement de chaque chien malade, des fumigations d’acide muriatique oxigéné, suivant le procédé de M. Guyton-Morveau. (Voyez Désinfection.) Ce logement doit aussi être suffisamment aéré, de manière qu’il soit frais en été, et cependant chaud en hiver.

Leur boisson sera une décoction de chiendent miellée, ou du petit lait, ou du bouillon léger. On les promènera, par beau temps, une fois le jour. (Ch. et Fr.)

  1. Lettre sur la mortalité des Chiens. Paris, d’Houry, 1767.
  2. . IlMémoires sur la Maladie épidémique des Chiens, dans les Mémoires de Mathématiques et de Physique ; présentés à l’Académie royale des Sciences par divers Savans, page 216 ; et dans la Préface du même volume, page ix.
  3. . MMRelation de différentes Maladies, sur plusieurs espèces d’Animaux, dans les Mémoires littéraires et critiques, pour servir à l’Histoire de la Médecine ; par Goulin, in-4o, page 139. Paris, année 1775.
  4. Art du Valet de Limier, in-8o. Paris, 1784.
  5. Observations Botanico-Météorologiques, dans les Mémoires de l’Académie royale des Sciences. Années 1764, page 552 ; 1765, pages 578, 596 et 603 ; 1766, pages 571 et 573.
  6. . Vénerie Normande, in-8o. Rouen, 1778.
  7. Lettre du 28 mars 1784, insérée dans le Journal de Phrsique de la même année, tome 45, page 258, et tome 46, page 118 ; dans la Bibliothèque Physico-Economique, année 1784, page 305.
  8. Instructions Vétérinaires. Paris, Huzard. Année 1794, page 122.