Cours d’agriculture (Rozier)/OPHTALMIE

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Hôtel Serpente (Tome septièmep. 281-283).


OPHTALMIE, Médecine rurale. Nom que l’on donne à l’inflammation de l’œil.

Cette maladie a pour l’ordinaire son siége dans les membranes externes de l’œil, & n’affecte jamais cet organe aussi essentiellement que le fait la goutte sereine, la cataracte, &c.

Les symptômes qui accompagnent l’ophtalmie, sont si sensibles, qu’il est impossible de la méconnoître. Ceux qui en sont attaqués, ont le blanc des yeux très-rouge & très-enflammé ; les vaisseaux qui rampent sur la membrane conjonctive, sont gorgés, de manière qu’ils sont très-saillans : les malades éprouvent dans l’œil un sentiment de chaleur, de tension & une douleur insupportable. Les parties voisines participent pour l’ordinaire de l’inflammation, ainsi que le pouls qui devient dur, serré & fréquent. La fièvre se manifeste quelquefois ; les paupières se tuméfient ; on sent un battement bien marqué dans les artères temporales. La lumière fatigue beaucoup : tantôt les yeux leur paroissent pleins de petits points noirs, & tantôt on croit voir voler des mouches. Il arrive quelquefois que les paupières sont tellement renversées, que l’œil demeure ouvert sans pouvoir se fermer. D’autres fois elles tiennent tellement ensemble que l’œil ne peut s’ouvrir.

La cause immédiate de l’ophtalmie est le sang qui coule en trop grande quantité dans les vaisseaux de la conjonctive, qui y reste en stagnation, & conséquemment les distend. L’ophtalmie est souvent causée par la suppression des évacuations périodiques, par la répercussion de la galle & d’autres maladies de la peau, par la suppression de l’écoulement de quelques vieux ulcères.

Des coups portés sur l’œil, des corps étrangers qui peuvent s’y introduire, l’application de matières âcres, la piqûre de certains insectes, peuvent aussi occasionner cette maladie.

Elle dépend très-souvent de l’âcreté du sang & de la lymphe, de l’abus des boissons échauffantes, de l’excès dans les plaisirs de l’amour, des veilles immodérées, d’un exercice trop violent, d’un long séjour à l’air froid & humide, du passage subit d’un endroit chaud en un lieu froid ; mais rien n’en plus capable de causer l’inflammation des yeux que de les fixer long-temps sur la neige ou sur d’autres corps d’une blancheur éblouissante, de regarder fixement le soleil, un feu clair ou tout autre objet éblouissant, & de passer subitement d’une profonde obscurité à une lumière éclatante.

L’ophtalmie n’est pas toujours une maladie essentielle, elle est souvent symptomatique & produite par quelque maladie invétérée, comme la vérole, les écrouelles & autres maladies très-opiniâtres.

Il règne souvent en été des ophtalmies épidémiques. On a même observé qu’elles devenoient contagieuses, particulièrement pour ceux qui vivoient dans la même maison que le malade.

Le meilleur remède contre l’inflammation de l’œil, est la saignée ; on doit la pratiquer ordinairement dans l’endroit le plus près de la partie affectée. Il faut donc ouvrir la veine jugulaire quand l’inflammation est portée au dernier degré ; mais quand elle n’est pas extraordinaire, la saignée du bras, plus ou moins répétée, procure assez promptement du soulagement aux malades.

L’application des sangsues aux tempes & aux paupières inférieures a toujours les plus grands succès, surtout si l’ophtalmie ne dépend pas d’une pléthore générale. Les malades doivent prendre en assez grande quantité des boissons délayantes & quelques remèdes laxatifs.

Les tisannes les plus appropriées à cette maladie, sont le petit lait, une limonade légère, l’eau de veau nitrée, l’eau d’orge, celle de gruau d’avoine.

Les pédiluves aiguisés avec la moutarde en poudre, ou avec une forte dissolution de savon, produisent le plus grand bien ; mais il faut en prendre au moins deux par jour, le matin & le soir.

On combattra l’ophtalmie causée par la suppression de quelque évacuation habituelle, par l’application des sangsues à l’anus, si elle dépend de la suppression du flux hémorroïdal ; on emploiera la saignée du pied, s’il faut rétablir l’évacuation périodique des règles : enfin on appliquera des cautères dans certains endroits, ou des vésicatoires au col ou entre les deux épaules, s’il faut évacuer une quantité d’humeurs qui se sont portées sur l’œil, soit par métastase ou par toute autre cause. Lorsque la maladie subsiste depuis long-temps, on obtient de bons effets d’un séton qu’on ouvre entre les deux épaules, ou au cou. Lorsque la chaleur & la douleur sont très-considérables, on doit appliquer des cataplasmes faits avec des pommes reinettes cuites dans l’eau de rose. La pulpe des pommes pourries ou cuites sous la cendre, sert dans le même cas, & avec un égal succès. Une émulsion simple employée en fomentation, calme aussi la douleur des yeux.

Si les malades sont tourmentés d’insomnie, on leur donnera quelques gouttes de laudanum liquide dans une émulsion simple.

Enfin on en vient aux collires pour laver & déterger les yeux, lorsque l’inflammation est dissipée.

On emploie pour cela un mélange d’une cuillerée d’eau-de-vie & de cinq cuillerées d’eau commune, ou bien trois onces d’eau distillée de frai de grenouille & de celle de morelle, un gros des trochaïques blancs de rhasis, & dix grains de sucre de saturne qu’on mêle ensemble, & on en bassine les yeux plusieurs fois dans la journée.

L’inflammation & les rougeurs des yeux ne demandent souvent pour être guéries, que le rétablissement du ressort des petits vaisseaux de la cornée & des paupières, il faut alors se servir du collire suivant. Prenez un gros de vitriol blanc, douze grains de camphre, vingt-quatre grains d’iris de Florence ; mettez macérer pendant quatre heures dans un blanc d’œuf durci dont le jaune aura été ôté auparavant, avec six onces d’eau de plantain, broyez le tout jusqu’à une entière solution & coulez. M. AMI.

Ophtalmie. Médecine vétérinaire. Inflammation du globe de l’œil à laquelle le cheval est beaucoup plus sujet que le bœuf & le mouton. Pour peu que cet animal se froisse contre quelques corps durs, ou qu’il ait reçu un coup sur l’œil, il lui survient une rougeur plus ou moins grande & étendue dans la partie antérieure du globe, désignée sous le nom d’ophtalmie.

Outre ces causes accidentelles, le tempérament du sujet, la constitution de l’air & du sol qu’il habite, un virus interne quelconque, entrent aussi pour beaucoup dans le pronostic de cette maladie.

Les chevaux, par exemple, d’un tempérament humide, ou qui vivent dans des pâturages marécageux, en sont plus souvent & plus long-temps affectés que ceux qui habitent les montagnes. Il en est de même de ceux dont l’inflammation est entretenue par une maladie, telle que la gale, le farcin, les dartres, la morve, &c. Elle ne cédera point aux remèdes ordinaires sans le secours des remèdes propres à combattre ces genres de maladies, & supposé qu’elle se dissipe, ce ne sera que pour un court espace de temps. (Voyez Dartres, Farcin, Gale, Morve) Mais hors tous ces cas, pour guérir l’ophtalmie, il suffit seulement de saigner une ou deux fois l’animal, suivant le degré d’inflammation, & de bassiner souvent l’œil avec de l’eau vulnéraire, ou bien avec une légère infusion de roses & de plantain. M. T.