Cours d’agriculture (Rozier)/PANARIS

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Hôtel Serpente (Tome septièmep. 398-400).


PANARIS, Médecine rurale. Tumeur inflammatoire qui vient à l’extrémité des doigts, à la racine, ou aux côtés de l’ongle.

Quoique Goucy en reconnoisse cinq espèces, & que Heister au contraire croye pouvoir les réduire à trois ; nous en distinguerons néanmoins quatre,

La première espèce est connue sous le nom de mal d’avanture. Le pus dans celle-ci, est contenu entre la peau & l’épiderme, quelquefois même sous l’ongle.

On le distingue ordinairement des autres espèces, en ce qu’il est mobile, qu’il passe aisément d’un doigt à un autre, & qu’il est toujours accompagné de douleurs moins vives & moins brillantes. Il vient toujours de cause interne, & pour le guérir, il faut avoir recours aux remèdes dépuratifs & altérans, qui puissent changer les dispositions vicieuses des humeurs en de meilleures.

On doit comprendre aussi dans cette première espèce le panaris fixe, qui a beaucoup de ressemblance avec le panaris mobile. Celui-ci reconnaît toujours pour cause, ainsi que le panaris de la seconde, troisième & quatrième espèce, les piqûres d’aiguille ou d’épingle, des échardes de bois, ou une forte contusion. Dans certains cas le corps étranger reste dans la plaie & y produit l’inflammation. Dans d’autres circonstances il arrive que la plaie externe étant trop petite pour permettre aux petits vaisseaux qui ont été piqués & ouverts, de se dégorger, il en résulte une inflammation peu douloureuse, mais par la suite les douleurs augmentent & deviennent plus vives.

Le panaris de cette espèce est regardé comme très-benin. Beaucoup de gens s’en débarrassent en trempant plusieurs fois le doigt affecté dans l’eau bouillante, ou en employant le vinaigre comme un violent répercussif, sur-tout si c’est une piqûre d’aiguille ou d’épingle qui lui ait donne naissance ; cette tumeur se termine alors par la solution simple. Mais s’il est produit par la présence de quelque corps étranger, tel qu’une épine ou écharde de bois, on peut avec la pointe d’une épingle le faire sortir, sans se procurer la moindre douleur. On voit tous les jours cette opération bien simple réussir entre les mains des femmes de la campagne. Pour l’ordinaire elles se prêtent un secours mutuel & ne le refusent point à ceux qui en ont besoin.

Si ce moyen paroît difficile dans son exécution, il faut alors appliquer sur l’endroit de la tumeur quelques légers maturatifs, tels que l’onguent de la mère, & la suppuration qui ne tarde pas à paroître, entraîne après elle la sortie du corps étranger.

Le panaris de la seconde espèce a son siége dans le tissu graisseux, & intéresse assez souvent le périoste ; c’est alors qu’il survient des douleurs très-aiguës & profondes avec pulsation, & que le pouls des malades est dur, serré & fréquent. L’insomnie, & souvent même le délire surviennent, la douleur s’étend sur tout le bras, les malades sont violemment tourmentés par la soif & le mal de tête ; la partie affectée est dans une tension considérable, le périoste devient fongueux, se putréfie, la matière du pus qui suinte, corrode la phalange, la plaie se boursoufle, il se fait alors une escarre qui, en se détachant, entraîne avec elle la chute de l’ongle

Celui de la troisième espèce se fixe dans la gaine des tendons fléchisseurs des doigts, & dans la substance des tendons. L’inflammation qui survient est véritablement érésypélateuse. La grande quantité des nerfs qui s’y distribuent, rend la douleur plus vive, plus brûlante & insupportable ; la fièvre aiguë, les veilles opiniâtres, les mouvemens convulsifs, & le délire, s’emparent du malade. Là douleur n’est pas seulement bornée à un seul doigt ; elle s’étend au contraire jusqu’aux doigts voisins, à le main, & à tout le bras. L’inflammation qui survient à la main, se propage sur tout le voisinage, & le pus qui se manifeste quelquefois, près des articulations, & même dans la main par une fluctuation, étant beaucoup plus abondant, distend la gaine, comprime les tendons & corrode les parties.

D’après des symptômes aussi effrayans, il ne faut pas s’étonner que le panaris de cette espèce soit regardé comme très-dangereux, souvent même mortel, & que ceux qui en sont attaqués y succombent quelquefois.

Il a toujours pour cause une inflammation interne, qui peut être produite à son tour par quelque cause externe qui affecte la gaine du tendon, ou le tendon lui-même, ou l’un & l’autre en même temps.

Lorsque la matière est enfermée dans la gaine du tendon, & que la tumeur, ne peut se terminer ni par résolution ni par suppuration, & qu’il y a lieu de présumer que l’humeur morbifique a percé l’extrémité de la gaine des tendons fléchisseurs, on doit faire une incision longitudinal qui pénètre dans la gaine elle-même ; si cette première incision ne suffit pas, il faut ouvrir la gaine, jusqu’à la première articulation ; & même jusque dans la paume de la main, si la matière y a pénétré. On a soin auparavant d’introduire une sonde canelée dans la gaîne : elle sert à conduire le tranchant du bistouri, & empêche que la pointe n’agisse sur la gaine, ou sur les os des phalanges. Si ces opérations ne suffisent pas, on fait une incision au poignet, &c.

La quatrième espèce est le panaris complet ou compliqué, qui établit son siége entre le périoste & l’os, & donne lieu à la pourriture de cette membrane.

Ce panaris est toujours accompagné d’une douleur profonde & vive, d’une tension inflammatoire, qui se borne assez communément à la phalange affectée, & qui ne passe guère le doigt. On y observe aussi la fièvre, les insomnies, les agitations & le délire.

On peut conclure que les trois dernières espèces de panaris sont accompagnées de symptômes assez effrayans pour faire connoître le danger réel que courent ceux qui en sont atteints. D’après cela, il faut de bonne heure recourir aux gens de l’art pour remédier au plus vite à la violence des symptômes, en procurant la sortie des corps étrangers qui peuvent les occasionner, en évacuant la quantité des matières contenues dans la tumeur. Nous n’insisterons plus sur les différens moyens que la chirurgie emploie en pareils cas. Nous finirons par exhorter ceux qui sont & seront assez malheureux pour être attaqués de ces tumeurs, à implorer le secours de ceux qui par leur prudence, leur sagacité, l’expérience & la dextérité de leur main, ont sçu mériter la confiance publique. M. AMI.