Cours d’agriculture (Rozier)/PLANTAIN

La bibliothèque libre.
Hôtel Serpente (Tome septièmep. 758-760).


PLANTAIN. Von-linné le classe dans la tétrandrie monogynie, & le nomme plantago ; il en compte vingt espèces. Tournefort le place dans la seconde classe des herbes à fleurs d’une seule pièce, en soucoupe dont le pistil devient le fruit. Il l’appelle également plantago. Il suffit de décrire ici les espèces les plus communes.

I. LE GRAND PLANTAIN, plantago major, Lin. Plantago Platifolia sinuata. Tourn.

Fleur ; d’une seule pièce, en soucoupe, divisée en quatre parties ; le tube renflé ; les étamines, au nombre de quatre & un pistil.

Fruit ; capsule ovale, à deux loges s’ouvrant horizontalement, renfermant plusieurs semences oblongues.

Feuilles ; elles partent des racines, sont ovales, larges, luisantes ; rarement dentelées sur leurs bords ; lisses ; à sept nervures, soutenues par de longs pétioles & couchées sur terre.

Racine ; courte, grosse comme le doigt, fibreuse, blanchâtre.

Port ; de la racine & du milieu des feuilles s’élèvent plusieurs tiges, à la hauteur d’un pied environ, arrondies, anguleuses, un peu velues ; les fleurs naissent au sommet, & sont disposées comme en épis.

Lieu. Les prairies, les chemins ; la plante est vivace, & fleurit en mai, juin & juillet.

2. Plantain à cinq côtes. Plantago lanceolata. Lin. Plantago angustifolia major. Tourn.

Il diffère du précédent par ses feuilles épaisses, en forme de lance, à cinq nervures, & par leurs pétioles plus courts que ceux du grand plantain… ; par sa racine assez grosse, comme tronquée à son extrémité, avec des fibres éparses ; par ses feuilles renvoyées & couchées par terre, couvertes d’un duvet épais & blanchâtre sur les bords ; par ses tiges velues, nues, cannelées, & par ses fleurs disposées en épis ovales ; ce plantain est très-commun dans les prairies.

3. Plantain découpé en corne de cerf. Plantago coronopus. Lin. coronopus hortensis. Tourn.

Fleurs & Fruits ; comme les précédens. Ses feuilles sont alongées, linéaires, profondément découpées, les découpures étroites & comme ailées ; caractère qui distingue cette espèce ; la racine est menue & fibreuse ; les feuilles sont droites pour la plupart ; les tiges s’élèvent du milieu des feuilles ; elles sont cylindriques & unies ; les fleurs sont en épis. La plante est vivace & connue même dans nos provinces du midi.

Propriétés. Les plantains & sur-tout celui à cinq côtes, ont des feuilles inodores ; d’une saveur herbacée & un peu amère ; les racines l’ont encore plus ; elles sont vulnéraires & astringentes. Le plantain, n°. 3, passe pour diurétique ; avec les feuilles & les racines ont fait des tisannes ; on s’en sert extérieurement en gargarisme. On se sert des feuilles fraîches pilées & écrasées, pour les plaies, les blessures, & les contusions, le tout assez inutilement, puisque si la plaie n’est pas entretenue par un vice extérieur, il suffit d’une compressé imbibée d’eau ordinaire pour guérir en interceptant le contact de l’air atmosphérique. On trouve dans les boutiques une eau de plantain distillée, qui n’a pas plus d’efficacité que l’eau simple des rivières. On la regarde encore comme ophtalmique, ce qui est plus que douteux.

Le plantain n’est pas intrinsèquement une mauvaise plante dans un pré, ses feuilles vertes ou sèches sont même une assez bonne nourriture pour le bétail, les troupeaux & les chevaux ; mais il devient parasite dans la prairie, c’est-à-dire qu’il s’y multiplie beaucoup par ses graines, & que ses feuilles, étendues horizontalement sur terre, privent les plantes qu’elles recouvrent, du bienfait de l’air, de la lumière du soleil, &c. & les font périr. Sur une circonférence de huit à dix pouces de diamètre il y auroit eu cinq à six plantes, graminées, ou une touffe formée par une seule, qui auroient donné le triple ou le quadruple plus de fourrage que n’en fourniroient quelques feuilles de plantain ; d’ailleurs, la faux épargne toujours ou presque toujours celles, qui sont couchées horizontalement, telles que sont en particulier celles du grand plantain. Le plus court & le meilleur est de visiter, à l’entrée de l’hiver, ses prairies, & avec une houlette, de détruire le plantain. À sa place on sème un peu de graines de foin ou de petit trèfle ; enfin, si on n’a pas pu faire cette opération avant l’hiver, on la fait à la fin ; la première époque est préférable.