Cours d’agriculture (Rozier)/SALEP

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Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 62-63).


SALEP. Substance farineuse qui nous vient du levant par la voie de Marseille. On la prépare en Perse & en Turquie, & on la retire des bulbes ou tubercules de l’espèce d’orchis, appellée par Von-Linné orchis mascula. Cette plante est assez commune dans nos campagnes, elle croît dans les lieux incultes, & on la trouve fréquemment dans les prairies du centre du royaume. Il ne manque plus que d’avoir le procédé des Levantins pour mettre à profit ce que la nature nous offre avec prodigalité, & dont nous ne faisons aucun usage. J’ai essaye de préparer le salep, & j’en ai varié les procédés. Après avoir enlevé de terre les bulbes dès que les feuilles de la plante étoient sorties de terre, j’enlevai l’écorce des bulbes & les mis dessécher dans un four médiocrement chaud. La farine que j’en obtins par leur pulvérisation, étoit désagréable au goût. Je jetai ces bulbes dans l’eau chaude pour les dérober à la manière des amandes, ce qui réussit. Mises à dessécher dans le même four, la farine n’avoit pas la même saveur que celle du levant ; mais ayant fait cuire ces bulbes, & après les avoir fait sécher, la farine fut excellente. Il paroît que l’eau dans laquelle on fait cuire ces bulbes, se charge des principes âcres contenus dans l’eau de végétation de ces plantes, ou que cette acrimonie est contenue dans le mucilage qu’elle dissout pendant & peut-être à laide de l’ébullition. La description de la plante servira à la faire reconnoître dans nos prés ; on trouvera sa gravure au mot Satirion.

Tournefort place l’orchis ou satirion mâle dans la troisième section de la onzième classe qui comprend les herbes à fleur de plusieurs pièces, irrégulière, anomale, dont le calice devient le fruit. Il l’appelle orchis morio mas. Von-Linné la classe dans la gynandrie diandrie, & l’appelle orchis mascula.

Fleur soutenue par le germe ; quatre spathes épars ; cinq pétales, trois extérieurs & deux intérieurs, réunis en forme de casque ; un nectar d’une seule pièce, coloré, attaché au réceptacle entre la division des pétales ; composé d’une lèvre supérieure droite, très-courte ; d’une inférieure grande, ouverte, large, avec un tube alongé en dessous en manière de corne ; dans cette espèce la lèvre inférieure est divisée en quatre lobes & crénelée ; le tube en forme de corne est court & obtus ; les pétales du dos sont recourbés.

Fruit. Capsule oblongue à une seule loge, à trois sillons, à trois valvules, & s’ouvrant en trois. Les semences nombreuses, petites, en forme de sciure de bois.

Feuilles, très-entières, alongées, embrassant la tige en manière de gaine, lisses, quelquefois marquées de taches d’un rouge brun.

Racine ; bulbes, ordinairement au nombre de deux, arrondies, en forme de testicules, d’où vient la dénomination d’orchis.

Port. Tige haute d’environ un pied, herbacée, ronde, droite, crénnelée ; les fleurs au sommet, disposées en longs épis ; les feuilles alternativement placées. La présence ou l’absence des taches ne constitue que des variétés.

Lieu ; les prés, les terrains humides. La plante est vivace par les racines ; ses pailles périssent chaque année. Elle fleurit au printemps.

Il y a une seconde espèce qu’on trouve assez communément dans les mêmes lieux que la précédente, appellée improprement satirion femelle. Orchis morio fœmina. Tour. & orchis morio par Von-Linné. Elle diffère de l’autre par ses pétales réunis, par ses feuilles plus étroites, légèrement veinées, cannelées, ressemblant a celles du plantin à feuilles étroites, mais lisses.

C’est des bulbes de ces plantes qu’on retire le salep. On prescrit la racine pulvérisée & cuite dans l’eau, ou du lait, ou du bouillon, suivant les cas. Elle convient dans la toux essentielle, dans la toux convulsive, la phtisie pulmonaire essentielle avec toux sèche, l’expectoration difficile, la phtisie par inanition, l’atrophie par des médicamens mal indiqués, l’atrophie nerveuse, l’amaigrissement des nourrices, l’atrophie causée par des pertes blanches. Il faut cependant se tenir en garde contre ses mauvais effets, qui sont d’augmenter quelquefois l’oppression, la fièvre lente & la toux, de causer des renvois chez les personnes dont l’estomac est foible, ou contient des humeurs acides. Elle est rarement utile sur la fin de la dyssenterie bénigne, dans la colique néphrétique par des graviers, la goutte, dans la colique des enfans sans présence d’acides dans les premières voies.

On donne la racine de salep, desséchee & pulvérisée depuis demi-dragme jusqu’à deux dragmes, macérée sur les cendres chaudes pendant six heures, dans un vase de terre, avec huit once, d’eau, ou de lait, ou de bouillon, suivant l’indication. Si on ajoute deux livres d’eau, on aura une espèce de tisane à prendre par verres dans le jour. Pour corriger la saveur fade de ce médicament, on propose de l’aromatiser avec la canelle ou avec des girofles, & de l’édulcorer avec du sucre.