Cours d’agriculture (Rozier)/URINE

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Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 523-525).


URINE. Médecine rurale. Humeur excrémentitielle qui se sépare du sang, & qui se filtre dans les mammelons des reins, pour se rendre à la vessie. Le séjour qu’elle fait dans ce viscère lui donne une sorte d’âcreté, de manière qu’elle irrite & picotte ces fibres, & en étend les parois par son volume. La nature sollicitée par cette irritation à se débarrasser de son fardeau, alors les muscles de l’abdomen & le diaphragme poussent la vessie ; par cette pression, l’urine poussée surmonte la résistance des fibres transversales qui embrassent le col de la vessie : cette action ayant pris fin, les fibres du sphincter de la vessie n’étant plus pressées, se rétablissent dans leur premier état par leur propre contraction. Il y a des muscles ensuite qui embrassent en partie l’uretre, & qui, par leur contraction, la vident du reste de l’urine qui peut s’y trouver. Ces muscles ayant perdu leur action dans les vieillards, on voit que l’urine qui est restée dans le fonds de l’uretre, doit dégoutter pendant un certain temps après qu’ils ont pissé.

Il est bien démontré que dans les maladies inflammatoires, l’urine est teinte en rouge. Ce phénomène arrive presque toujours, lorsque les vaisseaux qui ne doivent recevoir que la partie aqueuse, se trouvant trop dilatés, reçoivent une plus grande quantité de sang ; alors leur diamètre augmentant, ils admettent & laissent passer des globules rouges. L’urine est au contraire presque toujours pâle & claire chez les hypocondriaques & les femmes hystériques, parce que les extrémités de leurs vaisseaux se trouvent toujours fort resserrés, & ne laissent échapper que la partie aqueuse : mais quand le corps n’est point malade, sa couleur doit être jaune, approchante de la couleur du citron.

L’urine est composée d’une huile, d’un sel, d’une terre & d’une véritable eau : c’est l’huile qui lui donne la couleur jaune. On peut se convaincre de l’existence du sel, en en faisant évaporer une certaine quantité : quant à la terre, on peut l’observer dans les pots de chambre, en laissant long-temps reposer les urines…

L’eau de l’urine est insipide ; on peut s’en convaincre en la faisant évaporer ; on n’y remarque presque point d’odeur ni de goût. Boerhaave, en faisant évaporer l’eau de cette liqueur, trouve que de vingt parties d’urine, il y en a dix-neuf qui ne sont qu’un phlegme pur, si cependant vous en ôtez cette partie subtile, plus légère que l’eau même, qui s’exhale avant elle, tant de l’urine, que des autres humeurs du corps humain. De tous ces principes, il n’y a que l’union de la terre & de l’huile, qui formant différentes couches, se déposent sur les parois du noyau qui sert de base à la formation du calcul.

L’urine, par un trop long séjour dans la vessie, soumise à l’action de la chaleur, tend à s’alkaliser ; alors elle acquiert un certain degré d’âcreté qui peut déterminer le spasme, ou l’inflammation de la vessie, des ardeurs & des difficultés d’uriner, & quelquefois la paralysie de ce viscère, en lui faisant perdre les ressorts de ces fibres.

L’urine varie par sa quantité dans les différentes saisons de l’année. Dans l’hiver, on transpire moins, aussi est-elle plus abondante, parce que la partie aqueuse qui se seroit échappée par les pores de la peau, se porte vers les couloirs des reins, & de-là dans la vessie. Par la raison contraire, en été, on urine beaucoup moins. En hiver, lorsque l’atmosphère est chargée de brouillards, on rend infiniment plus d’urine, parce que la peau s’imbibe de ces humidités qui prennent la route des reins & de la vessie.

On a vu des hydropisies ascites être guéries par des chûtes qui ont forcé les eaux épanchées dans le bas ventre, à passer dans la vessie ; le célèbre Morreau, qui a assuré ce fait, explique ce phénomène, en disant que les mailles de l’ouraque se sont ouvertes, & que l’eau s’est rendue par ce conduit dans la vessie. Cela paroît d’autant plus vraisemblable, qu’on a vu des gens rendre l’urine par l’ombilic.

Quoi qu’il soit très-vrai de dire qu’il n’est pas possible de connoître toutes les maladies par l’inspection de l’urine, il est néanmoins très-certain qu’un médecin sage & éclairé pourra en tirer des indices sur l’état du sang ; c’est pourquoi l’on fera très-bien de l’examiner avec attention.

La matière des excrétions, telles que l’urine, les gros excrémens, la salive, font juger de l’état des fonctions naturelles ; mais l’urine en particulier fournit des indices de la digestion de l’estomac, de la disposition de la lymphe, de son abondance ou de son défaut, de son épaisseur ou de sa ténuité.

Il y a des charlatans qui disent connoître les maladies par la seule inspection de l’urine : mais Heister regarde cela comme impossible.

1°. Il faudroit que chaque maladie, selon la partie qu’elle affecte, imprimât un caractère particulier à l’urine ; cela ne peut pas être. 2°. Il faudroit qu’on connût exactement l’état naturel de l’urine de chaque sujet ; car il y a des personnes dont l’urine est semblable à celle des malades, dans le temps même qu’elles jouissent d’une parfaite santé. 3°. Peu de temps après que l’urine est sortie de la vessie, l’air l’altère. 4°. Les tuyaux des reins sont quelquefois dilatés, cette dilatation apporte à l’urine de grands changemens, quoique les sujets se portent fort bien. 5°. On ne peut pas connoître l’état du sang par les urines, puisque la chaleur, l’âge, les alimens, les passions les changent à chaque instant, à plus forte raison n’y trouvera-t-on pas les signes des maladies qui attaquent les parties solides. Il en est des urines comme du poulx, qui dans les fièvres malignes, est semblable au poulx de ceux qui se portent bien. Malgré toutes ces bonnes raisons, on voit tous les jours de ces empiriques de la classe de ces vils insectes, qui ne portent auprès des malades que l’ignorance & l’effronterie, prétendre reconnoître à son inspection les différens maux dont on peut être attaqué.

M. Ami.