Cours d’agriculture (Rozier)/VÉSICATOIRES

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Libairie d’éducation et des sciences et des arts (Tome dixièmep. 81-82).


VÉSICATOIRES. (Médecine rurale). Ce sont des topiques qui irritent et rongent d’une manière lente les parties de la peau sur lesquelles on les applique, si on les laisse trop long-tems ; pour l’ordinaire on n’attend pas qu’ils produisent des effets aussi considérables ; au bout de sept à huit heures on les enlève, s’ils ont fait élever sur la peau des vessies remplies de sérosité. On prépare ordinairement les vésicatoires avec le levain, le vinaigre bien fort et les mouches de cantharides réduites en poudre. La dose des cantharides ne peut qu’être indéterminée ; et son action plus ou moins forte se fait sentir plus ou moins tard : les vives douleurs que les malades éprouvent alors, annoncent la nécessité de visiter la partie affectée, et d’enlever les vésicatoires si la peau est élevée en vessies ; alors on enlève la peau en coupant plutôt les vessies, et on applique par dessus une ou deux feuilles de poirée sur lesquelles on étend du beurre frais. On suit la même méthode pour les autres pansemens.

Les vésicatoires sont d’une grande ressource dans le traitement des maladies, lors sur-tout qu’il faut imprimer au principe de vie, une autre manière d’être, attirer les humeurs du centre vers la circonférence, et faire une révulsion d’humeurs fixées sur quelques organes.

On peut avancer qu’il y a bien peu de maladies où ces remèdes ne puissent trouver leur application. J’en excepte cependant les maladies inflammatoires : encore trouvent-ils quelquefois leur place sur la fin de ces maladies. On ne sauroit assez en louer l’usage dans les petites véroles et rougeoles de mauvais caractère, dans les fièvres scarlatines malignes, dans les fièvres putrides avec épaississement dans les humeurs, dans les fièvres pestilentielles. On les emploie encore utilement dans les pleurésies et les péripneumonies, lorsque la douleur subsiste et que l’expectoration des crachats est suspendue et abolie ; contre les douleurs de tête, les fluxions sur les dents, sur les oreilles, contre l’épilepsie, la catalepsie, la phrénésie symptomatique.

Ils sont encore très-avantageux dans les maladies pourpreuses, dans le rhumatisme chronique, l’apoplexie, la léthargie, la paralysie, dans la sciatique et la goutte remontée.

Rivière, célèbre médecin de Montpellier, les recommande beaucoup dans les épidémies de fièvres malignes, pestilentielles, quelquefois intermittentes. Mais il ne veut pas qu’on se borne à un seul vésicatoire ; il en fait appliquer jusqu’à cinq ou six sur différentes parties du corps.

On les applique sur presque toutes les parties du corps, à la nuque, sur le gras des jambes, sur la poitrine, enfin sur toutes les parties charnues. On doit éviter avec soin de les placer sur des parties nerveuses, membraneuses ou aponévrotiques ; l’impression qu’ils pourroient imprimer sur ces parties, exciteroit à coup sûr une inflammation et même le délire à raison du rapport qu’il pourroit y avoir entre la partie affectée et la tête.

Les vésicatoires préparés avec la poudre des cantharides occasionnent souvent chez les sujets maigres des difficultés d’uriner, et et même la suppression totale des urines ; il est très-aisé de prévenir ces maux en faisant boire au malade une eau légère de veau, ou de poulet nitrée, ou en appliquant sur la région du pubis des cataplasmes d’herbes émollientes.

Quoiques les mouches cantharides soient un vésicatoire excellent, on en distingue encore d’autres espèces ; le règne végétal nous en offre un assez grand nombre : on doit y comprendre les feuilles de la chélidoine, de gratiole, les racines de pyrethre d’arum, l’ail, l’oignon, les feuilles de renoncules, de figuier, les racines d’ellébore, les graines de moutarde, l’euphorbe, la sabine en poudre, tous ces différens remèdes réduits en poudre doivent être incorporés avec quelque ingrédient propre à favoriser leur action, en les tenant intimement collés à la peau, tel que la cire jaune, l’onguent de basilicum, la térébenthine et la poix blanche. On doit raser le poil, si la partie sur laquelle il faut l’appliquer en est couverte. On frottera ensuite la partie avec une petite compresse trempée dans le vinaigre. On contient l’emplâtre au moyen de plusieurs circulaires faits avec une bande assez longue pour l’assujettir fortement. M. AMI.