Cours d’agriculture (Rozier)/CHÈVRE-FEUILLE

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Hôtel Serpente (Tome troisièmep. 275-277).


CHÈVRE-FEUILLE. M. Tournefort le place dans la sixième section de la vingtième classe, qui comprend les arbres & les arbrisseaux à fleur d’une seule pièce, dont le calice devient une baie, & il l’appelle capri folium. M. von Linné le nomme lonicera, & le classe dans la pentandrie monogynie.

I. Description du genre. Le chèvre-feuille est une plante sarmenteuse, dont la fleur est d’une seule pièce, son tube très-alongé & courbé à sa partie inférieure ; le sommet de la corolle est divisé en cinq parties, dont une plus découpée que les autres ; le calice est également découpé en cinq ; les étamines, au nombre de cinq, environnent le pistil. Le fruit est une baie charnue, ordinairement rouge, contenant deux semences aplaties d’un côté, presqu’ovales. En général, les feuilles sont opposées sur les branches, & presque toutes embrassent la tige par leur base.

II. Description des espèces. M. von Linné a réuni au genre des chèvre-feuilles, les chamœcérisiers, les xylosteons, les symphoricarpos, les diervilles. Il a eu raison comme botaniste ; nous ne parlerons cependant ici que des chèvre-feuilles proprement dits, & des periclymenum, qui diffèrent seulement des chèvre-feuilles par leurs fleurs moins découpées, parce que notre but est de faire connoître les seuls arbres vraiment utiles, ou d’un agrément bien décidé.


1. Chèvre-feuille Écarlate. La tige traverse la feuille qui est toujours verte ; les fleurs naissent au sommet des tiges, & plusieurs réunies en trochet : il est encore connu sous la dénomination de periclymenum de Virginie, ou de chèvre-feuille de Virginie.

Ce periclymenum a deux variétés. La première, transportée de Virginie, donne des pousses plus vigoureuses ; ses feuilles sont d’un vert plus clair ; les bouquets de ses fleurs ont une couleur plus foncée que ceux de la seconde variété, originaire de la Caroline. Les feuilles de l’une & de l’autre sont d’un vert brillant par-dessus, & d’un vert pâle en dessous. De longs tubes évasés à leur sommet, & découpés en cinq segmens, de grandeur presqu’égale, composent la fleur. Ces periclymenum sont le lonicera sempervirens de Lin.


2. Chèvre-feuille d’Allemagne, à têtes écailleuses, ovales, placées au sommet des tiges, & dont toutes les feuilles sont détachées. C’est le lonicera periclymenum Lin. Les pétioles des feuilles sont très-courts ; les fleurs naissent en bouquet au sommet des branches, & de l’aisselle de quelques feuilles, dont la réunion forme une tête écailleuse, ovale, quand les fleurs sont tombées. Les fleurs sont jaunâtres en dedans, rougeâtres en dehors, & d’une odeur agréable. Cette espèce offre plusieurs variétés.


3. Chèvre-feuille d’Italie. C’est le lonicera caprifolium. Lin. On le nomme encore chèvre-feuille d’Italie, parce qu’il est commun dans les pays méridionaux de l’Europe. Il y varie singulièrement, relativement au sol & aux positions où il végète. Une de ces variétés à fleurs blanches & très-odorante, fleurit en avril. Les fleurs naissent tout autour de la tige, au sommet des rameaux, disposées à peu près comme les rayons d’une roue, relativement au moyeu. Ce chèvre-feuille, très-agréable, parce qu’il est printanier, pousse des bouquets de feuilles au moment où la gelée cesse ; mais ces mêmes feuilles dépérissent bientôt après la chute de la fleur, & laissent presqu’à nud des tiges menues & verdâtres. Une autre variété remarquable est le chèvre-feuille, proprement dit d’Italie ; ses fleurs sont jaunes, ses feuilles d’un vert plus foncé, & l’écorce de ses branches ou sarmens également plus foncée en couleur.


4. Chèvre-feuille des bois, periclymenum floribus corymbosis, terminalibus, foliis hirsutis, distinctis, viminibus tenuioribus. Mill. Ses fleurs sont rassemblées en manière de grappe au sommet des rameaux ; ses feuilles sont velues & détachées ; ses branches très-menues, & s’entortillent avec une facilité surprenante contre tous les supports qu’elles rencontrent. De tous les chèvre-feuilles, c’est le plus odorant. On en connoît plusieurs variétés ; l’une à fleur de couleur jaune tirant sur le rouge, & l’autre blanche. Il y a encore des variétés, soit à fleurs panachées de différentes manières, soit à feuilles festonnées.


5. Chèvre-feuille toujours vert. Je le crois une variété bien décidée du No. 3, quoiqu’on dise qu’il a été apporté de l’Amérique septentrionale. Ses fleurs sont disposées tout autour du sommet des tiges. Elles sont d’un rouge brillant en dehors, & d’un jaune vif en dedans. Leur odeur est forte & agréable ; la plante fleurit pendant tout l’été ; l’écorce de ses branches est de couleur rouge ; les tiges traversent les feuilles, & les feuilles restent vertes pendant toute l’année.


6. Chèvre-feuille de la Jamaïque, ou Buisson à baies de neige, à longues grappes de fleurs placées sur les côtés, opposées & pendantes ; les feuilles entières & en forme de lame ; les fleurs sont petites, d’un jaune verdâtre, remplacées par des baies d’un blanc éclatant.


7. Chèvre-feuille à bouquet arrondi au sommet, à feuilles ovales, disposées tout autour de la tige, & soutenues par des pétioles. La fleur est d’un rouge de corail foncé en dehors, & en dedans d’un rouge pâle. Il est originaire des Indes orientales, & on le trouve encore à la Jamaïque.


8. Chèvre-feuille du Chili. Le bouquet naît au sommet des tiges ; les feuilles ont la forme d’un ovale alongé. Les fleurs sont d’un rouge foncé, découpées sur les bords en quatre parties ; des baies ovales leur succèdent ; leur forme, est celle d’une olive.

III. De leur culture. Celle des cinq premières espèces n’exige pas beaucoup de soins ; il suffit de les travailler au pied deux ou trois fois par an, & de leur donner des tuteurs. Rien de plus agréable que les guirlandes de chèvre-feuille qui pendent d’un arbre à un autre, cette plante sarmenteuse tapisse très-bien un mur & en peu de temps. Si on ne lui donne point de tuteur, & si on a soin d’arrêter ses flèches, alors ses branches touffues forment de jolis encaissemens au pied des arbres de décoration. Ces espèces se multiplient facilement par marcottes, & c’est la méthode la plus prompte & la plus sûre ; la nature l’indique. On peut encore séparer de la tige commune, les drageons qui partent chaque année des racines. Le succès des semis est décidé, on obtient quelquefois de jolies variétés ; mais ce procédé est bien lent, comparé aux deux premiers.

Les espèces 6, 7, 8 sont plus délicates, & leurs graines demandent à être semées dans un lieu très-chaud, ou sur couche. La graine est longtems à lever ; souvent elle ne germe qu’à la seconde année. Ces arbustes demandent la serre chaude au nord du royaume, & l’orangerie, vers son midi, jusqu’à ce qu’on les y ait naturalisés par des semis répétés d’année en année.

IV. Des propriétés. Les feuilles sont fades, styptiques, d’une odeur désagréable, ainsi que la racine ; l’écorce est âcre, salée, styptique, puante ; les feuilles, les fleurs & les baies sont diurétiques ; leur suc est un vulnéraire détersif. L’infusion des fleurs a eu quelque succès contre les pertes blanches.

Les tiges du chèvre-feuille du Chili servent aux teintures noires.