Cours d’agriculture (Rozier)/EAU

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Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 51-84).


EAU, Physique, Économie. De toutes les substances qui sont sorties des mains du Créateur, une des plus précieuses est sans contredit l’eau. Agent presqu’universel, elle concourt à la production, à l’entretien, à la réparation de presque toutes les substances qui composent les différens ordres de la nature. Les végétaux lui doivent leur développement, leur accroissement & leur vie ; les minéraux ne se seroient point formés dans le sein de la terre, si l’eau ne dissolvoit, ne charioit avec elle, & ne réunissoit les principes qui les composent, en leur fournissant le gluten qui les fait adhérer ensemble. L’homme même & tous les animaux languiroient & verroient bientôt terminer une malheureuse vie, si l’eau n’élaboroit leurs alimens, ne donnoit la fluidité aux humeurs qui circulent dans leur corps, & ne raffraîchissoit continuellement l’air qu’ils respirent. Sous quelque aspect qu’on considère cet élément, son utilité universelle mérite bien qu’on l’étudie, & qu’on connoisse toutes ses propriétés pour qu’on puisse en retirer tout l’avantage possible.


Tableau du travail sur l’article Eau.


Section première. Sa définition, sa Nature & son Histoire naturelle.
Section II. Ses Qualités physiques.
Sect. III. Son Action sur le règne animal & végétal.
Sect. IV. Eaux minérales.
Sect. V. Analyse des Eaux minérales.
Sect. VI. Moyens d’imiter les principales.


Section première.

Définition de l’Eau, sa Nature & son Histoire naturelle.


§. I. Définition de l’eau. L’eau élémentaire est un fluide pesant, transparent, sans couleur, sans odeur, sans saveur, visible, sensible, & qui jouit de la propriété particulière de mouiller les corps qu’elle touche, c’est-à-dire, d’adhérer à leur surface, & d’en pénétrer le plus grand nombre plus ou moins vite. D’après cette définition, on voit facilement qu’elle ne peut convenir qu’à l’eau élémentaire, & que l’on suppose absolument dépouillée de toutes substances hétérogènes ; mais rencontre-t-on une telle eau dans la nature ? Non. Son extrême tendance à se combiner avec tous les corps, son pouvoir énergique de dissoudre ou diviser insensiblement tout ce qu’elle touche, font qu’elle est toujours souillée d’une infinité de matières solides ou volatiles qui altèrent sa pureté. L’art seul peut l’amener presqu’au degré de pureté que nous lui supposons : des distillations, des précipitations, des filtrations répétées la dégagent plus ou moins des substances étrangères avec lesquelles elle étoit combinée.

§. II. Nature de l’eau. Quelle est la nature de l’eau considérée comme élémentaire, & abstraction faite de tous les corps, qui communément sont mêlés avec elle ? Il faut avouer de bonne foi que les recherches des physiciens ne les ont pas encore conduits à cette connoissance parfaite : on a beaucoup raisonné ; on a dit des vérités, mais souvent l’erreur les a accompagnées. Il paroît cependant constant que l’eau est un fluide composé d’une infinité de petites molécules parfaitement rondes, d’une divisibilité extrême, solides & en même-temps élastiques. Les molécules de l’eau sont parfaitement rondes ; c’est à cette rondeur parfaite qu’est due leur mobilité, & par conséquent leur fluidité ou la facilité qu’elles ont d’être transportées d’un endroit à un autre : car, plus les molécules d’un corps sont rondes & atténuées, plus le corps est fluide. Elles sont d’une divisibilité extrême : c’est à cette divisibilité qu’est due la facilité de l’eau, de se réduire en vapeurs ; elles sont solides, & en même temps élastiques : de la première propriété dépend la force avec laquelle l’eau attaque & dissout les corps qu’elle pénètre ; & de la seconde, dépend sa condensabilité, sa dilatabilité, comme nous le verrons dans la section suivante.

En chimie on a long-temps disputé sur la nature de l’eau, sur son indestructibilité, & sur sa conversion d’eau en terre. Des expériences des plus habiles chimistes sembloient démontrer que l’eau, tenue pendant très-long-temps sur le feu, se décomposoit & se réduisoit en terre ; mais MM. Lavoisier & Fontana ont fait voir clairement que la terre que l’on trouvoit dans les vaisseaux, où l’on avoit fait éprouver à l’eau une longue digestion, n’étoit due qu’à ces vaisseaux mêmes, corrodés plus ou moins par l’eau.

§. III. Histoire naturelle de l’eau. L’eau, créée par l’Auteur de la nature, a fait, dès le commencement, partie essentielle de l’univers ; & comme élément & comme mixte : comme élément, elle a présidé à la formation de toutes les substances connues ; comme mixte, elle a été le résultat de leurs combinaisons & de leur décomposition. Tantôt disséminée dans tous les corps, & réduite, pour ainsi dire, à ses molécules primitives, elle en est une des parties constituantes ; invisible, insensible dans les corps les plus durs, & qui paroissent les plus homogènes, l’art n’en décèle pas moins sa présence par des expériences délicates : tantôt réunie en grandes masses, elle occupe d’immenses réservoirs qui couvrent une partie du globe, qu’elle sillonne en différens sens, & se précipitant de rochers en rochers, elle traverse les plaines en roulant ses flots jusqu’à la mer, laissant de tous côtés, des traces de ses bienfaits : tantôt, réduite en vapeurs légères, elle s’élève dans les airs, flotte au-dessus de nos têtes, les défend de l’ardeur du soleil, & retombe bientôt pour abreuver la terre altérée, développer les germes qu’elle cache dans son sein, & circuler dans tous les végétaux : tantôt enfin, enrichie des différens principes des substances qu’elle a attaquées dans les entrailles de la terre, elle vient à sa surface se présenter à nos regards, & nous offrir ou des secours ou des agrémens.

Mais avant que d’examiner l’eau sous l’état d’eau de mer, de fontaine & de rivière, d’eau de pluie & de rosée, & d’eaux minérales, il est intéressant de bien connoître toutes ses qualités physiques.


Section II.

Qualités Physiques de l’Eau.

§. I. Pesanteur. L’eau, comme tous les corps de la nature, a une certaine pesanteur ou gravité qui varie suivant ses degrés de pureté. Comme les expériences qui déterminent ce degré, sont très-délicates, & que le résultat dépend beaucoup de l’état même de l’air plus ou moins pesant, il n’est pas étonnant que le rapport de la pesanteur spécifique de l’eau n’ait pas toujours été le même ; cependant, en supposant que l’eau de pluie très-pure, pèse comme 1000, cette même eau distillée, sera comme 999 ; celle de la mer, comparée avec la première, comme 1030 ; celle de rivière, comme 1009 ; & celle de puits, comme 999 : mais on doit peu compter sur la pesanteur spécifique de l’eau de puits, & elle n’est pas générale pour toutes les eaux de puits ; il en est même peu qui varient autant que celle-là, en raison de la quantité de sélénite qu’elle contient presque toujours, surtout à Paris, & dans tous les pays où les couches de pierres à plâtre sont communes.

§. II. Fluidité. La fluidité dépendant de la rondeur, de la ténuité des molécules d’un corps, l’eau pure, qui jouit éminemment de ces propriétés, est aussi plus fluide que la plupart des autres liqueurs. Deux causes principales peuvent altérer ou même éteindre tout-à-fait cette qualité : i°. le mélange des substances hétérogènes qui, se combinant avec elle en trop grande proportion, s’opposent au transport mutuel des molécules aqueuses, & les empêchent de couler les unes sur les autres, en remplissant les interfaces & les vides qui les séparent ; 2°. le froid qui, par quelque cause que ce soit, enchaîne, pour ainsi dire, les molécules les unes aux autres, & leur fait prendre une figure déterminée & régulière, d’où il résulte une masse transparente, connue sous le nom de glace. (Voyez ce mot)

§. III. Élasticité. Nous avons observé déjà que les molécules de l’eau étoient solides, & en même temps élastiques. Les molécules élémentaires des corps sont parfaitement élastiques, tant qu’elles sont isolés, indépendantes & abandonnées à elles-mêmes. Elles ne cessent de l’être que lorsqu’elles sont réunies & collées par une espèce de gluten qui les enveloppe tellement, que leur ressort n’a plus d’effet, & dans ce cas, le corps devient un corps dur ; ou bien, lorsque leur ressort naturel est tellement engagé, qu’il peut bien être comprimé, mais sans pouvoir se rétablir dans son premier état ; les corps mous sont dans ce cas. D’après ces principes, les fluides, dont les molécules sont toujours libres, sont donc élastiques, & d’autant plus élastiques que leurs molécules seront plus isolés & plus indépendantes. L’on ne peut donc pas révoquer en doute l’élasticité de l’eau ; non-seulement le raisonnement & l’analogie le démontrent, mais encore l’expérience. L’eau tombant sur elle-même, ou sur un corps non élastique, resaute & se réfléchit. Le jeu des enfans, nommé ricochet, n’est dû qu’au ressort de l’eau ; elle est capable de rendre du son : tel est celui de la pluie tombant sur une masse d’eau. Or, point de corps sonore sans élasticité ; enfin, l’eau, soit qu’elle soit en état de vapeurs, soit qu’elle soit en état de glace, offre toujours des effets produits par son élasticité naturelle.

§. IV. Compressibilité. Cette propriété dépend & dérive nécessairement de la précédente, & en prouvant l’une, on prouve l’autre. La compressibilité de l’eau est très-peu de chose, à la vérité, parce que toutes les molécules de l’eau infiniment petites par elles-mêmes se touchent encore presqu’en tous points : elles ne peuvent donc être comprimées que de l’étendue de leur demi-diamètre, ce qui est bien peu, à moins qu’elles n’aient été dilatées par quelque cause étrangère.

§. V. Dilatabilité. L’eau est dilatable, c’est-à-dire qu’elle peut occuper un espace plus étendu que celui qu’elle occupoit auparavant, & cela par deux moyens ; ou chaque molécule comprimée se rétablit sur elle-même par sa force d’élasticité ; mais c’est plus là un simple rétablissement qu’une vraie dilatation ; ou bien un corps étranger, s’insinuant entre les différentes molécules, les éloigne plus ou moins les unes des autres, & leur fait occuper un espace bien plus étendu. Comme cette dilatation est ordinairement produite par le feu, on la confond assez ordinairement avec la raréfaction. Au mot Vapeurs on voit la progression de la dilatabilité de l’eau, depuis son état ordinaire jusqu’à celui de vapeur. Avant que de quitter la dilatabilité de l’eau, il faut expliquer ici un des phénomènes les plus fréquens auquel elle donne lieu, les bouteilles d’eau, c’est-à-dire ces petites bulles d’eau que l’on voit naître, grossir, éclater & disparoître au-dessus de la surface de l’eau, soit lorsque la pluie tombe sur une masse d’eau, soit lorsqu’elle bout. Ces bouteilles d’eau sont dues, dans l’un & dans l’autre cas, au dégagement de l’air que la masse contenoit ; cet air chassé par la pluie, qui par sa chute bat l’eau, ou par la chaleur & le feu, cherche à s’échapper à travers les molécules aqueuses ; comme ces molécules ont une très-grande adhérence entr’elles, elles s’opposent à sa sortie, enveloppent la molécule aérienne, se dilatent avec elle, & se brisent enfin, lorsque la molécule d’air, beaucoup plus dilatable que l’eau, occupe un espace que les molécules d’eau ne peuvent plus recouvrir. Ces bouteilles sont rondes, parce que l’air qu’elles renferment se dilate en tout sens. Toutes les fois, que par quelque cause que ce soit, il se produit dans une masse d’eau un dégagement d’air ou des substances aériformes qu’elle contient, on voit reparoître ce joli phénomène ; l’eau dilatée au point que ces molécules soient absolument isolés & séparées les unes des autres, est alors en état de vapeurs. (Voyez ce mot)

§. VI. Condensation. Puisque l’eau est élastique & compressible, elle est par conséquent condensable, c’est-à-dire qu’elle peut occuper un espace moindre que celui qu’elle occupoit auparavant ; ceci n’a pas besoin de démonstration. L’état de condensation, dans lequel l’eau se trouve le plus ordinairement, est celui de glace, & quoique un morceau de glace en se réfroidissant augmente de volume, comme ce phénomène n’est produit que par une cause étrangère, il n’en est pas moins vrai de dire que l’eau gelée est une eau condensée. (Voyez le mot Glace)

§. VII. Action dissolvante de l’eau. L’eau est un menstrue ou un dissolvant de presque tous les corps ; peu échappent à son action : une grande quantité de substances terreuses, pierreuses, métalliques & salines, sont plus ou moins vite attaquées & dissoutes par ce menstrue. Non-seulement c’est par érosion que l’eau les attaque, mais encore c’est souvent par combinaison, sur-tout quand elle contient de l’air fixe, (voyez ce mot) qui lui est presque toujours uni ; alors son action est plus vive & plus énergique, & elle forme, avec les corps qu’elle dissout, de nouveaux mixtes. C’est à ce pouvoir de l’eau de dissoudre, & à son évaporation postérieure, que sont dues les concrétions pierreuses, les stalactites, les rouilles de fer & de cuivre, les dissolutions des sels, & sur-tout toute la suite si variée des eaux minérales.

Telles sont, en général, les qualités physiques de l’eau, dont la connoissance est la plus nécessaire pour bien entendre tous les phénomènes que ce fluide nous offre.

Section III.

Action de l’Eau sur les règnes animal & végétal.

§. I. Action de l’eau sur le règne animal. L’eau existant dans tous les corps, & y existant & comme élément & comme mixte, doit nécessairement influer sur leur façon d’être ; les corps inanimés & impassibles ne lui doivent que quelques changemens passagers, que quelques modifications particulières, qui ne différencient point essentiellement leur nature morte ; mais les corps qui sont doués d’une vie & d’un mouvement régulier qui l’entretient, éprouvent de la part de l’eau une influence à laquelle ils doivent presque toujours cette même vie. Cette influence peut être intérieure ou extérieure ; & la connoissance de l’un & l’autre mérite toute notre attention.

Quelque partie du corps animal que l’on analyse, le premier produit est un phlegme ou de l’eau, légère, plus ou moins transparente, en un mot assez pure, & qui le seroit absolument, si elle n’entraînoit avec elle les principes volatiles les plus fugaces. D’après cette simple expérience, il est donc démontré d’abord, que l’eau entre comme partie constituante dans l’organisation animale. D’où vient cette portion aqueuse si abondante, que l’on retrouve non-seulement dans les fluides, comme le sang, la lymphe, la bile, l’urine, le lait, &c. mais encore dans les solides, les muscles les cartilages, les tendons, les nerfs même & les os ? Par quel mécanisme s’y est-elle introduite & s’y est-elle fixée ? La première portion que le fœtus en reçoit, vient de sa mère, & la même cause qui produit dans son sein le développement de l’embryon, l’accroissement des parties, & la nourriture du tout, fait couler en même temps ou plutôt imbibe chaque partie individuellement de l’humeur aqueuse, nécessaire pour l’entretien du jeu de toute la machine. Dans le fœtus, & même dans les jeunes animaux ; l’eau est infiniment plus abondante que dans les vieux, & on peut même dire, que, sur-tout chez les premiers, tous les solides & les liquides ne sont que de l’eau, dans laquelle nagent quelques autres principes : insensiblement les principes augmentent, se développent, se fortifient, & l’eau semble diminuer proportionellement.

Dès que le fœtus a vu le jour, & qu’il se nourrit par lui-même, ses alimens lui fournissent journellement une certaine quantité d’eau, qui, par l’acte de la digestion, se sépare du bol alimentaire, fait une portion du chyle & du sang, circule avec lui dans toute la masse, & va occasionner de tous côtés, l’accroissement ou l’entretien. (Voyez Accroissement) Les alimens liquides ne sont pas les seuls qui fournissent à l’entretien de l’humeur aqueuse ; les solides qui contiennent toujours plus ou moins d’eau, y concourent encore.

Le même principe, la même action qui fait, de l’air, une partie constituante dans l’économie animale, agit sans doute de la même façon sur l’eau ; (voyez le mot Air) il la fixe, il la fait adhérer & composer même les fluides & les solides ; dans cet état on peut considérer l’eau comme fixée ; elle est réduite, pour ainsi dire, à ses molécules élémentaires ; mais elle n’a pas perdu pour cela ses propriétés physiques ; elle n’en est pas moins dilatable, compressible & élastique ; c’est même à ces diverses propriétés qu’est dû en partie l’entretien du mouvement animal. La chaleur naturelle au corps conserve l’eau dans un état de dilatation perpétuelle, qui la rend en même temps susceptible du moindre degré de condensation, occasionné par la plus petite diminution de chaleur. La fraîcheur seule de l’air que l’on aspire à chaque instant, suffit pour y donner lieu, & cette alternative, toujours renaissante de condensation & de raréfaction, surtout dans les organes de la respiration, a sans doute une très-grande influence sur le mouvement général de la machine entière.

Un des plus grands bienfaits que l’eau rend intérieurement à toute l’économie animale, est cet état de moiteur où elle entretient toute la machine. C’est à cette moiteur qu’est due la douceur du mouvement, la diminution des frottemens, la facilité avec laquelle tous les fluides circulent, la viscosité des viscères & des organes qui les fait adhérer ou glisser les uns sur les autres sans tiraillement ni déchirement, la molesse des fibres qui leur permet de se plier & se contourner dans tous les sens les plus favorables à l’action, la sécrétion de toutes les humeurs à travers les organes propres, la tendance qu’elles prennent vers les endroits qui sont destinés à leur élaboration & leur perfection, l’excrétion de tout ce qui ne doit pas concourir à la nourriture ou à l’entretien. &c. &c. Plus on étudie la physiologie animale, plus on descend dans les secrets de la nature, & plus on admire la simplicité de sa marche qui, avec un seul principe, donne la vie à une infinité de parties qui semblent si opposées.

Autant la masse d’eau intérieur est utile, avantageuse & nécessaire, lorsqu’elle est dans une juste proportion, autant elle est nuisible, dangereuse & destructive, lorsqu’elle pèche ou par défaut, ou par excès. Son défaut mène au desséchement & à la solidification ; la disparition insensible de l’humide radical, conduit à pas lents au tombeau ; c’est un des principes toujours agissans qui nous pousse vers la mort. Son excès occasionne de très-graves maladies, comme l’épanchement de sérosités, l’hydropisie, &c. &c. pour les détails desquelles nous renvoyons à la partie médicale de cet Ouvrage.

2°. L’influence extérieure de l’eau sur l’économie animale, tient à sa combinaison avec l’air qu’elle rend plus ou moins humide, à son état de vapeurs, de brouillards, de nuages. Dans ces différentes modifications, l’eau agit directement sur le corps, en le pénétrant soit avec l’air, par l’organe de la respiration, soit à travers les pores de la peau. L’eau dissoute par l’air, & combinée avec lui, vient continuellement rafraîchir les poumons échauffés par le sang & la chaleur vitale ; c’est-là que le sang vient y tempérer son ardeur, en offrant une surface toujours nouvelle à cet air saturé d’eau. L’eau peut s’insinuer à travers les pores de la peau, & parvenir jusque dans l’intérieur du corps, & c’est sur ce principe qu’est fondée toute la théorie des bains. Nous n’entrerons pas dans de plus grands détails sur l’influence extérieure de l’eau ; on les trouvera plus développés aux mots Bain, Brouillard, Humidité & Vapeurs.

§. II. Action de l’eau sur le règne végétal. Il y a tant de rapport entre l’économie animale & la végétale, que l’on doit soupçonner d’abord que l’eau agit à peu près de même dans l’un comme dans l’autre. L’observation nous montre, en effet, que sans l’eau, tous les végétaux périroient absolument ; qu’elle est le principe de leur existence. Quelques auteurs ont même été jusqu’à croire que l’eau est le seul & unique moyen que la nature emploie dans la nourriture des plantes & dans la végétation en général. L’on ne peut nier que l’eau ne paroisse en effet être l’unique principe de la végétation, si l’on consulte les expériences que Vanhelmont, Boyle, MM. Duhamel, Bonnet, &c. ont faites sur ces objets, sur des plantes & des arbres même qui croissoient & poussoient des branches & des feuilles, quoiqu’ils n’eussent pour toute nourriture que de l’eau ; mais en même temps que dans ces cas l’eau n’a été que le véhicule des substances hétérogènes, avec lesquelles elle est toujours mêlée, & que ces plantes se sont encore nourries de l’air atmosphérique, & de toutes les parties qu’il contient, on conviendra que dans le règne végétal, comme dans le règne animal, l’eau ne joue que le même rôle. Ceci deviendra plus sensible lors que nous aurons détaillé tous les principes sur lesquels nous appuyons l’explication du grand phénomène de la végétation. (Voyez ce mot)

L’eau, comme nous l’avons remarqué plus haut, dissout presque toutes les substances ; mais si elle pénétroit les plantes, & charioit avec elle la terre soluble, les sels, &c. dans leur état simple de terre & de sel, elle ne seroit pas d’un grand secours pour le végétal, parce qu’elle n’offriroit pas ces substances sous l’état le plus propre à la combinaison ; mais en dissolvant les parties salines, elle acquiert elle-même alors la propriété de se combiner aux molécules huileuses qui résultent de la décomposition des végétaux & des animaux, de former avec elles un vrai savon ; ce savon naturel, susceptible d’une division extrême, s’insinue à travers les pores & les suçoirs des racines, pénètre dans l’intérieur de la plante, s’y mêle à la sève, au suc propre, aux différentes humeurs, s’y délaye de plus en plus, s’y décompose, & par l’acte de la végétation, en rapport avec celui de la vitalité animale, il se sépare en deux portions : l’une devient partie solide, l’autre restant fluide, se réunit aux fluides, ou séchappe par les vaisseaux excrétoires, sous forme de transpiration sensible & insensible.

La quantité d’eau qui réside dans toutes les parties du végétal, l’entretient dans cet état de moiteur continuelle, si avantageux & même si nécessaire au jeu libre de tous les organes. La moindre circonstance qui détruit cette juste proportion, occasionne toujours des accidens plus ou moins sensibles à la plante. L’eau est-elle trop abondante, & l’atmosphère ou la terre en fournissent-ils une quantité excédente ? bientôt la plante s’en ressent, elle prend un accroissement disproportionné, mais, qui manque de la vigueur & de la solidité qu’auroit données une bonne nourriture. Une pâleur universelle dans la couleur des feuilles, annonce une maladie commencée, un vice dans la sève. Il se forme des dépôts aqueux, des extravasemens de la sève qui, fermentant & s’aigrissant insensiblement, corrode les vaisseaux qui là renferment, les pourrit, attaque les parties voisines, & de couche en couche parvient enfin jusqu’à l’écorce extérieure s’il se produit une plaie & un écoulement qui à la longue épuisent l’arbre. Une sécheresse longtemps continuée vient-elle à dépouiller l’air de l’atmosphère de l’humidité dont il est ordinairement imbibé, & la terre, de l’eau nécessaire à la végétation ? bientôt la plante s’altère, les sucs nourriciers n’étant plus délayés, ne circulent qu’avec peine, ils ne peuvent plus s’élaborer comme il faut ; les combinaisons savonneuses ne sont plus intimes, & par conséquent la dissolution & la division ne sont pas assez complètes pour mettre la terre & les autres substances qui doivent concourir à la formation, au développement & à l’entretien de la plante. Cet état de desséchement s’annonce par une teinte jaunâtre qui se répand sur toute la plante, ses branches se courbent vers la terre, & semblent aller au-devant du peu d’humidité qu’elle laisse échapper de son sein. Si cet état d’altération dure trop longtemps, la plante finit par périr.

Le bain qui est si avantageux à l’homme, ne l’est pas moins pour la plante dans certaines circonstances : c’est sur ce principe qu’est fondé l’effet salutaire des pluies, (voyez ce mot) non-seulement comme imbibant la terre, mais encore comme humectant les tiges, les branches & les feuilles des plantes, & le lavage des troncs d’arbres fruitiers avec des éponges & des brosses, que plusieurs agriculteurs pratiquent en Angleterre avec le plus grand succès. Cette eau pénètre les pores & les autres vaisseaux excrétoires, délaye les sucs gommeux & les dépôts des autres humeurs qui les obstruoient : nettoyant ainsi ces canaux, elle rend la circulation plus libre. On lit dans les Transactions philosophiques de Londres, une suite d’expériences sur l’avantage de laver les troncs des arbres, par M. Robert Marsham. L’accroissement en grosseur des arbres qui ont été ainsi lavés, a toujours été plus considérable que celui de ceux qui ne l’avoient pas été ; & cette différence est très-sensible. Des chênes & des hêtres ont été le sujet de ses expériences. Cette opération consiste à nettoyer avec une brosse & une éponge pleine d’eau le tronc ; il n’est pas nécessaire de la répéter souvent ; tous les cinq ou six ans, cela suffit, à moins que l’arbre ne se couvrît trop promptement de mousse & de lichen, alors on pourroit recommencer lorqu’on verroit l’arbre chargé de ces plantes parasites. Cette opération a le double avantage, 1°. de débarrasser l’arbre de ces plantes qui tirent une partie de leur nourriture de la substance même de l’écorce, & qui par-là l’appauvrissent, nécessairement ; 2°. de désobstruer les vaisseaux excrétoires qui viennent aboutir à la superficie & à l’épiderme de l’arbre. Cette expérience mériteroit sans doute d’être suivie & répétée en grand sur différentes espèces d’arbres, surtout sur les arbres fruitiers. On remarque en général que les pommiers & les poivriers sont plus couverts de mousse & de lichen, que les autres espèces d’arbres ; les cerisiers, les abricotiers, &c. & tous les arbres qui laissent transsuder à travers leurs pores des sucs gommeux ou résineux, en sont moins attaqués, sans doute, parce que ces sucs n’offrent pas une nourriture propre à la végétation de ces plantes. Le lavage ne leur sera pas moins très-avantageux, parce qu’il tiendra propre, & fondra les gommes qui suintent & bouchent tous les pores de la superficie de ces arbres, dans les endroits où elles transsudent. Au reste, c’est à l’expérience que nous en appelons.

Section IV.

Des Eaux Minérales.

Nous avons vu que l’eau circuloit en masses même assez considérables dans le sein de la terre, & que sa tendance naturelle à se combiner, la mettoit à même de dissoudre presque tous les corps de la nature. Il n’est donc pas étonnant qu’on ne la rencontre jamais pure au sortir de la terre : toujours chargée & imprégnée de substances hétérogènes, elle cesse d’être élément, & devient un mixte dont les nouvelles propriétés participent ou plutôt résultent de celles des corps avec lesquels elle est combinée. Lorsque ces nouvelles qualités sont assez marquées, assez développées pour donner à l’eau une odeur, une faveur particulière, des vertus médicinales, on leur a donné alors le nom d’Eaux Minérales.

Dès l’instant que les eaux minérales peuvent servir au soulagement de l’humanité, & être d’un grand secours dans plusieurs maladies, il est de notre devoir d’en parler & de les faire connoître à nos lecteurs ; leur être utiles en tout, est le but que nous nous sommes proposé ; heureux si nous pouvons y réussir ! Dans cette vue, nous ferons d’abord connoître, i°. les substances les plus ordinaires qui se rencontrent dans les eaux minérales ; 2°. la nature, les propriétés des quatre grandes classes d’eaux minérales : nous indiquerons en même temps les endroits en France ou on les rencontre ; 3°. nous donnerons des procédés simples & faciles pour les reconnoître, les analyser & obtenir chaque substance en particulier ; 4°. d’après cette analyse, nous indiquerons l’art d’imiter les eaux minérales naturelles, d’en faire d’artificielles, & nous détaillerons leur avantage.

§. I. Substances contenues dans les Eaux Minérales. Toutes les substances que l’eau peut attaquer, non-seulement comme eau élémentaire, mais encore combinée avec quelqu’acide, surtout avec l’acide aérien ou l’air fixe, se rencontrent dans les eaux minérales, mais toutes ne leur donnent pas des propriétés médicinales. Les terres ordinaires sont, la terre quartzeuse, l’argileuse ; elles s’y trouvent cependant plus rarement que les suivantes, la chaux & la magnésie : l’argile y étant extrêmement divisée, trouble la transparence de l’eau qui devient alors louche, blanchâtre, & grasse au toucher, ce qui lui a fait donner le nom de savonneuse. Les alcalis s’y rencontrent presque toujours combinés avec des acides, & sous l’état de sels neutres. Il en est de même des acides : l’acide aérien ou air fixe y existe très-souvent libre & jouissant de toutes ses propriétés. Nous verrons plus bas que les eaux imprégnées d’air fixe, forment une classe particulière, connue sous le nom d’eaux gazeuses, eaux acidules, Les sels neutres que l’on trouve le plus souvent dans les eaux minérales, sont le sel de glauber, le sel marin, le sel fébrifuge de Silvius, l’alcali fixe minéral : le nitre & l’alcali fixe végétal y sont plus rarement. Les sels à base terreuse, comme la sélénite, le sel marin calcaire, le sel d’epsom, le sel marin à base de magnésie, la magnésie combinée à l’air fixe, & la terre calcaire, s’y rencontrent assez souvent. Le soufre ou plutôt le soie de soufre & sa vapeur, forment les eaux sulfureuses. Le fer est, de tous les métaux, le plus, fréquemment dissous dans les eaux, ou par l’air fixe % ou par l’acide vitriolique : il faut rejeter de la classe des eaux minérales & médicinales, toutes celles qui contiendroient d’autres substances. métalliques, surtout du cuivre parce qu’elles ne pourroient être que très-dangereuses.

§. II. Division des Eaux minérales. Nous suivrons dans cette division, celle que M. Fourcroy a adoptée dans ses Leçons Élémentaires d'Histoire Naturelle & de Chimie, comme la plus simple & la plus naturelle ; & nous avouons avec plaisir, que c’est dans l’ouvrage de ce savant, & dans celui de M. Duchanoy, que nous prenons tout ce que nous dirons sur les eaux minérales : il étoit difficile de puiser dans de meilleures sources. Nous placerons après les eaux minérales, les eaux thermales simples, qui ne sont que de l’eau pure échauffée dans le sein de la terre.

Classe I. Eaux acidules.

Les eaux acidules ou gazeuses en général, sont celles qui renferment une assez grande quantité d’air fixe ou d’acide aérien, pour lui devoir une saveur vive & pénétrante, un piquant, une force, un grater enfin analogue à celui que le vin de Champagne mousseux développe. Aussi le même principe produit-il le même effet dans ce vin comme dans ces eaux. Elles sont communément inodores & très-légères, souvent même plus que l’eau commune. Quand on en boit trop abondamment, elles rendent plus gai, plus léger ; elles peuvent même enivrer : cela tient aux propriétés de l’air fixe. (Voyez ce mot) À la source de ces eaux on voit l’eau jaillir en gouttelettes qui pétillent en éclatant, & elles bouillonnent comme si elles étoient sur le feu : ce jaillissement & ce bouillonnement sont dus au dégagement de l’air fixe, qui soulève & écarte les molécules d’eau qui l’enchaînoient. Si on enferme ces eaux dans une bouteille, qu’on la bouche & qu’on l’agite un peu, le bouchon saute bientôt, à la manière du vin de Champagne, & souvent même les bouteilles se cassent. Ce phénomène est encore dû au dégagement de l’air fixe qui reprend son élasticité, qui étoit comme perdue dans la masse de la liqueur. Expose-t-on ces eaux à l’air libre ? l’air fixe s’échappe insensiblement ; elles perdent proportionnellement leur goût piquant & acide. À mesure que ce principe s’évapore, toutes les substances dont la dissolution lui étoient dues, se précipitent au fond du vase. Ces eaux sont vraiment acides, elles en ont les propriétés : comme acides elles rougissent la teinture de tournesol, & peuvent dissoudre beaucoup de substances qu’elles n’attaqueroient pas sans cela.

Les eaux acidulés peuvent être absolument pures, c’est-à-dire, ne contenir que de l’air fixe, sans aucune autre substance ; mais, on n’en connoît point encore ; la nature nous les offre toujours plus ou moins imprégnées d’autres principes. Le principe le plus abondant dans cette classe d’eaux, est sans contredit les sels alcalis ; & comme ces eaux sont ou froides ou chaudes, on peut sous-diviser cette première classe en eaux acidules alcalines froides, & eaux acidules & alcalines chaudes.

I. Eaux acidules & alcalines froides. Ces eaux se reconnoissent à leur saveur piquante, & à un goût lixiviel qui leur est propre ; elles sont effervescence quand on y jette quelques gouttes d’acide, & changent en vert le sirop de violette. Elles sont toujours plus ou moins gazeuses, c’est-à-dire qu’elles contiennent toujours une assez grande quantité d’air fixe, qui les rend plus ou moins vives & pétillantes. Dès qu’on les met sur le feu, le moindre degré de chaleur leur communique un mouvement de bouillonnement, d’après lequel il semble qu’elles bouillonnent fortement ; mais tout l’air fixe dégagé, le bouillonnement cesse, & l’eau reste aussi tranquille que l’eau commune. À mesure que ce principe s’évapore, & que l’eau se rapproche, l’odeur & le goût d’alcali ou de lessive se développent de plus en plus. Ces deux caractères servent à reconnoître les eaux minérales alcalines. Mais il en est un plus sûr encore, c’est de jeter dans cette eau ainsi rapprochée, un sel à base terreuse ; il s’y décompose sur le champ ; son acide se portant sur l’alcali qui étoit en dissolution dans l’eau, laisse précipiter la terre, si on pousse l’évaporation jusqu’à siccité, on peut encore verser sur le résidu de l’acide vitriolique : en se combinant avec l’alcali, il formera ou du sel de glauber si c’est de l’alcali minéral, ou du tartre vitriolé, si c’est de l’alcali végétal.

Quelquefois ces eaux minérales contiennent l’alcali bien cristallisé, & M. Monnet en a trouvé dans quelques sources en Auvergne, mais il y est plus ordinairement en état de dissolution. Cet alcali, suivant l’observation de M. Duchanoy, est en général plus doux que l’alcali ordinaire, parce qu’il paroît être complètement saturé & neutralisé par l’air fixe. Non-seulement l’alcali minéral se rencontre dans ces eaux, mais aussi l’alcali végétal s’y trouve fréquemment.

L’abondance d’air fixe ou d’acide aérien, qui se trouve combiné dans les eaux alcalines, les met à même de pouvoir dissoudre une certaine quantité de terre calcaire, & alors ces eaux prennent le nom de terreuses. Ces eaux minérales qui en charient beaucoup font effervescence avec les acides, & verdissent le syrop de violette. Si on les expose au grand air, l’air fixe se dégage, & Il se forme sur la surface de l’eau une pellicule terreuse qui augmente insensiblement, & qui, à raison de la pesanteur qu’elle acquiert, se précipite au fond de l’eau. Cette pellicule terreuse est une vraie terre calcaire faisant effervescence avec les acides, & est très-dissoluble dans ses menstrues, surtout dans le vinaigre qui la sépare très-facilement & des terres martiales, & des autres matières terreuses que l’eau peut contenir.

La terre dans les eaux minérales n’est pas toujours en état de dissolution ; mais elle n’est simplement que divisée & suspendue dans l’eau ; & la terre n’est pas toujours calcaire, la terre base du sel d’epsom ou la magnésie s’y trouve aussi fréquemment. On les distingue facilement l’une de l’autre, en les dissolvant dans l’acide vitriolique, qui forme de la sélénite avec la première, & du sel d’epsom avec la seconde.

Nous allons donner par ordre alphabétique, la notice des principales eaux acidules alcalines & terreuses froides, avec les principes qu’elles contiennent.

Bard. Les eaux de Bard sont très-alcalines & très-spiritueuses ; elles sont vives & pétillantes ; en perdant leur air fixe, elles se troublent & elles deviennent au goût sensiblement alcalines & désagréables. Suivant l’analyse de M. Monnet, dix pintes de ces eaux contiennent cinq gros de matière fixe, dont moitié est de l’alcali minéral, & l’autre est terre calcaire & sélénite.

Chateldon. Les eaux de Chateldon ont été analysées successivement par Messieurs Desbrest, Sage, & de Fouroy. & tous les ont trouvées alcalines & terreuses. Elles sont abondamment gazeuses.

Langeac. L’air fixe y est très-abondant ; elles se colorent en rouge par la noix de gale, & verdissent à la longue le syrop de violette. Elles contiennent par pinte douze grains d’alcali, autant de terre magnésienne, deux grains de terre argileuse, & quelques grains de terre insoluble dans les acides.

Medague. Ces eaux sont très-gazeuses, &, suivant M. Chappel, dix pintes tiennent cinq gros & demi d’alcali minéral, mêlé d’un peu de sel marin, de la terre magnésienne & un peu de terre martiale.

Montbrisson. Quarante pintes de ces eaux acidules, analysées par M. Richard de la Plade, ont donné cinq gros & huit grains de terre, & cinq gros & demi d’alcali.

Sail. Ces eaux ont été analysées par le même auteur, & elles tiennent par pinte environ trente grains d’alcali minéral, une quinzaine de grains de terre magnésienne & un grain de terre martiale.

Saint-Galmier. Elles sont, suivant le même, très-spiritueuses & donnent pour trente livres d’eau, trois grains & demi de terre magnésienne, cinquante-cinq grains de sélénite, & deux grains par pinte d’alcali végétal.

Saint-Myon. Elles sont aigrelettes, & ont une saveur très-vive & très-piquante. M. Castel s’est assuré qu’elles contenoient par pinte vingt-huit à trente grains de sel marin, douze grains de terre magnésienne, quatre grains de terre vitrifiable.

Seltz. M. de Fourcy a reconnu dans ces eaux quarante à quarante-cinq grains d’alcali minéral, quinze à seize de sel marin, & deux grains de substance ferrugineuse.

Vals. À Vals, il y a quatre sources d’eaux acidules alcalines, qui ne diffèrent entr’elles que du plus au moins : toutes contiennent de l’alcali, au moins un demi-gros par pinte.

II. Eaux acidules alcalines chaudes. Quoique la chaleur & le feu dégagent ordinairement l’air fixe combiné avec l’eau, cependant il se trouve plusieurs sources minérales chaudes, qui contiennent ce principe. Tant que ces eaux circulent dans le sein de la terre ; l’air fixe ne trouvant aucune issue, reste uni avec l’eau, & il ne s’en dégage que lorsque cette eau arrive au grand air. De plus, il y a des eaux chaudes dans lesquelles il n’existe d’air fixe que celui qui a été retenu & neutralisé par l’alcali ou les autres matières ; les premières sont spiritueuses, vives & piquantes, & les autres ne le sont pas.

Comme les eaux acidules alcalines chaudes se comportent à peu près de la même manière que les froides ; on les reconnoît à ces mêmes caractères. Il y en a beaucoup en France ; les principales, les plus renommées sont :

Chatelguyon. Ces eaux sont chaudes aux vingt-deux, vingt-trois & vingt-quatrième degrés du thermomètre de Réaumur ; elles ont le goût vif & aigrelet des eaux de Seltz ; mais ce goût laisse après lui une amertume qui lui est particulière. Quatorze livres de ces eaux contiennent environ huit à dix grains de terre martiale, cinq gros & demi de sel marin, un gros de sel d’epsom, & près de quatre gros de terre, partie magnésie, & partie terre calcaire tenues en dissolution par l’air fixe.

Eaux du Mont-d’Or. Leur degré de chaleur est entre trente & trente-sept. Ces eaux ont un goût aigrelet, vineux, qui prend au nez, mais qui est bientôt suivi d’un goût fade & désagréable ; elles sont très ; vives, très-claires & douces au toucher, comme une eau savonneuse. Elles forment un dépôt rougeâtre ; elles contiennent de l’alcali minéral ; c’est le principe le plus abondant du sel marin, de la terre martiale, de la sélénite, & une matière grasse bitumineuse.

Vichi. Il y a plusieurs sources d’eaux minérales chaudes à Vichi, mais toutes n’ont pas la même température ; elle varie depuis 25 jusqu’à 48 ; leur acidité & leur saveur n’est pas la même ; toutes bouillonnent & pétillent d’une manière vive & très-marquée, & sont très-spiritueuses : deux livres de ces eaux fournissent deux gros de résidu sec, qui contiennent du fer, de la terre calcaire, du sel marin, de l’alcali assez abondamment, & de l’argile.

Classe II. Eaux salines.

Par eaux salines, nous n’entendons pas ici celles qui tiennent simplement du sel marin en dissolution, & dont on l’extrait par des opérations particulières ; telles sont les sources d’eaux salées de Lorraine, de Franche-Comté, &c. &c. mais nous ne parlons ici que de celles qui tiennent une assez grande quantité de sels neutres en dissolution, pour agir d’une manière très-marquée, & plus souvent comme purgatives sur l’économie animale. On peut soupçonner facilement qu’il y a autant d’espèces d’eaux salines qu’il y a de différens sels qu’elles peuvent tenir en dissolution. Rarement ces eaux ne contiennent qu’une espèce de sel ; communément ils s’en trouve plusieurs à la fois, & qu’il est quelquefois difficile d’obtenir isolés par l’analyse. Les sels que l’on y rencontre ordinairement sont le sel d’epsom, le sel marin, le sel marin à base terreuse, le sel de glauber, le sel fébrifuge de Sylvius, le natrum, l’alun assez rarement, & la sélénite. Les eaux salines sont assez faciles à reconnoître au moins en général ; elles sont froides ou chaudes, claires, limpides, & ont un goût amer & salé ; l’effervescence qu’elles font avec les acides ou les alcalis, annonce la nature du sel acide ou alcalin qui y domine ; mais l’analyse exacte peut seule bien faire connoître sa nature.

Les principales eaux salines connues & en usage sont :

Balaruc. Les eaux de Balaruc sont limpides & salées, chaudes au quarante-deuxième degré de Réaumur : trente livres de ces eaux, analysées par M. Leroy, ont donné trois gros de terre magnésienne & de sélénite, une once de sel marin, & trois gros de sel déliquescent.

Bourbonne. La chaleur des eaux de Bourbonne n’est point égale à toutes les sources ; elle va jusqu’à 55 degrés ; elles sont claires & limpides, & n’ont qu’un petit goût salé. Vingt-quatre livres de ces eaux, soumises à l’analyse par M. Duchanoy, ont donné deux gros de sel commun, un gros & quarante-deux grains de sélénite, & trente grains de terre.

Epsom. Nous réunirons sous cet article trois sources d’eaux minérales, dont la composition est à peu près la même : l’eau d’Epsom, de Sœdlitz, & de Seydschutz. L’eau de Sœdlitz est froide, claire & limpide ; elle a un goût très-amer & très-salé ; elle tient par chaque livre d’eau deux drachmes & quelques grains de sel amer à base terreuse, connu sous le nom de sel d’epsom, qui n’est qu’une combinaison de l’acide vitriolique avec la magnésie. Celle de Seydschutz est plus amère & plus salée, & tient par livre d’eau deux drachmes & dix grains de sel d’epsom, & dix grains de terre calcaire. L’eau d’epsom, au contraire, est moins amère & salée que les deux précédentes, parce qu’elle ne contient qu’une demi-drachme de sel par livre. Il paroît constant, d’après M. Duchanoy, que les deux premières sources contiennent encore un peu de sel marin déliquescent.

Lamothe. La chaleur de ces eaux va jusqu’au soixante-quatrième degré, & elles tiennent par pinte près de quatre grains de terre calcaire, vingt-quatre de sélénite, dix-huit de sel d’epsom, un demi grain de matière extractive, & à peu près autant de sel marin à base terreuse.

Pouillon. Les eaux de Pouillon sont froides, leur goût est fort salé, & légèrement martial : selon l’analyse de M. Costel, elles contiennent par pinte deux gros & quelques grains de sel marin ordinaire, cinquante-quatre grains de sel marin à base terreuse, non déliquescent, & un peu d’air fixe.

Classe III. Eaux sulphureuses.

Les eaux sulphureuses sont très-faciles à distinguer des autres eaux minérales, par leur odeur particulière, qui est semblable à celle d’œufs couvés, ou plutôt à celle d’œufs durs que l’on ouvre tout chauds, & par une saveur désagréable ; elles ont aussi la propriété de noircir l’argent qu’on expose à leur vapeur, ou qu’on laisse séjourner dedans : cependant une douce chaleur, & quelquefois le seul accès de l’air libre suffit pour leur faire perdre leur odeur & leur goût. Presque toutes les eaux sulphureuses sont onctueuses, douces au toucher, & thermales, c’est-à-dire, chaudes.

Quel est le principe qui, combiné avec l’eau, leur donne toutes ces propriétés analogues à celles du soufre ? On avoit cru autrefois que c’étoit le soufre lui-même, ou l’esprit sulphureux, ou le foie de soufre. Mais MM. Venel & Monnet ont démontré la fausseté de ces opinions, & ont assuré que ces eaux n’étoient imprégnées que de la seule vapeur du foie de soufre. M. Bergman, chimiste suédois, dans son excellent Traité des analyses des eaux, pense que c’est le gaz ou l’air hépatique. M. Duchanoy y admet aussi, d’après l’analyse de certaines eaux, du foie de soufre, tantôt alcalin, tantôt calcaire ou argileux. Il paroît donc constant qu’il existe deux espèces d’eaux sulphureuses ; l’une qui contient véritablement un peu de foie de soufre, & l’autre qui n’est minéralisée que par l’air ou le gaz hépatique.

Quelquefois ces eaux sulphureuses sont imprégnées d’une substance martiale, ce qui forme une troisième variété d’eaux sulphureuses que l’on peut désigner sous le nom d’eaux martiales sulphureuses.

Les eaux sulphureuses le plus en usage sont les suivantes.

Aix-la-Chapelle. Les eaux d’Aix-la-Chapelle sont, de toutes les eaux sulphureuses, les plus chargées de matières ; elles tiennent le milieu entre les eaux salines & les eaux sulphureuses, & sont, en général, excessivement chaudes. Leur température va jusqu’à soixante degrés, & il se sublime du soufre aux voûtes des fontaines, & il s’en dépose dans les lieux où s’écoulent les eaux. Outre l’odeur & le goût de foie de soufre, elles sont un peu salées & alcalines, font effervescence avec les acides, & noircissent l’argent ; elles contiennent par pinte, d’après l’analyse, faite par M. Caeberg, deux grains ou environ de terre calcaire, quatre de sel marin, & près de deux gros d’alcali : cette proportion varie dans les différentes sources. Les eaux d’Aix-la-Chapelle appartiennent à la seconde espèce des eaux sulphureuses.

Bagnières-de-Luchon. Ces eaux sulphureuses jouissent d’une température différente dans leurs diverses sources ; dans l’ancienne source de la grotte, & dans la chaude à droite, elle va jusqu’à cinquante-un : ces eaux déposent un sédiment noirâtre, luisant & balsamique, & par-dessus une autre couche blanche & savonneuse. Ces dépôts sont dûs à de l’argile extrêmement divisée ; elles appartiennent à la première espèce, ainsi que les deux suivantes.

Barèges. La température des cinq sources de Barèges varie depuis le vingt-huit jusqu’au quarantième degré du thermomètre : ces eaux exhalent l’odeur d’œufs couvés ; mais si on les laisse quelque temps à l’air, elles perdent absolument cette odeur. Leur saveur est douceâtre tirant sur le fade, & se conserve plus longtemps que l’odeur : elles sont très-douces au toucher, claires & limpides, & noircissent l’argent : elles ne contiennent par pinte que deux grains de matières étrangères, du foie de soufre à base d’alcali, de l’argile phlogistiqué, du sel marin à base terreuse.

Bonnes. Les eaux de Bonnes sont très-douces, très-savonneuses, & sulphureuses ; elles diffèrent des eaux de Barèges, par la nature du foie de soufre qui est terreux, & par l’absence du sel marin à base terreuse qu’on n’y trouve pas.

Caransac. Ces eaux sont sulphureuses-martiales, & appartiennent à la troisième espèce des eaux sulphureuses.

Couterets. Elles sont très-claires, limpides, sulphureuses & savonneuses. La température des différentes sources de Couterets va depuis trente-un degrés jusqu’à quarante-quatre ; elles sont de la même nature que les eaux de Barèges, dont elles ne diffèrent que par leur intensité.

Montmorenci. Les eaux de Montmorenci, près Paris, sont très-sulphureuses, contiennent de la sélénite, du sel de glauber à base terreuse, du sel marin à base terreuse, & de la terre calcaire : elles appartiennent à la seconde espèce des eaux sulphureuses.

Saint-Amand. Elles sont tièdes ; elles ne sont sulphureuses que parce qu’elles sont imprégnées du gaz ou de l’air hépatique, & par conséquent, elles appartiennent à la seconde espèce.

Classe IV. Eaux ferrugineuses.

Les eaux ferrugineuses sont les plus abondantes de la nature, & il y a peu de provinces qui n’en renferment quelques-unes : cette abondance vient de ce que le fer est, de tous les métaux, le plus commun & le plus facile à être attaqué & dissous. L’eau simple, même l’eau distillée, vient à bout de l’altérer, & de s’en charger ; à combien plus forte raison éprouve-t-il l’action de l’eau saturée de principes salins ? Les eaux ferrugineuses, en général, ont un goût stiptique, astringent & dur, rarement ne tiennent-elles que du fer ; il y est mêlé le plus ordinairement avec des sels ou de terres.

Le fer est tenu en dissolution dans l’eau, ou par l’air fixe, ou par l’acide vitriolique, ce qui forme deux divisions naturelles des eaux ferrugineuses : les eaux martiales-gazeuses & les eaux martiales-vitrioliques ; mais dans les premières, le fer peut être dissous avec excès d’air fixe, ce qui les rend pétillantes & acidules, ou bien la proportion de l’air fixe est celle qui est nécessaire simplement pour la dissolution du fer, & alors les eaux ne sont point acidules, ce qui fait une sous-division de cette première espèce ; eaux martiales-acidules, eaux martiales-simples.

Nous allons passer en revue les eaux ferrugineuses les plus connues & les plus en usage, & nous aurons soin de spécifier à chacune à quelle espèce elle appartient.

Aumale. Les eaux d’Aumale ont une saveur & une odeur très-fortes, le goût âpre & subastringent des eaux ferrugineuses ; elles sont claires dans les sources, mais elles se troublent bientôt à l’air libre, & encore plus vite à la chaleur du feu. Elles deviennent rousses, & déposent des flocons de rouille. Les analyses ont fait voir qu’elles contenoient du fer, quelques grains de terre magnésienne, un peu de sel marin calcaire, & très-peu de sélénite. Elles sont de la seconde espèce, c’est-à-dire des eaux martiales simples.

Bussang. Ces eaux sont claires, transparentes & cristallines à leur source, mais elles laissent déposer une matière rougeâtre & ochreuse ; leur saveur est aigrelette ; elles bouillonnent en sortant de leur source ; elles ne contiennent presque que de l’alcali fixe & une terre martiale ; elles appartiennent à la première espèce, aux eaux martiales acidules.

Condé. Les eaux ferrugineuses de Condé sont imprégnées d’air fixe, mais pas en assez grande quantité pour les rendre spiritueuses & piquantes. Suivant l’analyse de M. Mitouart, elles contiennent par pinte un peu de sel martial, huit grains & demi de sélénite, six grains de sel marin à base terreuse, & un grain de terre ; elles appartiennent à la seconde espèce, ainsi que les suivantes.

Forges. Les eaux des trois sources de Forges, ont un goût ferrugineux, très-sensible. Elles tiennent, par pinte, environ un grain de fer & vingt grains de terre magnésienne.

Passy. Elles sont claires & limpides, comme l’eau la plus pure, leur saveur est un peu vitriolique, mais douceâtre ; vingt-quatre pintes de ces eaux donnent une once & demie de sélénite, mêlée de terre martiale, & une once de sel d’epsom : elles appartiennent à la troisième espèce d’eaux ferrugineuses vitrioliques.

Pyrmont. Les eaux de Pyrmont sont très-spiritueuses, piquantes au nez, bouillonnent avec les acides, & contiennent en principes fixes une terre ferrugineuse, de la terre magnésienne en assez grande quantité, & un peu de sel marin à base terreuse.

Pougues. Les eaux de Pougues sont claires & limpides, elles bouillonnent & pétillent à leur source, elles laissent déposer une terre ocreuse très-fine, elles ont le montant & le grater des eaux spiritueuses ; & outre ce goût acidulé, elles ont encore une espèce de goût alcalin fade. Deux livres de ces eaux, outre l’air fixe, contiennent un grain de terre martiale, vingt-sept à vingt-huit grains de terre magnésienne, & un scrupule de matière saline, partie de sel marin, & partie d’alcali minéral : elles appartiennent à la première espèce.

Provins. Quoique les eaux de Provins soient gazeuses, elles n’ont pas cependant assez d’air fixe pour être piquantes & acidulés, & par conséquent appartenir à la première espèce. Elles laissent dans la bouche une saveur douceâtre, astringente & stiptique ; elles ne sont pas claires & limpides, mais ont un coup-d’œil louche, qui est dû à une terre ocreuse qu’elles tiennent en dissolution. D’après l’analyse de M. Opoix, & les observations de M. Duchanoy, ces eaux contiennent un peu de sel de glauber, moins encore de sel marin à base terreuse, du vitriol martial, une terre argileuse & de l’air fixe, qui dulcifie le vitriol martial.

Spa. Les eaux de Spa sont très-spiritueuses, & conservent leur air fixe beaucoup plus longtemps que les autres. Douze pintes de ces eaux contiennent treize grains de fer, huit grains d’alcali végétal, & un grain de terre, partie calcaire, partie magnésienne, & partie argileuse.

Vals. (La Dominique de) L’eau de cette source est âpre, stiptique, désagréable à boire & pesante à l’estomac, sa saveur est piquante & vitriolique. Elles contiennent par pinte, quatre à cinq grains & plus de terre argileuse, qui paroît être le résultat de la décomposition de l’alun, & vingt-un grains de sels dont les trois quarts sont du vitriol martial, & l’autre quart de l’alun.

Section V.

Examen & Analyse des Eaux minérales.

Rien n’est peut-être si difficile, que de bien faire l’analyse d’une eau minérale, mais rien n’est cependant si essentiel pour en déterminer la nature & en prévoir l’utilité & le genre d’usage auquel on peut l’employer avec succès ; il est donc important d’en savoir faire l’essai. Nous avons déjà observé plusieurs fois que notre but, dans cet Ouvrage, étoit non-seulement d’instruire & guider le simple paysan qui, attaché à l’agriculture, ne connoît à la campagne, que la terre qui reçoit son grain, la charrue & les engrais qui le font prospérer, mais encore de ne jamais perdre de vue le cultivateur aisé qui porte ses regards plus loin, qui instruit déjà ou cherche à s’instruire, s’intéresse à tout ce qui l’environne, & veut tirer parti de tous les objets si variés que la nature lui offre : c’est pour lui que nous traçons les élémens de physique, dont la connoissance est nécessaire pour raisonner une théorie, & diriger sagement la pratique ; c’est pour lui que nous donnons quelques notions de chimie les plus importantes ; c’est pour lui, enfin, que nous allons indiquer les moyens les plus simples & les plus sûrs pour analyser les eaux minérales.

Pour bien connoître une eau minérale, il faut étudier, i°. ses propriétés physiques ; 2°. examiner sa nature, ce qui peut se faire par les réactifs, par la distillation, par l’évaporation.

1°. Nous appelons propriétés physiques d’une eau minérale, les caractères extérieurs qui l’accompagnent toujours, tels que sa saveur, son odeur, sa couleur, sa transparence, sa pesanteur, & sa température. Sa saveur peut être douce, piquante, fade, astringente & stiptique, acidule ou alcaline ; &c. son odeur, forte, bitumineuse ou hépatique ; sa couleur, claire, limpide, ou terne, obscure, nébuleuse ; sa pesanteur, plus ou moins grande, comparativement à de l’eau distillée ; sa température, moindre, égale ou plus chaude que la température de l’atmosphère. Un bon pèse-liqueur ou aréomètre, (voyez ce mot) & un thermomètre exact rempliront ces deux derniers objets.

2°. Il faut aussi observer avec soin la situation de la source, examiner les lieux voisins & surtout les couches des minéraux dont le sol est composé. Ces observations préliminaires doivent être faites, s’il est possible, dans différentes saisons, à différentes heures du jour, & surtout à différentes époques suivant l’état de l’atmosphère ; car les métaux influent beaucoup sur l’état des sources minérales. 3°. Les matières déposées dans les bassins ou flottantes dans l’eau, ou sublimées sur les parois, ne sont pas à négliger. Ces observations préliminaires indiquent en grande partie à quelle classe il faut rapporter les eaux. On procède ensuite à l’analyse.

I. Analyse des eaux par les réactifs. On entend par le nom de réactifs, des substances qui indiquent par les phénomènes qu’elles présentent avec les eaux, la nature des matières qu’elles tiennent en dissolution. Ces réactifs sont,

1°. La teinture de Tournesol. Elle sert à reconnoître la présence d’un acide ou d’un alcali, & de l’air fixe, On l’étend dans l’eau, assez pour qu’elle ait une couleur bleu-tendre. On verse quelques gouttes de l’eau minérale ; pour peu qu’elle soit acide ou gazeuse, elle colore en rouge la teinture de tournesol ; si elle est alcaline, la couleur passera au vert.

2°. L’eau de Chaux. Ce réactif est un des plus utiles dans l’analyse des eaux minérales. L’eau de chaux décompose les sels métalliques, surtout le vitriol martial dont il précipite le fer ; il sépare l’argile ou la magnésie des acides vitrioliques & marins ; enfin, la présence de l’air fixe par la régénération de la chaux en terre calcaire. D’après les expériences de M. Jacquin, il est constant qu’il existe treize onces d’air fixe dans trente-deux onces de craie ; il sera donc très-facile d’estimer proportionellement, par la quantité de terre calcaire régénérée, la quantité d’air fixe que contenoit l’eau minérale ; mais comme l’eau de chaux s’empare, non seulement de l’air fixe libre & disséminé dans l’eau, mais encore de celui qui est uni à l’alcali fixe, il faudra, pour avoir un calcul exact, faire une seconde opération, qui consiste à dépouiller l’eau minérale de son air fixe libre, par une forte ébullition, à verser ensuite de l’eau de chaux sur cette eau ; la quantité d’air fixe qui aura abandonné l’alcali fixe, en cas qu’il s’en trouve dans l’eau, & qui se sera reporté sur la chaux pour régénérer de la terre calcaire, sera défalquée de la première quantité donnée.

3°. L’alcali fixe, caustique très-pur. Il est préférable à l’alcali combiné avec l’air fixe, ou alcali fixe ordinaire. Il précipite tous les sels neutres à base d’argile, de magnésie, de chaux & de métal. Il est encore très-propre à indiquer la présence de la terre calcaire dissoute dans l’eau minérale à la saveur de l’air fixe ; parce que cet alcali caustique s’empare de l’air fixe, & la terre calcaire, dépouillée du principe qui la tenoit en dissolution dans l’eau, se précipite.

4°. L’alcali volatil caustique très-pur. Sa pureté & sa très-grande causticité sont absolument nécessaires, pour qu’on puisse compter sur les résultats de ce réactif, dont l’effet est de décomposer les sels terreux, à base de terre alumineuse & de magnésie. Il ne précipite point les sels calcaires. Comme cet alcali attire très-puissamment l’air fixe de l’atmosphère, & qu’alors il devient en état de décomposer, par une double affinité, les sels à base de chaux, il faut avoir grand soin de ne pas le laisser exposer à l’air pendant l’expérience ; il faut, s’il est possible, la faire dans un flacon qui bouche bien.

5°. L’acide vitriolique. Il précipite en blanc mat une eau qui contient de la terre pesante, suivant M. Bergman : lorsqu’il produit des bulles dans l’eau, il indique la présence de la terre calcaire, ou de l’alcali fixe, ou de l’air fixe. Pour distinguer ces trois substances, il n’y a qu’à chauffer l’eau minérale dans laquelle on aura versé l’acide vitriolique ; il se forme un dépôt & une pellicule de sélénite, qui résulte de la combinaison de l’acide vitriolique & de la terre calcaire, ce qui n’arrive pas dans les eaux firtfplement alcalines ; si ce n’est que l’air fixe seul qui produit les bulles, on le reconnoît facilement à son odeur & à ses effets.

6°. L’acide nitreux. Cet acide concentré est recommandé par M. Bergman, pour précipiter le soufre des eaux sulphureuses ou hépatiques. Si on en verse quelques gouttes sur de l’eau minérale sulphureuse, on voit bientôt se former un dépôt d’un blanc jaunâtre, qui filtré, desséché, & mis sur un charbon allumé, brûle avec la flamme & l’odeur du soufre.

7°. L’alcali déphlogistiqué. M. Fourcroy rejette avec raison l’usage de l’alcali déphlogistiqué dans l’analyse des eaux minérales, parce que cette liqueur retient toujours une certaine portion de bleu de Prusse tout formé, qui occasionne nécessairement une erreur dans les résultats ; il y substitue de l’eau de chaux saturée de la matière colorante du bleu de Prusse, qui ne contient pas un atome de bleu de Prusse & qui est très-propre à indiquer la moindre parcelle de fer dans les eaux. Si l’eau minérale en contient, en versant quelques gouttes de cette eau de chaux, il se précipite bientôt en bleu de Prusse, qu’on filtre, dessèche & pèse. La portion de bleu de Prusse précipitée, contient à peu près un cinquième de fer.

8°. La noix de galle. On emploie ce réactif pour connoître la présence du fer qu’il précipite en différentes couleurs de ces dissolutions ; on se sert de la noix de galle ou en poudre, ou en infusion faite à froid, ou en teinture par l’esprit de vin ; cette dernière est la meilleure, & elle est si active, qu’une seule goutte colore en pourpre dans l’espace de cinq minutes, une eau qui ne contient qu’un vingt-quatrième de grain de vitriol martial sur près de trois pintes. Le fer se précipite insensiblement sous une forme pulvérulente & noire.

Nous n’indiquons pas ici les dissolutions d’argent & de mercure par l’acide nitreux, parce que leur usage peut induire facilement en erreur ; car, non-seulement elle indique la présence de l’acide vitriolique & de l’acide marin, mais elles sont encore précipitées par l’alcali fixe, la terre calcaire & la magnésie. Cependant, si on veut les employer, leurs décompositions & leurs effets s’annoncent par un dépôt blanchâtre qui se forme dans l’eau minérale qui contient quelques-uns des principes cités plus haut. Mais ce dépôt a besoin lui-même d’être analysé, si on veut connoître sa nature.

II. Analyse par la distillation. Cette analyse n’est employée & n’est utile, que pour connoître la nature de l’air qui est combiné avec l’eau minérale. Le procédé employé pour cette opération est exactement le même que celui que nous avons indiqué à l’article Air fixe, tome I, page 328.

III. Analyse par évaporation. L’évaporation employée conjointement avec les réactifs est le moyen le plus sûr de faire une bonne analyse, & d’obtenir tous les principes d’une eau minérale. Il faut, s’il est possible, agir sur une très-grande dose ; car, plus il y aura de l’eau en évaporation, plus le résidu sera considérable, plus chaque principe sera abondant. L’évaporation doit être ménagée à une chaleur douce, & jamais jusqu’à l’ébullition ; il faut avoir soin d’examiner les différens phénomènes qui se présentent dans l’évaporation, & en tenir compte.

Si l’eau est chargée d’air fixe, il se forme des bulles à la première impression de la chaleur. À mesure que l’air fixe se dégage, il se forme une pellicule & un dépôt dû à la terre calcaire & au fer que ce principe tenoit en dissolution.

Aux premières pellicules succède la cristallisation de la sélénite ; enfin le sel marin & le sel fébrifuge se cristallisent en cubes à la surface. Les sels déliquescens ne s’obtiennent que par l’évaporation conduite jusqu’à siccité.

On pèse exactement ce résidu, on le met ensuite dans une petite fiole avec trois ou quatre fois son poids d’esprit de vin ; on agite le tout, & après l’avoir laissé reposer quelques heures, on filtre ; on conserve l’esprit de vin, à part, on sèche à une chaleur douce la portion du résidu sur laquelle l’esprit de vin n’a point agi ; on la pèse exactement, & le déchet indique le sel marin calcaire & le sel marin de magnésie qui sont très-solubles dans l’esprit de vin. On délaye ensuite ce résidu avec huit fois son poids d’eau distillée froide ; on le laisse en repos pendant quelques heures, on filtre & on dessèche une seconde fois le résidu ; on le fait bouillir pendant une demi-heure, dans quatre ou cinq cents fois son poids d’eau distillée ; on filtre, & alors il ne reste plus que ce que l’eau froide & l’eau bouillante n’ont pu dissoudre. La première s’est emparé des sels neutres, tel que le sel de glauber, le sel marin, le sel fébrifuge, & le sel d’epsom, de l’alun & du nitre, en cas qu’il y en eût, ce qui est fort rare. L’eau bouillante à grande dose ne dissout que la sélénite.

Il reste donc quatre substances à examiner ; 1°. le résidu insoluble dans l’esprit de vin & dans l’eau ; 2°. les sels dissous dans l’esprit de vin ; 3°. ceux par l’eau froide ; 4°. & ceux par l’eau bouillante.

i°. Résidu non soluble. Il peut être composé de terre calcaire, de magnésie & de fer, combinés avec l’air fixe, d’argile & de quartz. Ces deux derniers sont très-rares. La couleur brune ou jaune plus ou moins foncée indique la présence du fer ; si le résidu est gris blanc, il n’en contient point. Lorsqu’il en contient, il faut l’humecter, & l’exposer à l’air afin qu’il se rouille ; alors le vinaigre n’a plus d’action sur lui.

Supposons que le résidu contienne les cinq substances dont nous venons de parler : voici le moyen de les obtenir isolés. Après avoir fait rouiller le fer, on fait digérer le résidu dans du vinaigre distillé. Il dissout la chaux & la magnésie, & par l’évaporation on obtient du sel acéteux calcaire, qui se distingue du sel acéteux de magnésie, en ce qu’il n’attire point l’humidité de l’air. On les sépare ou par la déliquescence, ou en versant dans la dissolution, de l’acide vitriolique que précipite la terre calcaire en sélénite ; tandis que le sel d’epsom qu’il forme avec la magnésie, reste en dissolution dans la liqueur. On l’obtient par l’évaporation ; on précipite de nouveau la sélénite & le sel d’epsom par l’alcali végétal, & on pèse à part la terre calcaire & la magnésie obtenue par ce moyen. On enlève le fer & l’argile à l’aide de l’acide marin, & on précipite le fer par l’alcali déphlogistiqué, & l’argile par l’alcali fixe. Il ne reste plus que la partie quartzeuse que l’on pèse à son tour.

2°. Sels dissous dans l’esprit de vin. Ces sels comme nous l’avons dit, sont le sel marin calcaire & le sel marin de magnésie. On fait évaporer jusqu’à siccité l’esprit de vin, & sur le résidu on verse quelques gouttes d’acide vitriolique, qui excite une effervescence, & dégage des vapeurs d’acide marin reconnoissables à leur odeur & à leur couleur blanche. Pour obtenir la terre calcaire & la magnésie, on opère comme nous l’avons prescrit plus haut, (N°. 1.) pour décomposer le sel acéteux calcaire, & le sel acéteux de magnésie.

3°. Sels dissous dans l’eau froide. Ces sels sont le sel de glauber, le sel marin, le sel fébrifuge, l’alcali fixe minéral, l’alcali fixe végétal, & le sel d’epsom. Quelquefois il s’y trouve une petite quantité de vitriol martial. S’il n’y avoit qu’une espèce de sel, on l’obtiendroit facilement par évaporation & cristallisation, & on s’assureroit de sa nature par sa forme, sa faveur, l’action du feu, ainsi que celle des réactifs ; mais ce cas est fort rare. Ordinairement, il y en a plusieurs à la fois ; on ne les obtient que par une évaporation lente & bien ménagée, & il faut examiner chacun des sels qui se forment pendant les différens temps de l’évaporation. On sépare l’alcali minéral, qui se précipite avec le sel marin $ le sel fébrifuge, en lavant ce sel mixte dans du vinaigre distillé, l’alcali minéral s’y dissout ; on dessèche le mélange, on le lave de nouveau dans de l’esprit de vin, qui se charge de la terre foliée minérale sans toucher au sel marin. On évapore à siccité la dissolution spiritueuse, on calcine le résidu ; le vinaigre se décompose & se brûle, & on n’a plus alors que l’alcali minéral, dont on connoît exactement la quantité.

4°. Sels dissous dans l’eau chaude. Ce n’est que de la sélénite. On s’en assure par l’alcali volatil caustique bien pur, qui n’y occasionne aucun changement ; tandis que l’alcali fixe caustique la précipite abondamment. En l’évaporant à siccité, on connoît exactement la quantité de sel terreux qui étoit contenu dans l’eau.

Section VI.

Manière de faire des Eaux minérales artificielles.

Nous ne pouvons mieux faire pour donner une idée de l’avantage des eaux minérales artificielles, qu’en copiant ce que M. Duchanoy en dit dans l’avant-propos de son excellent Ouvrage sur l’Art d’imiter les eaux minérales.

« Quelqu’efficaces que soient les eaux minérales, on ne les trouve pas par-tout ; le peuple, cette branche précieuse de l’humanité, ne peut pas en profiter ; les frais qu’il faut faire pour aller chercher ce secours, & l’éloignement auquel il force, ne permettent qu’à un petit nombre de personnes d’en user, encore souvent ne s’y déterminent-elles que trop tard. Quels services ne rendroit pas à ses semblables, celui qui mettroit ces eaux à la portée de tout le monde, & qui en faciliteroit, en tout temps & dans tous les lieux, un usage familier, moins dispendieux & plus utile ! Les pauvres en profiteroient, les gens aisés ou riches ne quitteroient point leurs affaires, ils conserveroient à côté d’eux leurs médecins ordinaires, qui, plus au fait & de leur état & de leur tempérament, continueroient d’en prendre soin, & seroient, plus qu’un médecin étranger, à portée de suivre les effets des eaux, & de les mieux diriger. D’ailleurs, combien de cas particuliers où il seroit à désirer que les eaux froides fussent à côté des chaudes, les sulfureuses à côtés des acidules, &c. &c. pour les mélanger, les varier, & les approprier enfin, dans toutes les circonstances, à la nature & au caractère des maladies, à l’âge & au tempérament des malades. »

Il est de fait que les eaux minérales naturelles varient très-souvent, par rapport aux substances étrangères qu’elles contiennent, & par rapport à leur proportion, & que ces variations dépendent souvent de l’état de l’atmosphère… « D’après les vérités que je viens de présenter, ajoute M. Duchanoy, & en faveur desquelles j’aurois pu aisément multiplier les preuves, on ne doit pas avoir de peine à se persuader que des eaux minérales artificielles, bien faites, n’auroient pas seulement, avec les naturelles, une analogie, une similitude, une identité dans les principes ; mais qu’elles l’emporteroient encore sur celles-ci, par les avantages qu’elles auroient de ne jamais varier dans les doses, les proportions & la température ; d’être exemptes de tout mélange étranger qui pourroit les rendre dangereuses ; de se trouver partout, de pouvoir par conséquent les réunir dans un même lieu, les ordonner dans tous les temps ; d’y rassembler tous les moyens auxiliaires, comme bains, douches, étuves, boues, &c. &c. »

C’est ces principes qui nous ont engagé à donner la manière d’imiter les principales eaux minérales. Nous les classerons tout simplement par ordre alphabétique, il sera plus facile de les retrouver.

Comme un très-grand nombre d’eaux minérales contiennent de l’air fixe, il est essentiel de connoître un moyen simple & facile de pouvoir en imprégner une certaine quantité d’eau. Voici un appareil très-commode décrit par M. Duchanoy. (Voyez Planche du mot Épine.) Il est composé d’un réservoir 1, Fig. 1, d’un bocal 2, d’un flacon 3, & d’un tube de communication 4. Le réservoir peut être en bois doublé de plomb, & de la capacité qu’on voudra. On peut même se servir de tout autre vaisseau de bois. La moitié de ce réservoir est recouverte par une tablette S, d’un demi-pouce d’épaisseur, & solidement fixée, de façon que lorsque le réservoir est plein d’eau, la tablette est environ de deux pouces au-dessous de l’eau. Elle porte une échancrure 6 de deux pouces de long, sur six lignes de large, & près du bord du réservoir. Le bocal 2 est plus ou moins grand à volonté, il faut seulement que son embouchure y soit assez évasée, pour qu’il puisse se tenir seul, étant renversé. C’est dans ce vase qu’on minéralise l’eau. Le flacon 3 sert à recevoir les matières qui doivent fournir l’air fixe ; il a une ouverture 8, dont nous indiquerons l’usage. Son goulot se ferme avec un bouchon 9, à travers lequel passe le tube de communication. Ce tube est recourbé, comme on le voit dans la Figure ; ou comme un S. L’un des bouts traverse le bouchon, & l’autre 10 s’insinue dans le bocal 2.

On remplit le grand réservoir d’eau, de façon qu’elle surpasse la tablette 3 ; on place sur cette tablette le bocal 2, renversé & exactement plein d’eau, de façon que son orifice repose sur l’échancrure G de la tablette. On le remplit ainsi exactement en le plongeant dans le réservoir, le relevant ensuite par le cul, & le faisant couler sur la tablette, de façon que l’orifice du bocal ne quitte pas l’eau. On place le flacon sur un support 11 à côté du grand réservoir, vis-à-vis l’échancrure de la tablette. On établit le tube de communication entre le flacon, & le bocal 2, de façon que l’extrémité 10 passe dans l’orifice du bocal 2. On enfonce bien le bouchon, & on lute bien le goulot du flacon, afin que l’air ne puisse pas s'échapper par-là. Il faut avoir soin de mettre auparavant dans ce flacon de la craie ou du marbre pilé, environ deux ou trois travers de doigt de hauteur. Tout étant ainsi disposé, on verse de l’acide vitriolique étendu dans de l’eau, par l’ouverture 8, que l’on referme aussitôt après avec un bouchon ou de la cire verte. L’acide attaque la craie, en dégage l’air fixe, qui, s'échappant par le tube de communication, va se rendre dans le bocal 2, & fait descendre l’eau à proportion. Quand le bocal est rempli d’air fixe au tiers ou au quart, on le bouche bien sous l’eau avec un bouchon, de façon que l’air atmosphérique n’y entre point ; on le retire de dessus l’appareil, & en le secouant & l’agitant pendant quelques minutes, l’air fixe se combine bientôt avec l’eau, & l’eau devient une véritable eau gazeuse ou acidule. On renouvelle cette opération aussi souvent qu’on a besoin d’eau acidule.

Si l’on a besoin d’une grande quantité d’eau à la fois, on peut substituer au bocal un tonneau, comme on le voit, Figure 2. On place sur une table solide & fixe A, un tonneau debout B, de façon que son fond la déborde de quelques pouces, pour y placer une canule ou tube de bois C, de trois ou quatre pouces de longueur : on pratique un trou dans la partie supérieure du tonneau, par où on le remplit d’eau D. Le reste de l’appareil se conçoit facilement en jettant les yeux sur la Figure. On opère de la même manière que pour le petit appareil, & voici comme on remplit le tonneau. On bouche bien la canule C, puis on remplit le tonneau par son ouverture supérieure D : le tonneau exactement plein, on bouche bien cette ouverture ; puis la canule baignant dans l’eau du vase l qui sert de réservoir, on la débouche pour placer le conducteur 4. À mesure que l’air fixe monte dans le tonneau, l’eau fort dans la même proportion, tombe dans le réservoir, & de-là dans le cuvier E. Quand le tonneau est au tiers ou au quart plein d’air fixe, on retire le tube de communication, & on bouche bien exactement la canule sous l’eau. Cela fait, on renverse le tonneau sur la table : deux hommes l’agitent fortement pendant un certain temps ; huit ou dix minutes suffisent, & l’eau se trouve acidulée.

On met les matières étrangères qui doivent entrer dans la composition de l’eau minérale, après qu’on l’a saturée d’air fixe, parce qu’alors on n’en perd rien, & l’on est plus sur de l’exactitude.

Aix-la-Chapelle. Mêlez dans une eau que vous avez imprégnée de la vapeur de soie de soufre, deux grains ou environ de terre calcaire, quatre de sel marin, & près de deux gros d’alcali fixe, par pinte. (On imprègne l’eau de la vapeur du soie de soufre, comme on l’imprègne d’air fixe ; en mettant dans le flacon 3 du soie de soufre en liqueur, & le chauffant un peu pour en dégager les vapeurs, & les faire passer dans le bocal 2.)

Aumale. Deux grains de terre martiale, quelques grains de terre magnésienne, quatre grains de sel marin à base d’alcali & à base terreuse, deux grains de tourbe par chaque pinte d’eau chargée d’air fixe, seulement pour saturer le fer & la terre.

Bagnères de Luchon. Comme elles ressemblent parfaitement à celles de Barèges, voyez cet article.

Balaruc. Mettez dans de l’eau chaude échauffée au 42e. degré, pour soixante livres d’eau, trois gros de terre calcaire ; versez-y quelques gouttes d’acide vitriolique assez étendu d’eau pour que l’effervescence soit lente & douce ; bouchez bien le vase pendant douze heures, puis mettez-y une once de sel marin, & trois gros de sel déliquescent.

Bard. Un scrupule d’alcali, quinze grains de terre magnésienne, huit à dix grains de sélénite par pinte d’eau chargée d’air fixe.

Barège. Dans de l’eau échauffée depuis 28 jusqu’au 40e. degré de chaleur, mettez une très-petite quantité de soie de soufre à base d’alcali, de l’argile phlogistiquée, & du sel marin à base terreuse, le tout environ deux grains par pinte.

Bonnes. Mêmes principes que les précédentes, excepté que le soie de soufre est à base terreuse, & qu’il ne faut point de sel marin à base terreuse.

Bourbonne. Par pinte d’eau échauffée depuis le 45e. jusqu’au 55e. degré, un gros de sel marin ordinaire, huit de sélénite, & quelques grains de terre magnésienne.

Bussang. Par pinte d’eau acidulée, quelques grains d’alcali, & très-peu de fer ou de mine de fer.

Caransac. Mêlez de l’eau martiale avec un peu d’eau sulfureuse artificielle.

Chateldon. Par pinte d’eau fortement acidulée, trois grains de magnésie, quatre de terre calcaire, quatre d’alcali minéral, quatre de sel marin, & deux de terre martiale.

Chatelguyon. Par pinte d’eau chauffée au vingt-quatrième degré, cinquante-cinq grains de sel marin, quelques grains de sel d’epsom ; chargez ensuite cette eau d’air fixe, puis ajoutez-y quatre gros de magnésie & de terre calcaire, & s’il est nécessaire, redonnez encore de l’air fixe pour dissoudre les terres & aciduler l’eau.

Condé. Par pinte d’eau légèrement acidulée, un peu de fer, du sel marin à base terreuse environ six grains, & huit grains & demi de sélénite.

Epsom. Une demi drachme de sel d’epsom par livre d’eau.

Sœdlitz, quatre drachmes de sel d’epsom, &, environ une quarantaine de grains de sel marin déliquescent.

Seydschutz, par pinte, près d’une once de sel d’epsom, un scrupule de sélénite, & une vingtaine de grains de sel déliquescent.

Forges. Mettez un grain de limaille de fer, & quelques grains de terre magnésienne dans une pinte d’eau, imprégnées d’air fixe, bouchez la bouteille ; au bout de vingt-quatre heures débouchez-la, & goûtez l’eau, si elle est un peu acidule, vous laisserez évaporer l’acide surabondant.

Lamothe. Par pinte d’eau échauffée au quarante-cinquième degré, quarante-huit grains de sel commun, un scrupule de sel d’epsom, dix à douze grains de sel marin à base de magnésie, un grain de terre argileuse, & vingt-cinq de sélénite.

Langeac. Par pinte d’eau acidulée, douze grains d’alcali fixe, douze de terre magnésienne, & deux d’argile.

Medague. Par pinte d’eau acidulée, environ quarante grains d’alcali minéral, mêlé d’un peu de sel marin, & environ quatorze grains de terre magnésienne, avec un soupçon de terre martiale.

Montbrison. Pour quarante livres d’eau acidulée, cinq gros & huit grains de terre magnésienne, & cinq gros & demi d’alcali.

Mont-d’Or. Par pinte d’eau, mettez un gros d’alcali minéral, ajoutez-y une goutte, au plus, de pétrole blanc ; faites chauffer l’eau jusqu’au trente-sixième degré, en ayant soin de l’agiter ; cela fait, filtrez-la, pour retenir le bitume qui ne seroit point dissous, mettez-y un demi gros d’alcali minéral, acidulez l’eau ; enfin ajoutez-y un grain de terre martiale, un peu de terre calcaire & de sélénite.

Passy. Par pinte d’eau, deux gros de sel séléniteux, mêlé de terre martiale, dix-neuf grains de sel d’epsom, & six de vitriol de mars.

Pyrmont. Par pinte d’eau acidulée, un grain de terre martiale, quelques grains de sel déliquescent, vingt grains de terre magnésienne.

Pougues. Par livre d’eau acidulée, un demi-grain de terre martiale, treize à quatorze grains de terre magnésienne, un demi-scrupule en tout de sel marin & d’alcali minéral.

Pouillon. Par pinte d’eau, dans laquelle on a fait passer un peu d’air fixe, mais pas assez pour la rendre acidule, deux gros & quelques grains de sel marin à baie terreuse non déliquescent.

Provins. Par pinte, deux grains de sel de glauber, un peu moins de sel marin à base terreuse, un peu de vitriol martial & de la sélénite.

Sail. Par pinte d’eau très-acidulée, trente grains d’alcali minéral, quinze grains de terre magnésienne, & un grain de terre martiale.

Saint-Amand. De l’eau commune, imprégnée seulement de vapeurs de soie de soufre.

Saint-Galmier. Dans une livre d’eau très-spiritueuse environ neuf grains de terre magnésienne, deux de sélénite, un peu d’alcali végétal, deux grains par pinte.

Saint-Myon. Par pinte d’eau acidulée, trente grains d’alcali minéral, quatre grains de sel marin, & douze de terre magnésienne.

Seltz. Dans de l’eau acidulée, quelques grains de sel marin, & d’alcali, & un soupçon de terre ferrugineuse.

Spa. Par pinte d’eau très-acidulée, un peu plus d’un grain de fer, un peu moins d’un grain d’alcali végétal, & six grains de terre, partie calcaire, partie magnésienne, & partie argileuse.

Vals. Pour imiter les eaux spiritueuses des quatre sources de Vals, par pinte d’eau très-acidulée, un demi-gros d’alcali & un peu de fer. Pour imiter les eaux vitriolique de la Dominique De Vals, par pinte d’eau acidulée, à peu près dix-sept à dix-huit grains de vitriol, cinq ou six grains de terre argileuse & autant d’alun.

Vichi. Par pinte d’eau échauffée depuis le vingt-sixième jusqu’au quarante-huitième, un demi-gros en tout d’alcali minéral, d’alcali végétal, & de sel marin ; puis acidulez cette eau, ensuite ajoutez-y trois à quatre grains de terre magnésienne, & un peu de terre argileuse.

Telles sont les différentes proportions d’après lesquelles on peut imiter les eaux minérales les plus connues & les plus en usage en France. C’est au médecin habile & instruit à savoir les ordonner à propos. M. M.

Eau, Agriculture (Voyez ce qui a été dit sur le mot Arrosement)

Eau, Médecine rurale. L’eau est la boisson la plus commune & la plus usitée ; elle sert de base à tous les alimens, & joue le principal rôle dans l’économie animale.

I. De l’eau considérée comme boisson. L’eau la plus claire, la plus légère, & conséquemment la plus pure, exempte de tout corps hétérogène, est la meilleure. Pline a dit que la bonne eau devoit être, en quelque manière, semblable à l’air. Sous ce point de vue, celle de rivière mérite la préférence sur les autres, comme la plus saine de toutes, parce que le soleil l’a échauffée, & qu’elle est presque toujours empreinte d’un peu de sel qui la rend apéritive dans certains pays tempérés. Souvent elle est trouble, il est vrai ; mais on l’éclaircit en la laissant reposer ou filtrer dans des vases bien propres, & destinés à cet usage. Elle facilite la coction de certains légumes, les attendrit plus promptement que toute autre espèce d’eau ; les blanchisseuses ont fort bien observé qu’elle dissolvoit mieux le savon, & nettoyoit mieux le linge que ne fait l’eau de puits ou de certaines fontaines. C’est aussi par la même raison qu’elle mérite la préférence en médecine sur les autres pour remplir différentes indications ; tout paroît concourir à lui donner la préférence. Pour l’ordinaire elle coule sur un beau-sable, sur des gros cailloux ; sa rapidité contribue beaucoup à sa pureté, elle l’épure par les différens chocs qu’elle lui fait éprouver.

II. Ses qualités & sa manière d’agir comme médicament. On devroit la guérison de beaucoup de maladies au seul usage de l’eau, si les malades & les médecins eux-mêmes étoient plus patiens ; les seconds pour attendre les mouvemens critiques de la nature, & les premiers pour supporter leurs maux. Le fameux Dumoulin, médecin de Paris, s’exprima ainsi au dernier moment de sa vie ; je ne connois que deux grands médecins, la Diète & l’Eau.

L’eau, en délayant les matières épaisses, glaireuses & d’une consistance très-visqueuse, les rend plus aptes à l’évacuation ; & je ne comprends pas pourquoi dans le principe des maladies, on se hâte d’accabler les malades de remèdes : ne retireroit-on pas de plus grands avantages en les inondant, pour ainsi dire, d’eau légèrement dégourdie, afin d’examiner si la nature ne voudroit pas agir d’elle-même ? Quelquefois, & le plus souvent, quand la matière n’est pas trop abondante, elle agit plus efficacement, aidée par le seul secours de l’eau, que par les remèdes les plus énergiques.

On peut dire que c’est un remède excellent, supérieur à tous les autres par ses vertus, & qui seul suffit à la guérison de la maladie la plus opiniâtre, pour laquelle on emploieroit en vain tous les autres secours de l’art. L’eau est le véhicule naturel de la plupart des médicamens, & c’est elle qui distribue les uns & les autres dans les diverses parties du corps.

Les médecins qui répètent si souvent qu’il faut employer des remèdes très-actifs pour vaincre les maux considérables, ne doivent pas ignorer que, pendant les épidémies, il suffit de boire une grande quantité d’eau, afin d’empêcher l’apparition des maladies les plus graves.

C’est par sa propriété de dissoudre certaines substances, qu’elle est l’instrument chimique de l’analyse menstruelle, dont l’application est très étendue. C’est aussi à ce titre qu’elle sert à préparer des bouillons, des gelées, des sirops, des boissons agréables, comme orgeat, limonade, &c. & qu’elle fournit plusieurs remèdes sous une forme commode.

III. Les qualités de l’eau varient selon le degré de froid & de chaleur. Les qualités de l’eau en général sont très-étendues ; elles varient selon le degré de froid & de chaleur.

I°. De l’eau froide, & son action comme médicament. Personne n’ignore qu’on doit boire l’eau au même degré de froid & de chaud que la nature la donne ; en général, il vaut mieux boire l’eau froide que chaude ; froide, elle satisfait plus les vues de la nature, & pourvoit mieux au besoin que l’on cherche à remplir. Elle appaise la soif, & ranime davantage ; elle flatte l’estomac ainsi que le palais.

L’eau froide est sans contredit le tonique le plus naturel & le plus approprié à toute espèce de relâchement. Mal à propos des auteurs se sont recriés contre son usage ; ils ont prétendu que ceux qui ne buvoient que de l’eau, étoient foibles, d’un tempérament délicat. Il y a tout lieu de croire qu’ils ont fait ces observations dans des pays froids, humides & marécageux : elles sont bien opposées à celles faites journellement dans les pays chauds. Les montagnes, comme celles des Cevennes, de la haute Auvergne, dépourvues de vin, parce que la chaleur & le degré de température, ne sont point propres à favoriser la végétation de la vigne, en fournissent les preuves les plus frappantes. Le paysan de ces pays ne boit que de l’eau, souvent ne mange que de mauvais pain, & rarement est-il malade. On n’y a presque jamais observé de maladie épidémique. La salubrité de l’air, il est vrai, peut y influer ; les hommes y sont gros & gras ; ils portent sur leurs figures les roses de la santé la plus décidée. À quoi attribuera-ton cette force qui leur est si naturelle ? cet état de santé chez eux si fort & si durable ? Soyons de bonne foi, & convenons que s’ils jouissent de ce trésor, & d’un bien si précieux, ils le doivent en grande partie à la pureté des eaux, & à la salubrité de l’air qu’ils respirent.

Dans le bas-Languedoc, où les vins de toute espèce sont abondans, & à un très-vil prix, les femmes en général n’en boivent point. C’est même une loi parmi elles ; les mères de famille se font un point d’honneur de n’en point donner à leurs filles, & même de leur en faire perdre l’habitude, quand elles ont atteint l’âge de raison, si elles en buvoient dans un âge plus tendre : comme remède, elles ne leur permettent seulement que de rougir l’eau avec le vin ; mais en revanche les hommes en boivent beaucoup, & il n’est pas de journalier à qui il ne faille par jour deux à trois pintes, mesure de Paris ; ils sont assurément moins forts & moins vigoureux que les habitans des montagnes voisines, & sont sujets à des maladies qui les enlèvent à la fleur de leur âge. Ils contracteroient moins de fluxions de poitrine, s’ils savoient ou vouloient bien tremper leur vin.

J’ai observé que dans le bas-Languedoc, les femmes qui s’habituoient à boire du vin, sans cependant commettre des excès dans ce genre, avoient de la barbe tout comme les hommes, & qu’elles étoient forcées de se la faire une fois la semaine ; je crois que la crainte en retient beaucoup ; c’est même ce qui engage la plupart des mères à le défendre à leurs filles.

L’eau froide prise immédiatement après le repas, est préférable à tout ce qui peut aider la digestion. Elle n’a pas les inconvéniens de certains digestifs incendiaires. Les estomacs les plus foibles retireront les meilleurs effets de son usage. Le café & toutes les liqueurs spiritueuses, qu’on appelle vulgairement pousse-café, ne remontent point les forces digestives au degré naturel & nécessaire à une bonne digestion. Comme tonique, l’eau froide coopère beaucoup à la digestion. Elle agit plus vivement comme dissolvant. Si la bile qui abonde dans l’intestin duodénum pendant la digestion, est trop épaisse & trop visqueuse, & elle s’y rend avec trop de lenteur, dans ces deux cas, la digestion sera paresseuse, mais par l’usage de l’eau froide, elle deviendra plus aisée.

2°. De l’eau glacée, & son action comme médicament. L’eau à la glace, en diminuant l’âcreté de la bile, en lui enlevant sa causticité, peut faciliter la digestion. L’usage du café & des liqueurs spiritueuses ne rempliroient point ces indications, & bien loin d’adoucir cette humeur si nécessaire à l’économie animale, ils augmentent son âcreté, la rendent corrosive, & produisent des spasmes & des convulsions.

Je pense, & je crois en effet que les personnes surchargées de beaucoup d’humeurs & d’embonpoint, retireroient des avantages du café & des liqueurs spiritueuses, parce qu’elles ont besoin de véhicule capable de briser & ronger leurs humeurs. Depuis quelques années le café est devenu fort à la mode en France ; mais il faut aussi convenir que c’est plutôt par ton & par luxe qu’on s’est asservi à son usage, que par besoin : l’eau très-froide lui est préférable. On n’a qu’à jeter les yeux sur les personnes riches, qui vivent somptueusement, accoutumées à des grands repas, & on verra que, pour se bien porter, elles boivent à la glace tant en hiver qu’en été, & qu’elles ont besoin d’un tonique aussi fort, aussi spécifique, afin de ranimer les fonctions de leur estomac ; enfin, pour pouvoir digérer.

N’observe-t-on pas en été les bons effets produits par les glaces au citron, à la groseille, au verjus, &c. immédiatement après le repas ? elles font le plus grand bien, & rien au monde ne fait mieux digérer. Je conviens cependant que tous les estomacs ne s’accommodent pas de l’eau très-froide ; mais elle ne fera jamais mal à celui dont l’estomac sera trop tendu & trop irrité, & qui la boira à la température du 10 ou 11 degrés, indiquée par le thermomètre de Reaumur : c’est en général celui de l’eau sortant d’une bonne source, pendant chaque saison.

3°. L'eau tiède de 25 à 30 degrés, est encore d’une grande utilité dans l’économie animale, prise sous forme de bain : (voyez le mot Bain) elle produit les plus heureux effets dans les convalescences longues, pénibles & laborieuses, surtout lorsque les organes digestifs ont été trop irrités par l’usage des purgatifs dont on a abusé dans le traitement des maladies : dans ce cas, c’est un véritable spécifique. Elle seule relâche ces parties, leur redonne la souplesse naturelle, & rétablit l’ordre des fonctions. Dès lors on n’observe plus ces diarrhées, ces affections lientériques & cœliaques, qui sont presque toujours inséparables de cet état.

4°. Eau chaude de 40 à 60 degrés ; son action comme médicament. Je crois qu’on pourroit absolument se passer de donner les émétiques antimoniaux dans beaucoup de maladies. Si l’on vouloit se borner à faire boire aux malades beaucoup d’eau chaude, il arriveroit moins d’inconvéniens. Nos anciens connoissoient-ils les préparatifs d’antimoine ? Non, sans doute ; ils se servoient des huileux, des corps doux, qui, en pesant sur l’estomac, forçoient ce viscère à entrer en convulsion, & par ces moyens ils avoient les mêmes résultats que nous, en donnant le tartre émétique, ou bien l’ipécacuanha. On risquera toujours moins d’irriter, d’exciter la sensibilité de la membrane nerveuse de l’estomac, & des autres viscères abdominaux. Il faut aussi convenir que l’eau chaude, comme émétique, ne peut pas trouver une place dans tous les cas où il faudra secouer fortement. Les émétiques antisociaux sont alors préférables, surtout lorsqu’il est nécessaire de donner une commotion à la machine, & changer la manière d’être du principe vital qui se trouve dans un état d’affaissement & d’inertie. M. AM.

Eau, considérée comme boisson, Médecine vétérinaire. Aussitôt qu’une maladie épizootique se manifeste, on accuse l’air d’en être le principe, & je doute fort que l’air soit la cause d’aucune maladie en ce genre, à moins qu’on habite les bords des marais. Les eaux corrompues, ou simplement exposées au gros soleil d’été, dont on abreuve les bestiaux, contiennent le germe ou de la putridité ou de l’insalubrité ; il n’est donc pas étonnant que les animaux soient malades. J’ai beaucoup vu & fait traiter d’épizooties, (voyez ce mot) & l’observation m’a démontré, i°. que presque toutes paroissoient dans les plus fortes chaleurs de l’été ; 2°. que les animaux infectés avoient été réduits à boire l’eau des mares, ou de mauvaises eaux ; 3°. que presque toutes les épizooties etoient inflammatoires, putrides & gangréneuses.

La construction des Citernes, (voyez ce mot) préviendroit ces fâcheux inconvéniens, puisqu’elles fourniroient une eau salubre & assez fraîche pendant toute l’année ; mais le propriétaire craint la dépense, & les domestiques la peine de puiser cette eau & de la donner à l’animal. La constitution des saisons permet pendant plusieurs années de suite que les animaux ne périssent pas de la boisson de l’eau des mares ; le propriétaire croit qu’elle sera toujours aussi favorable, l’épizootie survient, il se lamente en vain, perd son bétail & n’est pas plus prudent à l’avenir. Je dirois à cet homme : Combien avez vous perdu par la mortalité de vos bestiaux ? combien vous auroit coûté une citerne ? & combien vous en coûtera-t-il pour remonter votre labourage ? Eh bien, calculez actuellement quelle est la dépense la plus dure & la plus pesante, & n’oubliez pas qu’une citerne bien faite dure des siècles. Revenons aux qualités de l’eau.

Toute eau de mare est malsaine, elle tend journellement à se putréfier, & par conséquent à s’alcaliser, (voy. le mot Alcali) & dans aucun cas quelconque, loin de désaltérer l’animal, de l’humecter, de le rafraîchir, elle porte dans son sein un principe incendiaire & putride, son sang se décompose, s’enflamme, & l’inflammation & la gangrène ne tardent pas à produire les ravages les plus prompts & les plus affreux ; un seul coup-d’œil jeté sur les eaux de mare, offre une démonstration complète de leur corruption. Que de crapauds, que de grenouilles vivent, fraient & se multiplient dans leur sein ! Qui n’a pas observé cette humeur muqueuse, qui naît d’abord en masse sur les œufs de ces insectes, & ensuite se déroulant peu à peu, ressemble à une corde de plusieurs aunes de longueur. Dès que l’insecte est sorti de son œuf, cette matière s’élève à la superficie de l’eau, s’y putréfie en très-peu de temps, & répand une odeur infecte & marécageuse dans tout le voisinage. Pour exciter cette putréfaction, ce mauvais air, il n’est pas nécessaire que les chaleurs dévorantes se fassent sentir ; c’est dans le mois de mars ou d’avril, & au plutard en mai suivant les climats : voilà de l’eau déjà viciée. Que sera-ce donc dans les mois suivans ? Je cite cet exemple, parce qu’il est sensible aux yeux les moins accoutumés à suivre la marche de la génération des différens êtres. Si on entre dans de plus grands détails, on verra une foule innombrables de petits animaux y vivre, y jouer, y multiplier ; mais comme aucun ne passe d’une métamorphose à une autre sans se dépouiller de son enveloppe, & que ces métamorphoses sont toujours au nombre de deux ou de trois, on doit juger de l’amas prodigieux d’immondices qui s’accumule dans toute eau stagnante ; dès lors quel foyer de putridité ! À cette masse d’animaux dont la dégradation de grosseur va jusqu’à les rendre imperceptibles à la vue, si on ajoute celle que le microscope fait découvrir, on verra, par son secours, que dans la plus petite goutte de cette eau, il existe encore une multitude innombrable d’animalcules dont la vitalité est sans doute soumise aux mêmes loix que celle des insectes plus volumineux. Faut-il chercher ailleurs la cause des épizooties !

Quand même ces eaux stagnantes seroient pures, elles ne seroient pas saines. Le soleil ayant dardé les rayons depuis son lever jusqu’au moment où il disparoit de dessus l’horizon, les échauffe, & à mesure qu’elles s’échauffent, elles perdent une partie de l’air qu’elles s’étoient appropriées, & cet air est ce qui leur procure la qualité si précieuse & si nécessaire à la digestion. L’eau tiède, l’eau chaude pèse sur l’estomac, ralentit la décomposition des alimens, relâche les fibres, tandis que l’eau froide leur redonne du ton & du ressort, & entretient la santé de l’animal. Prenez une certaine quantité d’eau, divisez-la en plusieurs portions, faites en chauffer une au degré 25, l’autre au degré 40 ; enfin, faites bouillir séparément une des portions, plongez un aréomètre, (voyez ce mot) dans l’eau froide & successivement dans toutes les autres à différens points de chaleur, & vous verrez que plus ces eaux approcheront du degré 80, plus elles seront pesantes, par conséquent moins digestives.

L’eau est la seule boisson des animaux, & le fourrage sec est en général leur nourriture ; ils ont donc besoin d’être en plus grande proportion que l’homme ; dès-lors, si ce premier besoin de la vie manque ou est insalubre ou corrompu, il est inutile de penser que les bestiaux puissent se bien porter, & par conséquent faire le travail qu’on seroit en droit d’attendre d’eux. De toutes les erreurs, la plus absurde est de penser que plus une eau est trouble, & plus elle engraisse l’animal. (Voyez ce qui a été dit au mot Abreuvoir)

Trois fois par jour faites boire l’animal, soit en été soit en hiver ; plus raisonnable que l’homme, il ne boira pas au-delà de ses besoins ; mais ayez attention, lorsqu’il revient des champs, dans l’été surtout, de le laisser manger tranquillement pendant une heure avant de lui donner à boire.

Certaines eaux, quoique très claires, très-limpides, sont nuisibles à toute espèce d’animal domestique ; dans ce cas, tout est relatif : on connoît plusieurs sources qui occasionnent des coliques, des tranchées affreuses, mais ces eaux contiennent en elles-mêmes des principes métalliques, du cuivre, par exemple, tenu en dissolution, & l’expérience prouve en général, que toutes les sources voisines des mines sont mal-saines… Les eaux trop fraîches produisent des effets funestes, surtout lorsque l’animal est échauffé par le travail, ou son sang allumé par la chaleur : c’est le cas de laisser ces eaux pendant quelque temps exposées à la chaleur de l’atmosphère. Comme tous les fluides tendent toujours à se mettre en équilibre, elles ont dans moins d’une heure acquis le degré de chaleur de l’atmosphère ; cette chaleur seroit trop forte en été, & l’eau ne seroit pas aussi saine qu’elle l’étoit quelques temps auparavant, & elle relâcheroit l’estomac.

Lorsque les chaleurs se font sentir, & surtout dans la canicule, quelques gouttes de vinaigre jetées dans l’eau jusqu’à ce qu’elle soit légèrement acidulée, donneront une boisson saine, qui calmera l’impétuosité du sang, & surtout préviendra & diminuera la putridité des humeurs, si dangereuse & si funeste dans cette saison. Le nitre à petite dose produiroit le même effet, quant à la diminution de l’effervescence, mais je ne crois pas l’un & l’autre d’excellens préservatifs contre les progrès de la putridité une fois commencée ; ils coûtent si peu, que je suis surpris que leur usage ne soit pas plus fréquent.

Ce que j’ai dit sur les effets de l’eau, ou froide, ou tiède, ou chaude, concerne seulement l’animal en santé ; mais dans toutes les maladies inflammatoires, la boisson doit être au moins tiède.

Si on étudioit un peu plus la nature, si on s’attachoit uniquement à aider ses efforts & non à les prévenir ou les contrarier, l’eau simple pourroit être regardée comme une médecine universelle. La domesticité, il est vrai, a beaucoup changé la constitution des animaux ; cependant ils sont beaucoup moins que nous éloignés de leur premier type, & par conséquent ils ont moins de besoins & surtout moins de maladies. Livrés à eux-mêmes, l’eau est presque leur seul remède.

Eau blanche, Médecine vétérinaire. Boisson ordinaire des animaux malades. Sa préparation est décrite au mot Boisson.