Cours d’agriculture (Rozier)/FOSSÉ

La bibliothèque libre.
Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 15-16).


FOSSÉ. Tranchée creusée en long pour clorre, pour enfermer un champ, une vigne, un bois, &c. ou pour servir d’écoulement aux eaux pluviales… On appelle fossé revêtu, celui dont l’escarpe & la contre-escarpe sont revêtus d’un mur de maçonnerie ; fossé sec, celui qui est sans eau ; fossé à fond de terre, celui qui est sec & escarpé. Il est rare de voir dans la campagne un fossé bien fait, parce qu’on les fait tous sur le même modèle, sans avoir égard à la plus ou moins grande ténacité du grain de terre, c’est-à-dire, qu’on donne communément l’inclinaison des bords d’un à deux pouces par pied. Il me semble que la règle stricte de la forme des fossés est indiquée par la nature. Si je me promène sur les bords d’une rivière, & que le sol ait de la consistance, ces bords seront escarpés & presque perpendiculaires, sur-tout si le cours du fleuve ou de la rivière est paisible. Si le cours est rapide, ses bords seront un peu inclinés, & s’il est très-rapide ils décriront un angle de 45 degrés, c’est à-dire, que A est leur base, C la perpendiculaire sur la base, & de B en A sera l’inclinaison.

Si le sol a la ténacité de l’argile & de la craie, de la terre forte, les bords, je le répète, seront presque perpendiculaires, & à mesure que la ténacité du sol diminuera, les bords approcheront, du plus au moins, de l’inclinaison de 45 degrés. Si cette loi varie, cela tient à des circonstances purement locales, & une semblable inclinaison donnée aux revêtemens en pierres que l’on fait, pour empêcher les dégradations causées par les courans des fleuves les plus rapides, suffit pour amortir leur impétuosité & conserver les chaussées intactes. J’ai la preuve de ce que j’avance. La démonstration géométrique de cette assertion nous mèneroit trop loin.

La conclusion à tirer, est que, si la terre est forte & tenace, les bords presque perpendiculaires, avec l’inclinaison d’un pouce par pied, seront suffisans ; que si la terre a peu de liant, on est forcé de donner l’angle de 45 degrés. Les parois doivent chaque année être rafraîchis, c’est à-dire, bien égalisés & bien unis, parce que si des plantes, des arbrisseaux, des racines, ou des pierres, forment des éminences, il est clair que s’il survient un courant d’eau sa rapidité sera augmentée par la résistance qu’il trouvera, & nécessairement il se formera un plus grand courant par derrière, & par conséquent un affouillement des terres, tandis que, si la surface avoit été bien unie, l’eau auroit glissé & n’auroit rien endommagé.