Cours d’agriculture (Rozier)/LUPULINE

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LUPULINE, (Medicago lupulina L.) trèfle à fleur jaune, luzerne houblonnée, minette dorée ; tels sont les différens noms donnés à cette plante, rangée parmi celles qui ont trois feuilles à chaque nœud de leurs tiges ; on l’appelle encore trèfle noir, à cause de la couleur obscure de ses légumes en maturité.

Feuilles. Elles sont petites, ovales, d’un vert pâle, nombreuses, réunies en touffes ou boutons ronds, qui ressemblent beaucoup au houblon.

Fruits. Cosses ou enveloppes de la semence de couleur noirâtre, ayant à peu près la même figure que les touffes des fleurs.

Racine. Pivotante, comme celle des trèfles, blanchâtre, mince et fibreuse.

Port. Tiges plus multipliées, plus rameuses, plus touffues, mais moins élancées que celles du grand trèfle rouge.

Lieu. Croît spontanément parmi les blés, malgré tous les labours possibles, dans les terres légères, crayeuses, et sur les coteaux.

Culture. Les terres où l’on veut semer la lupuline doivent être parfaitement nettoyées et labourées ; c’est au printemps ou en automne que les semailles ont lieu : on peut s’épargner le soin de séparer la graine de ses enveloppes, et alors il faut en répandre un boisseau par acre, au lieu qu’il n’en faut guères que douze livres environ pour la même quantité de terrain lorsqu’on se sert de la semence pure ; mais il convient de choisir un jour calme, autrement le vent la disperseroit irrégulièrement sur le terrain, de herser ensuite légèrement et de passer le rouleau, d’éviter sur-tout que la semence soit trop enterrée.

La plante donne un produit, dans l’année qui suit celle de son ensemencement, se défend contre la sécheresse, même dans les prés hauts, et est sur-tout recommandable comme pâturage propre aux moutons.

Le ci-devant duc de Charost communiqua, en 1785, à l’ancienne Société d’Agriculture de Paris, un Mémoire de M. Bernet-Degrez, cultivateur de l’Ardresis, département du Pas-de-Calais, qui avoit pour objet les avantages considérables qu’on pouvoit obtenir des prairies formées avec la lupuline. Cette plante a d’abord été cultivée dans des terres sèches et arides, qui donnent très-souvent, en automne et en hiver, des espérances qui s’évanouissent presque toujours au temps de la récolte ; ce défaut de prés naturels, l’insuffisance des prairies artificielles, ont déterminé ce cultivateur à rechercher de nouvelles ressources pour augmenter la nourriture de ses moutons. Il trouva auprès de Gravelines des prairies artificielles, formées avec la lupuline ; il essaya d’abord d’en semer sur un arpent de ses terres les plus médiocres, et recueillit beaucoup de graines qu’il s’empressa de distribuer à ses voisins, et à d’autres propriétaires qui, à son exemple, l’ont cultivée avec profit.

Pendant dix années, M. Bernet-Degrez augmenta chaque année l’étendue de cette prairie, qu’il a portée au dixième de son exploitation ; et malgré l’extrême sécheresse de 1785, il a trouvé la possibilité de nourrir une grande quantité de bétail, et d’entretenir un troupeau considérable de moutons. Ce succès soutenu lui a fait donner la préférence à la lupuline, sur toutes les autres plantes propres à former des prairies artificielles ; il prétend qu’un laboureur exploitant deux charrues, peut, avec vingt arpens de lupuline en herbages, et six en prairies, nourrir en été dix vaches, et ses chevaux de labour, avoir un troupeau de cent bêtes à laine, et récolter douze à quinze cents bottes de foin pour la subsistance de ces bestiaux pendant l’hiver.

Mais cette abondance de nourriture n’est pas le seul mérite que M. Bernet-Degrez ait reconnu à la lupuline ; il a observé que le produit des graminées qui lui succédoient immédiatement devenoit plus considérable qu’auparavant, et qu’il récoltoit aujourd’hui deux tiers de plus, tant en paille qu’en grains, et d’une qualité supérieure.

La lupuline a trouvé aussi des partisans parmi les agriculteurs les plus distingués. M. Dumont Courset, à qui nous devons le Botaniste Cultivateur, a cherché également à fixer l’opinion sur les inconvéniens et les avantages de cette plante. Selon cet écrivain, elle doit être réservée aux terrains secs et aux coteaux crayeux qu’elle peut améliorer en même temps qu’elle leur fait rapporter un produit qu’on n’auroit jamais obtenu sans elle, et qui doit être spécialement destiné à faire des pâturages pour les moutons, parce que sa tige rampante ne la rend pas très-propre à être fauchée et à en faire par conséquent une prairie artificielle : aussi a-t-on proposé de la mêler avec un quart de luzerne afin qu’elle se ramât pour se soutenir droite ; mais ce procédé n’est pas du nombre de ceux que la grande culture adopte ; il est plus simple de semer la lupuline seule, et de la destiner à une bonne pâture.

Indépendamment de l’avantage qu’a cette plante de prospérer sur un sol de médiocre qualité, et de pouvoir se semer seule ou mélangée avec le blé de mars, elle brave aisément les vicissitudes des saisons, et a déjà assez acquis de croissance, au retour du printemps, pour offrir, à cette époque critique pour les animaux, un fourrage vert et salutaire.

Usages économiques. Aucun fait ne constate que l’usage de la lupuline soit suivi de quelques inconvéniens comme celui du grand trèfle, qui donne aux animaux des tranchées lorsqu’ils en mangent par surabondance, et que l’herbe est mouillée par la pluie ou la rosée ; mais, comme cette plante réussit dans un fonds moins gras, qu’elle se plaît sur un terrain sec et élevé, il y a tout lieu de croire qu’elle ne renferme pas autant de matière nutritive sous le même volume.

Quels que soient donc les avantages bien constatés de la lupuline, les cultivateurs qui ont des terrains où le grand trèfle peut réussir ne doivent point balancer de le préférer, attendu que son rapport est beaucoup plus considérable et que la plante dure plus long temps ; c’est aussi ce qu’a fait M. Delporte, célèbre agriculteur, qui a également reconnu que, dans le ci-devant Boulonnois, où il entretient un beau troupeau de bêtes à laine, la lupuline convenoit aux sols secs et légers, et donnoit du fourrage de bonne heure ; cette dernière considération ne doit jamais échapper au fermier qui a beaucoup de bestiaux à nourrir.

(Parmentier.)